Révolution à la Presse+

«Le calendrier républicain illustré», «Ventôse», illustration de 1794

Prenons, au hasard, un quotidien montréalais : la Presse+.

Toujours au hasard, consultons une édition : celle du 17 septembre 2024.

Posons-nous enfin, sans quitter le monde de l’aléatoire, une seule question : y est-il fait mention de la Révolution française ?

Triple réponse.

Aux sports, on a recours au calendrier révolutionnaire : «Depuis trois ans, le mois de ventôse — à partir de la fin de février, pour les adeptes du calendrier grégorien — est synonyme d’adieux pour les joueurs du Tricolore

En politique états-unienne, on se sert de la Révolution deux fois.

La première pour parler des déclarations de Donald Trump au sujet des médias : «Sous la Terreur en France, [les journalistes] étaient guillotinés, en Union soviétique, ils étaient fusillés.» (Ils ne furent pas les seuls ni dans un cas, ni dans l’autre.)

La seconde à propos des fans de l’ancien président : «L’armée de partisans qui se présente aux rassemblements de Donald Trump pourrait parfois ressembler aux ruées de “sans-culottes” lors de la Révolution française.» (On ne voit pas exactement sur quoi cela serait fondé.)

Le hasard fait parfois bien les choses.

P.-S.—Oui, c’est bien à cela que pense l’Oreille tendue quand elle s’intéresse aux classiques «au jour le jour».

 

Référence

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Benoît Melançon, Nos Lumières, 2020, couverture

L’univers des vidanges

Conteneur à déchets

Récapitulons quelques épisodes antérieurs.

Au Québec, surtout dans la langue populaire, les ordures sont des vidanges (au pluriel). Les vidangeurs sont responsables de leur collecte. Cette collecte a lieu le jour des vidanges. Elle requiert des camions de vidange.

Précisons.

Existe aussi le camion à vidanges (Créatures du hasard, p. 125).

Une personne, on ne le sait que trop, peut être une ordure : «Pis moi tu penses que j’le sais pas pourquoi t’étais dans la cour, osti de vidange ?» (Chevtchenko, p. 24)

Au hockey, un but marqué sans élégance ni véritable adresse, est un but (de) vidange; dans la langue de Phil Esposito, on dit garbage goal.

Pendant longtemps — un peu moins aujourd’hui —, on a plus volontiers pratiqué, au Québec, le changement d’huile (oil change) que la vidange.

Les plus vieux s’en souviendront : le film Vie d’ange, de Pierre Harel, en 1979, contient ce qui doit être une des plus longues scènes de coït non interrompu de l’histoire du cinéma.

À votre service.

 

Références

Carballo, Lula, Créatures du hasard. Récit, Montréal, Cheval d’août, 2018, 144 p. Ill.

Chapnick, Guillaume, Chevtchenko, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 39, 78 p. Ill. Précédé d’un «Mot de l’auteur». Suivi d’un «Contrepoint. Les racines et la pluie», par Nathalie Plaat.

Les zeugmes du dimanche matin et de Biz

Biz, Cadillac, 2018, couverture

«Tout le monde enfile son équipement de hockey dans une joyeuse cacophonie de rires et de velcro» (p. 12).

«Toute en courbe et en sourire, la serveuse arrive avec des pichets» (p. 19).

«Les spectateurs quittent le stade en chantant, ivres de bière autant que de victoire» (p. 72).

Biz, Cadillac. Roman, Montréal, Leméac, 2018, 92 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Qu’on se le magne !

Fromage Déguédine !, emballage

S’agissant de fromage, l’Oreille tendue, il y a jadis naguère, annonçait qu’il lui faudrait bien, un de ces jours, se pencher sur déguédine. Ce jour est arrivé.

Soit les quatre phrases suivantes :

«Calmez-vous, calmez-vous, comment ça, me calmer ? Toi, fais ta job de 911 pis déguédine, si j’étais calme, madame, je serais pas normalement constituée» (Venir au monde, p. 30).

«Laisse faire, on va protéger la tienne ! Viens-t’en, passe en avant, déguédine ! lui cria Lalonde» (Atavismes, p. 173).

«Enwèye, dégéduine» (publicité).

