«Elle avait la superbe des filles qui font de la gymnastique à Lévis.»
Sophie Létourneau, Polaroïds. Récits, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2006, 166 p., p. 31.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Elle avait la superbe des filles qui font de la gymnastique à Lévis.»
Sophie Létourneau, Polaroïds. Récits, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2006, 166 p., p. 31.
Déplacement de sportifs.
Souvent pléonastique : ces voyageurs au long cours ne font de périple qu’à l’étranger. Exemple : «Pour le Canadien, le périple à l’étranger est le temps d’amorcer une poussée» (le Devoir, 2 mars 2010, p. B5).
Existe aussi en version écourtée : on parle alors de «petit périple» (la Presse, 9 septembre 2009, cahier Sports, p. 3).
[Complément du 24 février 2013]
Première remarque. Rappelons la double définition du «périple» dans le Petit Robert : «Didact. Voyage d’exploration maritime autour d’une mer, d’un continent»; «Cour. (sens critiqué) Voyage, randonnée par voie de terre, circulaire ou non» (édition numérique de 2010).
Deuxième remarque. Par tweet, le 23 février, le descripteur sportif Pierre Houde annonçait qu’il allait partir, avec les Canadiens de Montréal, pour «un périple sur la route de deux parties», ce périple les amenant à… Ottawa et à Toronto. Ce tweet a été effacé du compte du compte de @PierreHoudeRDS. Serait-ce à cause de celui-ci ? L’Oreille tendue n’ose le croire.
[Complément du 21 février 2017]
Les Carabins de l’Université de Montréal — c’est du football — viennent de rendre public leur calendrier pour la prochaine saison : «La troupe de Danny Maciocia lancera donc sa campagne 2017 dans l’ouest de la métropole lors d’un périple jusqu’au terrain de l’Université Concordia le 25 août.» Ce «périple» de 7 kilomètres prend 37 minutes en bus (la 51). Devrait-on parler de «très petit périple» ? De «périple local» ? Tant de questions, si peu d’heures.
Le chroniqueur Pierre Foglia, de la Presse, parlemente avec un surveillant pour entrer au Pavillon du Canada aux Jeux olympiques de Vancouver.
Vous parlez français, vous ? C’est le truc que j’ai trouvé. Quand ils ne parlent pas français, ils se sentent assez coupables, tu leur demanderais les clefs de leur char, ils te les donneraient. Anyway il m’a laissé entrer (23 février 2010, cahier Sports, p. 2).
Ce char est une voiture.
Jean Dion, du Devoir, s’interroge, lui, sur les négociations entre le président de la Ligue nationale de hockey et le Comité olympique international au sujet de la participation des joueurs professionnels, notamment russes, aux jeux de Sotchi dans quatre ans.
Il serait quand même joli de voir Ovechkin, Malkin, Markov, Kovalchuk et Semin dire au boss de manger un char (22 février 2010, p. A8).
Ce char n’est pas une voiture. Pour des raisons sur lesquelles l’Oreille tendue préfère ne pas se pencher, celui-là est plein de matières digérées expulsées (un char de marde).
On en conviendra : il y a char et char.
[Complément du 18 octobre 2015]
Exemples romanesques :
«Il tente d’ouvrir la boîte aux lettres avec un journal enroulé, donnant un char de marde à sa mère pour s’être stationnée trop loin de son objectif» (Dixie, p. 27).
«J’ai pas été capable de jouer au fin finot, de dire Mon mononcle est fâché, désolé, désolé. Ben oui, ben oui, ça m’fait plaisir de vous connaître, M’sieur Chose. Pas capable non plus d’i faire manger un char de marde» (la Même blessure, p. 203).
[Complément du 17 décembre 2020]
Tout le monde ne lit pas Jean Dion, William S. Messier et Emmanuel Bouchard : «Si jamais y en a de l’autre gang qui jouent aux petits boss avec vous autres, vous les envoyez chier en français pis vous leur dites d’aller me voir en anglais. Fuck you, ils connaissent ça. Dites-leur de manger un char, ça ils comprennent pas» (Esprit de corps, p. 83).
Références
Bouchard, Emmanuel, la Même Blessure. Roman, Québec, Septentrion, coll. «Hamac», 2015, 216 p.
Messier, William S., Dixie. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 157 p. Ill.
Vaillancourt, Jean-François, Esprit de corps. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 149, 2020, 302 p.
Voici ce qu’en dit le Dictionnaire des termes littéraires :
Zeugme, zeugma (gr. lien) • Figure de construction qui consiste à faire dépendre d’un même mot deux termes disparates, qui entretiennent avec lui des rapports différents (dans la majorité des cas, il s’agit d’un verbe suivi de deux compléments d’objet). Le zeugme est souvent doué d’une intention humoristique. V. aussi syllepse. Ex. : «J’ai joué au tennis avec mon oncle et ma raquette» (B. Melançon); «Damoclès tira de sa poitrine un soupir et de sa redingote une enveloppe jaune et salie» (Gide) (p. 510).
(Ce que l’Oreille tendue fait là, à côté de Gide ? C’est une longue histoire.)
Autre exemple, chez Chloé Delaume, dans le Cri du sablier :
L’enfant parla fort tôt. On la jugea bavarde. Le seul mot qui manquait désignait classiquement le statut géniteur. Le père y remédia en exerçant la force. À chacun ses atouts. Il frappa rebelote jusqu’à lui décrocher le tandem de syllabes et sa menue mâchoire mais cela accessoirement (p. 20-21).
L’intention est un peu moins humoristique.
Références
Delaume, Chloé, le Cri du sablier, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 3914, 2003, 126 p. Édition originale : 2001.
Van Gorp, Hendrik, Dirk Delabastita, Lieven D’hulst, Rita Ghesquiere, Rainier Grutman et Georges Legros, Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, coll. «Dictionnaires & références», 6, 2001, 533 p.