Actualité malheureuse du mononc’

Le 6 octobre 2015, l’Oreille tendue s’intéressait aux sens du mot mononc’ au Québec. Parmi ceux-ci :

Il y a aussi, chez les mononc’, le libidineux. On lui doit des jokes de mononc’. Le terme a beaucoup été utilisé pour parler de Marcel Aubut, ci-devant président du Comité olympique canadien, qui vient d’abandonner son poste à la suite de plaintes pour harcèlement sexuel.

L’actualité des derniers jours au Québec fait que l’on a beaucoup lu et entendu le mot en ce sens.

«Je l’ai vu pogner le cul d’un nouveau caméraman sur un plateau de télé en faisant des gestes qui, s’ils étaient ceux d’un mononcle sur une stagiaire, auraient donné lieu à une plainte» (la Presse+, 18 octobre 2017).

«Il y a des gens qui se demandaient à quoi ça pouvait bien servir que des victimes d’agresseurs sexuels, de tripoteux aux mains longues et autres mononcles gluants s’expriment sous le mot-clic #MoiAussi» (la Presse+, 19 octobre 2017).

«C’est fini la génération des “mononcles’’ cochons !» (TVA Nouvelles, 19 octobre 2017)

«Elles sont les porte-voix d’une révolution féministe en cours. Une lente révolution qui, tôt ou tard, mettra fin au règne des mononcles narcissiques libidineux qui abusent de leur pouvoir» (la Presse+, 20 octobre 2017).

Posons-nous la question : les expressions mononcle cochon et mononcle libidineux ne sont-elles pas en train de se transformer en pléonasmes ?

 

[Complément du 17 avril 2018]

Un député du Parti libéral du Québec est accusé d’inconduite sexuelle et de harcèlement psychologique. À l’Assemblée nationale, ce matin, Nathalie Roy, de la Coalition avenir Québec, traite ce député, Yves Saint-Denis, de «mononc’ macho». N’est-ce pas, une fois de plus, un pléonasme ?

Sainte flanelle : récit d’origine

La flanelle de la sainte flanelle

«Mais le tissu social de Montréal
C’est de la sainte flanelle»
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2009)

 

 

Comment désigner les Canadiens de Montréal — c’est du hockey ?

Dans son Langue de puck. Abécédaire du hockey (2014, p. 85-86), l’Oreille tendue rappelait l’existence des possibilités suivantes : le Canadien de Montréal, le CH (comme sur l’écusson du Club de hockey Canadien), les Habitants, les Habs, le Bleu blanc rouge, le Tricolore, les Glorieux, les Flying Frenchmen, voire l’Organisation. Et il y a la sainte flanelle.

Exemples :

«La Sainte Flanelle, une entreprise qui éprouve des problèmes de productivité» (le Devoir, 11 avril 2012).

«Les habitants se contaient des histoires et chantaient des chansons pour ne pas se décourager et geler tout rond; ils faisaient brûler des lampions en invoquant et en priant sainte flanelle, patronne tricolore des pures laines et des tricotés serré, pour qu’elle les réchauffe et allume leurs lanternes» (Jocelyn Bérubé, 2003, p. 30).

«Pendant qu’son corps partait au cimetière
Pour le grand repos éternel
Son âme retraitait au vestiaire
Pour enfiler la Sainte-Flanelle»
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

On voit plusieurs graphies de cette expression : sainte flanelle, Sainte Flanelle, Sainte flanelle, Sainte-flanelle, Sainte-Flanelle, flanelle et Flanelle. Ça fait désordre. Suivons Annie Bourret qui, dans Pour l’amour du français (1999, p. 143), recommande la graphie sainte flanelle.

Mais depuis quand parle-t-on de sainte flanelle pour désigner l’équipe montréalaise ? La récente mise en ligne, par Bibliothèque et Archives nationales du Québec, des archives du journal la Presse (1920-2013) permet d’offrir une première proposition de datation. Le 7 novembre 1975 (cahier Sports, p. B2), le journaliste Réjean Tremblay parle de «sainte flanelle rouge». Ce semble être la première attestation écrite. Un lieu commun était né.

 

Références

Bérubé, Jocelyn, Portraits en blues de travail, Montréal, Planète rebelle, coll. «Paroles», 2003, 94 p. Ill. Préface de Jean-Marc Massie. Accompagné d’un cédérom.

Bourret, Annie, Pour l’amour du français, Montréal, Leméac, 1999, 199 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Histoire vague

La foule faisant la vague à la Coupe des confédérations à Francfort en 2005

Quiconque a déjà fréquenté un stade sait qu’y arrive souvent un moment où les spectateurs sont appelés à faire la vague (se mettre debout, une section après l’autre, en levant les bras, histoire de donner l’impression qu’une vague se déplace dans le stade).

L’origine de ce mouvement est obscure.

En anglais, Wikipédia donne ceci : «While there is general disagreement about the precise origin of the wave, most stories of the phenomenon’s origin suggest that the wave first started appearing at North American sporting events during the late 1970s and early 1980s.»

En français, c’est différent et pas plus probant : «Les avis divergent sur l’origine des olas. Elle semble être introduite à l’occasion d’un match universitaire de football américain au Michigan Stadium en 1983. L’année suivante, la première “vague” est signalée dans un stade de baseball de Ligue majeure à Détroit lors d’un match éliminatoire. / Le phénomène prend une notoriété planétaire lors de la Coupe du monde de football qui a lieu au Mexique en 1986. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’elle prend son nom espagnol de ola, alors que les Américains la nomment the Wave (the Mexican wave en anglais britannique).»