«Déguédine Dan déguédine Dan Dan comme Zinédine Zidane» (Loco Locass, «Groove Grave», Amour oral, 2004).

Déguédine, donc, du verbe déguédiner. Il s’agit, dans le français populaire du Québec, d’une injonction de mouvement : allez, hop ! On se grouille !

Phonétiquement (façon de parler), Pierre Corbeil propose «Dziguédzine» (p. 131). De même, Léandre Bergeron connaît aussi bien «déguédine» que «diguidine» (p. 91).

Quelle serait l’étymologie de ce mot ? Sur Twitter, en 2019, on proposait ceci : «“Déguédine” vient de l’anglais “dig it in”. Ordre du foreman au bûcheron pour dégager un arbre avant de le couper.» En 2022, Gabriel Martin est bien sceptique devant cette explication : «Elle semble donc inventée de toutes pièces» (p. 32). Mais alors ? «Sans qu’on puisse l’affirmer avec fermeté, il se pourrait que ce mot puise ses origines dans la vocalisation onomatopéïque diguedaine à laquelle recouraient fréquemment les chansons populaires d’autrefois» (p. 32).

Depuis peu, ce verbe, employé «surtout à l’impératif», se trouve dans la nomenclature du dictionnaire le Robert; voir ici.

À votre service — et plus vite que ça !

 

[Complément du 23 novembre 2024]

La forme réfléchie est attestée : «Il faut que le ministre de l’Éducation Bernard Drainville se déguédine» (la Presse+, 23 novembre 2024).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Martin, Gabriel, «L’origine du québécisme déguédiner », Histoire Québec, 28, 1, 2022, p. 32-33.  https://id.erudit.org/iderudit/100334ac

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p. Précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté. Suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté

Autopromotion 777

[En librairie durant la semaine du 21 octobre 2024 : Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.]

Benoît Melançon, Langue de puck, édition revue et augmentée, 2024, projet de couverture

Au printemps 2013, pendant les séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey, l’Oreille tendue a publié quotidiennement les entrées de son «Dictionnaire des séries», auquel elle a fait des ajouts au fil du temps.

L’année suivante, elle en tirait un petit livre intitulé Langue de puck. Abécédaire du hockey (voir ici).

Une version revue et augmentée de ce livre paraîtra en octobre, toujours chez Del Busso éditeur, avec une préface d’Olivier Niquet (merci !) et des illustrations de Julien Del Busso (bis).

L’abécédaire a été actualisé et six textes synthétiques ont été ajoutés : «Le gardien et les autres», «Le bal du printemps», «Les temps d’une puck», «La chaise du gestionnaire», «Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini», «Et maintenant ?»

En primeur : un projet de couverture (ci-dessus); sa quatrième de couverture (ci-dessous).

Pourquoi faut-il que les joueurs de hockey trouvent leur chaise ? Qu’arrive-t-il quand on leur donne du temps et de l’espace ? Trouvez-vous acceptable qu’ils purgent une mineure sur le banc ? Qui est ce l’aveuglette à qui tant de passes sont destinées ?

En 2014, avec Langue de puck, Benoît Melançon proposait un premier périple dans les mots du hockey. Il a séduit la critique et les lecteurs, amateurs ou pas.

Aujourd’hui, plutôt que de couper son banc, il offre une version revue et augmentée de son Abécédaire du hockey. Il continue à marier sa passion pour les mots à son amour du sport.

Professeur émérite de l’Université de Montréal, Benoît Melançon est essayiste et blogueur (oreilletendue.com). Dix-huitiémiste de formation, il travaille actuellement sur les questions de langue au Québec et sur les rapports du sport et de la culture. Lauréat du prix Georges-Émile-Lapalme, la plus haute distinction du gouvernement du Québec en matière de rayonnement et de qualité de la langue française, il patine sur la bottine.

 

[Complément du 20 octobre 2024]

Pour les amateurs de statistiques…

Plus de 900 mots et expressions du hockey

200 citations, de sources diverses : médias, roman, poésie, théâtre, chanson, cinéma, etc.

Un abécédaire de 61 entrées, certaines revues depuis l’édition de 2014

23 illustrations

Six textes complètement nouveaux

Une préface, mais d’Olivier Niquet