Enquête existentielle

Logo de ChatGPT

Il est beaucoup question dans l’actualité, depuis un an, des robots conversationnels, notamment de ChatGPT. Histoire de tester celui-ci, l’Oreille tendue lui a posé sept questions :

Qui est le professeur de littérature québécois Benoît Melançon ?

Quels sont les travaux du professeur Benoît Melançon sur la littérature française du XVIIIe siècle ?

Quels sont les travaux du professeur Benoît Melançon ?

Benoît Melançon a-t-il publié des textes sur le hockey ?

Benoît Melançon a-t-il publié des travaux sur la correspondance ?

Benoît Melançon a-t-il publié des travaux sur la culture numérique ?

Benoît Melançon est-il parfois invité à la radio de Radio-Canada ?

Résultats ?

ChaptGPT est convaincu que les travaux de l’Oreille tendue «portent sur divers sujets, notamment la littérature québécoise du XIXe siècle, la culture populaire, la bande dessinée et la littérature de voyage». Pour les trois dernières choses, ça va à peu près, encore que ce soit assez marginal dans sa production scientifique. En ce qui concerne le XIXe siècle québécois, le robot a tout faux : l’Oreille a consacré l’essentiel de ses travaux à la littérature française du XVIIIe siècle. Qu’en pense ChatGPT ? «À ma connaissance, Benoît Melançon est plutôt un spécialiste de littérature québécoise et de culture populaire, et il a moins d’implication dans la littérature française du XVIIIe siècle.»

L’Oreille a écrit des masses de choses sur la pratique de la lettre. ChatGPT l’ignore : «À ma connaissance, Benoît Melançon s’est principalement concentré sur des sujets tels que la littérature québécoise, la culture populaire, la littérature du XIXe siècle et d’autres domaines connexes. Cependant, il est possible qu’il ait abordé des questions de correspondance dans le cadre de ses recherches sur la littérature du XIXe siècle, où la correspondance épistolaire était souvent un élément important.»

Le numérique ? Rien.

Radio-Canada ? Rien non plus.

L’Oreille a (co)signé plus de vingt-cinq livres (ouvrages individuels ou collectifs). ChatGPT n’en connaît aucun. Au contraire, elle lui en prête six : l’Oreille n’a écrit aucun de ces six livres, ni celui sur «l’émergence et l’impact de la culture rock au Québec dans les années 1950 et 1960», ni le Hockey : une poésie.

ChatGPT reconnaît par avance ses erreurs : «ChatGPT can make mistakes. Consider checking important information.» C’est un euphémisme. C’est d’autant plus troublant que les travaux de l’Oreille sont partout sur le Web, ici ou .

Pour le dire poliment : peut mieux faire.

 

Illustration : logo de ChatGPT, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

[Complément du jour]

Alexandre Bazinet a soumis les mêmes questions à la version améliorée (et payante) de ChatGPT. Les résultats sont spectaculairement différents.

La recherche s’appuie sur Wikipédia, sur le site benoitmelancon.quebec, sur ce blogue, sur divers sites de l’Université de Montréal, sur le site de Radio-Canada, etc. On n’y trouve aucune erreur factuelle. C’est évidemment incomplet, mais tout à fait utile et moins délirant que la version gratuite. Ceci pose un vrai problème : comment expliquer de telles différences entre les deux versions ?

Robert et Maurice

The Standard Magazine, 9 février 1946, couverture de Robert LaPalme

Il arrive à l’Oreille tendue de se poser des questions existentielles. Exemple : l’artiste québécois Robert LaPalme a-t-il déjà dessiné Maurice Richard ? Après tout, ils sont contemporains : le premier est né en 1908, le second en 1921; LaPalme est mort en 1997, Richard en 2000.

Aucun des ouvrages sur LaPalme consultés par l’Oreille ne contenait de représentations de Richard (voir ci-dessous). Quelle ne fut pas sa joie quand, sur Mastodon, Vincent Giard a reproduit la couverture du Standard Magazine du 9 février 1946. Quel joueur de hockey portait le numéro 9 en 1946 à Montréal ? Richard, bien sûr. Dans la même équipe que Richard, en bleu, à l’arrière-plan, on voit un joueur portant le numéro 4; en 1945-1946, Léo Lamoureux avait ce numéro.