Compliquons un peu les choses et allons au théâtre avec Françoise de Graffigny, au XVIIIe siècle. Que font les spectateurs au parterre ? Voici ce qu’elle écrit dans une lettre à François «Panpan» Devaux : «Ils ont fait des ondes tant qu’ils ont pu. Il y avoit de la place de reste; cependant ils avoient resolu d’aplatir ceux qui touchoient l’orquestre, mais ils n’ont pas reussit car ils etoient aussi fort — et les ondes d’aller» (Correspondance de Madame de Graffigny, vol. I, p. 369).

Charlotte Simonin, qui cite ce passage, le commente en ces termes : «les spectateurs imitent le mouvement de la mer en ondulant comme des vagues» (p. 106).

Aujourd’hui, une vague; jadis, des ondes.

À votre service.

 

Illustration : La foule faisant la vague à la Coupe des confédérations à Francfort en 2005, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

Simonin, Charlotte, «Le théâtre dans le théâtre ou le spectacle de la salle à travers la correspondance de Mme de Graffigny», Lumen. Travaux choisis de la Société canadienne d’étude du dix-huitième siècle. Selected Proceedings from the Canadian Society for Eighteenth-Century Studies, XXII, 2003, p. 103-116. https://doi.org/10.7202/1012261ar

Anniversaire sportif du jour

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, 1975, détail de la couverture

Tout le monde le sait : Guy Lafleur — c’est du hockey — est né un 20 septembre, en 1951.

L’Oreille tendue, une fan de longue date, a beaucoup écrit sur lui. Vous voulez savoir quoi ?

Quel était son statut au moment de son dernier match professionnel ?

Quelle est sa place dans la culture québécoise ?

A-t-il son timbre ?

Qu’est-ce qui le distingue de Maurice Richard et de Jean Béliveau ?

Est-il un gourou ?

A-t-on raconté sa vie aux enfants ?

Apparaît-il dans des bandes dessinées en français ?

Apparaît-il dans des bandes dessinées en anglais ?

Les poètes l’ont-ils chanté ? Oui : ici, , et encore là.

Un court métrage d’animation où il est considéré comme un fantôme, ça existe ?

A-t-il droit à son propre couloir aérien ?

Oscar Thiffault l’a-t-il chanté ?

Que lit-il ?

Surtout : est-il psychotronique ?

À votre service.

 

[Complément du 15 octobre 2020]

Toujours à votre service…

Ken Dryden aurait-il dû parler de lui plus qu’il ne l’a fait dans son livre sur Scotty Bowman ?

Apparaît-il dans le recueil de poèmes Poetry Face Off. Poésie des séries ?

Entend-on son nom dans le spectacle théâtral Playing with Fire. The Theo Fleury Story ?

 

[Complément du 24 avril 2022]

Guy Lafleur est mort le 22 avril. L’Oreille tendue a beaucoup commenté son importance, surtout médiatique et culturelle, dans la culture québécoise.

En écrivant un texte pour la Presse+.

En répondant aux questions de Simon Chabot pour le même journal, à celles de Jean-François Nadeau pour le Devoir et à celles d’Antoine Robitaille pour le Journal de Montréal et le Journal de Québec.

En répondant aux invitations de Radio-Canada, tant pour la radio (le 15-18) que pour la télévision (le Téléjournal 22 h).

En tournant une vidéo pour le Devoir.

 

 

[Complément du 25 avril 2022]

Il a aussi été question de Guy Lafleur et de sa place dans la culture populaire avec Jean-Christophe Laurence et avec André Duchesne, les deux de la Presse+.

 

[Complément du 28 avril 2022]

Pourquoi s’arrêter en aussi bon chemin ? Passons par la radio de Radio-Canada et par le 91,9 Sports.

 

[Complément du 5 mai 2022]

Encore un coup, à la télévision, pour répondre aux questions d’Anne-Marie Dussault.

 

Illustration : Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Bande dessinée. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Texte : Arsène. Dessin : Girerd. Détail de la couverture.

Réjean Ducharme (1941-2017)

Réjean Ducharme, l’Hiver de force, éd. de 1984, couverture

L’Oreille tendue se répète : Réjean Ducharme, qui vient de mourir à 76 ans, était l’un des deux plus grands romanciers du Québec. (L’autre ? Mordecai Richler.)

Elle l’a souvent cité ici.

Pour son titre le plus galvaudé, l’Hiver de force.

Pour son amour du hockey : Bobby OrrDollard Saint-Laurent.

Pour son art du zeugme : 13 novembre 201126 décembre 201112 février 201229 décembre 2013.

Pour son sens des mots : agace-pissetteallô coudoncriminalisédiscours du trônedjeauxfififlauxmaghanémets-enmoyensnorozigonner.

Réjean Ducharme avait l’oreille.

P.-S.—Par où (re)commencer ? Par l’Hiver de force (1973).

 

Référence

Ducharme, Réjean, l’Hiver de force. Récit, Paris, Gallimard, 1973, 282 p. Rééd. : Paris, Gallimard, coll. «Folio», 1622, 1984, 273 p.