La réingénierie des Canadiens de Montréal ?

«Bons premiers en popularité», brasserie Dow, publicité

Ça ne va pas bien du tout pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Après avoir participé à la finale de la coupe Stanley en 2021, l’équipe est aujourd’hui 32e sur 32 équipes dans la Ligue nationale. Un changement radical s’impose. Comment l’appeler ?

Dans la Presse+ du 20 janvier, on évoquait les mots en r- : reconstruction / rééquipement (retool) / réinitialisation.

Dans celle de ce matin, on s’interroge au sujet du cerbère Carey Price : «À long terme, voudra-t-il vivre ce qui s’en vient, qu’il s’agisse d’une reconstruction, d’une réinitialisation ou bien de quelque chose d’autre que l’on pourrait décrire avec un mot encore plus compliqué ?»

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, un «mot compliqué» aurait pu être utilisé : réingénierie.

Voilà ce que coécrivait l’Oreille tendue en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :

Synonyme songé de réforme. En septembre 1997, un recteur, devenu ministre depuis, en conférence de presse, a annoncé son projet de «réingénierie pédagogique». «Vers une démocratie participative. Une réingénierie de nos institutions s’impose» (le Devoir, 15-16 février 2003). «”Réingénierie”, le nouveau buzz word de Jean Charest» (le Devoir, 2 mai 2003). «Les citoyens des régions du Québec seront parmi les premiers bénéficiaires de la réingénierie de l’État québécois» (un premier ministre du Québec, le Devoir, 4 juin 2003). «C’est sur la base de ces principes de gestion que nous inaugurerons six grands travaux qui seront le cœur de la réingénierie de l’État québécois» (le même premier ministre, la Presse, 5 juin 2003). «Marois lit “compressions” quand elle voit “réingénierie”» (le Devoir, 2 octobre 2003). «Pour qu’il y ait une réingénierie, encore faut-il qu’il y ait une ingénierie !» (le Devoir, 11-12 octobre 2003) «Réingénierie, rénovation et redéploiement de l’État québécois. Une démarche sous le joug du pragmatisme ou de l’idéologie ?» (le Devoir, 18 novembre 2003) (p. 190)

Le mot paraissait promis à un brillant avenir :

Appelé à prendre de l’expansion. «La “réingénierie” des sexes» (la Presse, 25 septembre 2003). «La réingénierie des prix Gémeaux» (Radio-Canada, 20 novembre 2003).

Cela ne s’est pas avéré.

D’ailleurs, des résistances se faisaient entendre dès 2003 :

«[Le] mot “réingénierie*” n’obtient pas l’imprimatur de l’OQLF [Office québécois de la langue française], celui-ci lui préférant l’expression “reconfiguration des processus”» (le Devoir, 8 décembre 2003).

Amateurs de hockey, faudrait-il saisir l’occasion ? Réingénierie ? Reconfiguration des processus ?

À vous la parole.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture

Travaillons à notre lexique pandémique

«Gargaricube», «gargarisme par auto prélèvement», gouvernement du Québec, 2022

En 2020, l’Oreille tendue a essayé de rassembler quelques néologismes sous le titre «Bref lexique de confinement». Elle a vite été ensevelie sous l’avalanche de mots nouveaux. Elle a quand même continué à prendre des notes. En voici dix.

Un athlète non vacciné ? Novax Djocovid (Patti Basler).

Un non-vacciné qui se tâte ? Un vaccinorécalcitrant (Patrick Lagacé).

Une ponction fiscale, à défaut d’être chirurgicale ? Un vaccimpôt (Daniel Paillé).

Les défenseurs du couvre-feu et autres mesures de restriction de mouvements ? Les enfermistes (Emmanuel Macron).

Ceux qui ne craignent pas le pire covidien ? Les rassuristes (Mario Girard).

Ceux qui tiennent à vous dire à l’avance ce que s’apprêtent à vous dire les responsables sanitaires ? Les COVIDivulgâcheurs (@AscenseurRC).