Joie redoublée dans le magnifique Picturing the Game. An Illustrated Story of Hockey de Don Weekes : on y trouve l’illustration de 1946 («hockey had rarely ever been interpreted in such a mesmerizing chaos», p. 208) et une caricature du 17 mars 1955, en lien avec ce qui deviendra l’Émeute Maurice-Richard, «La rançon de la gloire», parue dans le Devoir du 17 mars 1955 (p. 4; reproduite p. 188).

Robert LaPalme, «La rançon de la gloire», caricature, le Devoir, 17 mars 1955, p. 4

S’il est vrai que LaPalme s’est peu intéressé au hockey (p. 206), il a au moins laissé ces deux œuvres (en plus de «La gloire», une caricature d’un joueur non identifié des Canadiens dans le Devoir du 20 avril 1957, p. 4).

Voilà une question résolue.

P.-S.—Nouvelle question : en rouge, sur la couverture du Standard Magazine, l’adversaire de Richard est le numéro 12 — de qui s’agit-il ?

 

[Complément du jour]

Sur Twitter, Jean-Patrice Martel offre la réponse suivante à la question finale de l’Oreille : «Si l’image correspond à la saison 1945/46 et que l’équipe en bleu représente les Maple Leafs, alors le numéro 12 serait Ted “Teeder” Kennedy (la saison précédente, ce serait plutôt Ross Johnstone — Kennedy a joué 14 saisons pour Toronto mais n’a porté le 12 qu’une seule saison).» Merci.

 

Références

Motobiographie ou le Joyeux Testament de La Palme. Entretien avec Alain Stanké suivi de Ma vie de chien avec Lambert Closse. Une fantaisie historique de Robert La Palme, Montréal, Stanké, 1997, 210 p. Ill. Préface de Jean-Pierre Pilon.

Nadeau, Jean-François, LaPalme. La caricature et autres sujets sérieux, Montréal, L’Hexagone, coll. «Entretiens», 4, 1997, 151 p. Ill.

Weekes, Don, Picturing the Game. An Illustrated Story of Hockey, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2023, xviii/390 p. Ill.

Les zeugmes du dimanche matin de Tyler Kepner

Tyler Kepner, K, 2020, couverture

«Tom Ricketts owns the Cubs, so he got the curse-breaking curveball. [Mike] Montgomery got a ring, a memory, and the certainty that his job is the best there is» (p. 73).

«He [Roy Halladay] left behind a wife, two sons, and a legacy as a dedicated cratfsman who strove constantly to improve» (p. 256).

«The cutter lends itself to such excitement. It is meant to be thrown aggressively, and to act out the verb in its name. It aims to inflict damage, to take something whole and chop it up : the wood in the hitter’s hands, yes, but also his confidence» (p. 260).

Tyler Kepner, K. A History of Baseball in Ten Pitches, New York, Anchor Books, 2020, xiv/302 p. Édition originale : 2019.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Ne pas décéder

Pierre Assouline, le Nageur, 2023, couverture

L’Oreille tendue recule rarement devant une bataille perdue d’avance. Par exemple, elle préfère mourir à décéder.

Dans le Nageur (2023), Pierre Assouline préférerait lui aussi un autre terme que décéder :

[Alfred Nakache] a bien été arrêté par la Gestapo à Toulouse le 20 décembre 1943 sur l’accusation de «propagande antiallemande» puis déporté dans deux camps successifs qui n’étaient pas des camps de vacances, et où sa femme et sa fille sont, comme l’a inscrit un fonctionnaire, décédées. Il pourrait le contresigner. Quoique, «décédées»… L’euphémisme est délicat, dans la pure tradition de l’administration, pour dire qu’elles ont été assassinées.

 

Référence

Assouline, Pierre, le Nageur, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2023, 256 p. Édition numérique.

Murs richardiens

Maurice Richard est le plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. L’Oreille tendue a beaucoup écrit sur lui (voir ici).

Le visage de Richard orne plusieurs murs de Montréal, publics et privés.

Ajoutons deux nouvelles pièces à cette petite collection montréalaise.

Sur les murs d’un restaurant, rue Ontario Est, à côté de Guy Lafleur.

Mur du restaurant Zapiroz, 3445, rue Ontario Est, Montréal

À l’intérieur d’un café-friperie, boulevard Saint-Laurent.

Mur du café-friperie Eva B., 2015, boul. Saint-Laurent, Montréal

C’est ainsi que les mythes vivent.