Le hockey et le temps

«pour le Canadien, il s’agira bel et bien d’un match sans lendemain»
La Presse+, 11 mai 2014

«ce match est potentiellement sans lendemain»
La Presse, 12 mai 2014

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — feront face ce soir à l’élimination, aux mains des Bruins de Boston, les «Big Bad Bruins». Ils devront faire preuve de détermination, se présenter, exécuter; sinon, l’été sera long, à jouer au golf. Pour le dire comme Benoît Brunet, joueurnaliste de son état au Réseau des sports, tes meilleurs joueurs devront être tes meilleurs joueurs.

Il s’agit d’un match paradoxal.

Pour les Canadiens, c’est un match sans lendemain; s’ils perdent, ils sont éliminés. (Mais s’ils gagnent, il y aura un lendemain; c’est un peu compliqué.)

Pour les Bruins, c’est un match avec lendemain; s’ils perdent, ils pourront se reprendre plus tard cette semaine; s’ils gagnent, ils poursuivront leur parcours en série.

La menace de l’élimination, c’est l’adversité incarnée, du jour ou du lendemain, et vice versa.

 

[Complément du 27 mai 2014]

Nouveau match sans / avec lendemain ce soir entre les Rangers de New York et les Canadiens de Montréal. C’est écrit dans la Presse+ : «Michel Therrien s’attend à ce que ses joueurs abordent le match sans lendemain de mardi avec la même attitude que pour les sixième et septième rencontres de la série précédente contre les Bruins de Boston» (26 mai 2014); «Ils ont interrompu les nouvelles continues pour le point de presse de Michel Therrien, Yves, et discuter du match sans lendemain» (27 mai 2014).

 

[Complément du 6 août 2018]

Écrivant «C’est un match décisif et sans lendemain pour chacune des formations» (p. 107), Danielle Boulianne, en 2017, ne commet-elle pas un pléonasme ?

 

Référence

Boulianne, Danielle, Laflamme et le flambeau. Tome 9 de Bienvenue à Rocketville, L’île Bizard, Éditions du Phœnix, coll. «Œil-de-chat», 78, 2017, 211 p. Illustrations de Jocelyne Bouchard.

Les zeugmes du dimanche matin et du hockey

Le gardien «immobilise le disque et le jeu du même coup» (Pierre Houde, Réseau des sports, 5 avril 2014).

«Il entraîne la rondelle et l’arrêt du jeu» (Pierre Houde, Réseau des sports, 1er mai 2014).

«Carey Price était mieux d’avoir perdu ses chiens plutôt que ses repères» (@jpballeux, 5 mai 2014).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autopromotion 118

L’Oreille tendue, toujours en quête d’aventures exaltantes, a décidé d’essayer de sa familiariser avec la plateforme Storify («Créer des histoires avec les réseaux sociaux»).

Première expérience : rassembler les contributions inscrites sous le mot-clic #HockeyLittéraire. À l’instigation de Daniel Grenier (@Saint_Henri), des usagers de Twitter se sont amusés à détourner, vers le sport, quelques titres d’œuvres littéraires. C’est ici.

Deuxième expérience : regrouper des tweets qui s’intéressent à la langue du hockey, ce que l’Oreille aime appeler la #LangueDePuck. C’est .

À nous deux maintenant, Storify !

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Ce que peuvent parfois cacher les mots

Couverture de l’édition canadienne de Sports Illustrated, décembre 2014

P.K. Subban est un défenseur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. À la suite d’un match récent qu’il a aidé son équipe à remporter, il a été l’objet de commentaires racistes sur les médias sociaux. P.K. Subban est noir. Plusieurs, à juste titre, ont publiquement dénoncé ces comportements.

Sur un plan légèrement différent, mais en lien avec ce qui précède, Yves Boisvert écrit ce qui suit dans la Presse du 7 mai (cahier Sports, p. 4) :

Dans tous les autres sports majeurs, les Noirs sont rois et maîtres ou très, très nombreux dans l’élite. Le hockey ? Il est blanc comme le dos de Lars Eller. J’ai toujours pensé qu’un fond de racisme plus ou moins inconscient teintait les commentaires au sujet de Subban. Ça sourd ici et là dans les critiques excessives. Et même chez ceux qui le louangent. En as-tu assez comme moi d’entendre dire «P.K., c’est un pur sang !» Dit-on ça des joueurs blancs au talent brut pas tout à fait poli ? Le racisme renvoie l’homme de l’autre race à une forme d’animalité, soit pour l’abaisser, soit pour le glorifier.

Les propos de Boisvert rappellent ceux de George F. Will, s’agissant d’un joueur de baseball noir, dans Men at Work (éd. de 1991).

[Willie] Mays received much praise for his baserunning «instincts». But again, such praise often is veiled — and not very well veiled — condescension. Mays’s «instincts» were actually the result of meticulous work (p. 227).

Will parle de «condescendance», pas de racisme, mais on voit bien qu’on est devant un phénomène semblable : associer à un groupe minoritaire des caractéristiques réputées «naturelles».

La langue classe.

P.-S. — Sur Twitter, @cestepatent répond à Yves Boisvert qu’on a déjà utilisé la même expression, mais en anglais (thoroughbred), pour désigner un autre joueur des Canadiens, le gardien de but Carey Price. Il est vrai que Price n’est pas noir. Il est amérindien…

 

[Complément du 9 mai 2014]

Sur Twitter, @DoCharron attire l’attention de l’Oreille tendue sur un article du Guardian : une revue australienne a dû s’excuser récemment d’avoir parlé du «apeish face» (visage simiesque) d’un surfer… autochtone.

 

Référence

Will, George F., Men at Work. The Craft of Baseball, New York, HarperPerennial, 1991, ix/353 p. Ill. Édition originale : 1990.

Dégustation à l’aveugle

Demandez qu’on vous serve un texte sans vous en indiquer l’auteur.

Essayez d’y repérer la présence conjointe des expressions / formulations suivantes :

la locution adverbiale non seulement suivie d’une inversion du verbe et du sujet (non seulement pontifiait-il);

le verbe identifier utilisé à toutes les sauces (il a identifié sa problématique);

l’expression faire en sorte mise pour faire (son imbibition pendant le match des Canadiens a fait en sorte qu’il a manqué la remontée de son équipe);

l’expression au niveau de pour tout et pour rien (j’aime la langue au niveau de ses clichés);

le verbe se vouloir employé avec un sujet inanimé (son blogue se voulait comique);

comme étant là où comme tout seul ferait parfaitement l’affaire (vous ne considérerez pas cette expression comme étant nécessaire).

99 fois sur 100, vous serez en train de lire un texte québécois.