Vous prenez votre retraite, évidemment bien méritée, mais loin de votre milieu de travail ? Bonne téléretraite (R. Massicotte) !

Avec quoi faire un autoprévèlement ? Un gargaricube (Justine Mercier).

Vous affirmez souffrir de mascné (masque + acné) ? Guy Bertrand n’est pas d’accord avec la façon de construire ce mot.

Vous devez suivre des conférences hybrides (physique et numérique) ? Plaignez-vous du phymérique (CÉRIUM).

Ce sera tout pour aujourd’hui.

Portez-vous bien (dit-on).

Encore une histoire de poche

L’Oreille tendue — Dieu sait pourquoi — vous entretient souvent de poche. Elle vous a parlé d’une chose poche, de la poche abritant un fou, de l’enveloppe cutanée des testicules. Aujourd’hui, ce sera la petite poche, qui paraît exister en deux variétés.

Dans le domaine du sport, mettre quelqu’un dans sa petite poche désigne le fait de dominer quelqu’un outrageusement. Dans le match des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — du 28 décembre 2021, le défenseur David Savard a habilement déjoué un rival du Lightning de Tampa Bay, Victor Hedman. Il lui a fait prendre une tasse de café. Réaction, sur Twitter, d’un journaliste de la Presse+ :

 

 

Toujours au hockey, les personnes âgées — l’Oreille, par exemple — se souviendront que, en 1981, un gardien de but des Canadiens, Richard Sévigny, avait annoncé, avant une série contre les Oilers d’Edmonton, que son coéquipier Guy Lafleur allait mettre Wayne Gretzky «dans sa petite poche». Mal lui en prit.

Lisant Morel (2021), de Maxime Raymond Bock, l’Oreille découvre que l’expression peut avoir un sens diamétralement opposé et marquer l’affection.

Morel a tenu à apporter un petit coffre à outils pour cette entreprise, sur lequel André est resté assis tout au long du voyage à l’arrière de la Station, c’est un exploit qu’il n’ait pas chialé continuellement, le cul sur la poignée de métal, ce doit être l’influence de sa grand-mère Madeleine, qui, avec ses formules magiques et ses bonbons au beurre, l’a dans sa petite poche de tablier depuis toujours (p. 212-213).

Tant de mystères, si peu d’heures.

P.-S.—Il manque encore au plus fort la poche. Ce sera pour un autre jour.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Morel le 12 janvier 2022.

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Rugosité hockeyistique

Papier d’émeri

Les Canadiens de Montréal affrontent actuellement les Panthers de la Floride — c’est du hockey. Des sources conjugales proches de l’Oreille tendue ont été fort étonnées d’entendre, au Réseau des sports, le joueurnaliste Benoît Brunet vanter le papier sablé de l’équipe de Sunrise.

Qu’est-ce que ce papier sablé ? En langue de puck, l’expression désigne des joueurs qui ne font pas dans la dentelle : ils sont là pour leur jeu rugueux.

Ken Dryden emploie l’équivalent anglais, «sandpaper», dans sa biographie de Scotty Bowman (p. 355).

Oui, le papier sablé est un des outils favoris de la petite peste.

 

Références

Dryden, Ken, Scotty. A Hockey Life Like no Other, Toronto, McClelland & Stewart, 2019, viii/383 p. Ill. Traduction : Scotty. Une vie de hockey d’exception, Montréal, Éditions de l’Homme, 2019, 439 p. Préface de Robert Charlebois.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Autopromotion 613

«Parlez ici devant l’hygiaphone»

L’Oreille tendue a une bouche. Elle a tendance à l’ouvrir. Conséquences ?

Depuis septembre, dans des publications écrites, elle a parlé…

…des mots de 2021 (dans le Journal de Montréal / de Québec),

…des termes disparus du sport (dans la Presse+),

…de la permanence de la forme épistolaire (dans la Presse+),

…de l’avenir du français (dans les Diplômés),

…de Voltaire (pour TVA nouvelles),

…du mot en w- (dans The Globe and Mail).

C’est bien assez.