Exercice de traduction

L’informatique nous a donné nombre de mots en –ware.

On fait tourner du software (logiciel) sur son hardware (matériel). Un logiciel truffé de fonctionnalités inutiles pour la plupart de ses utilisateurs est un bloatware (boufficiel). Le logiciel annoncé mais pas encore livré ? Du vaporware (fumiciel).

Pedro Rafael Rosado consacre sa chronique du 14 avril du podcast Tech Talk à un terme utile : le crapware, le logiciel de merde.

De quoi s’agit-il ? Rosado emprunte la définition suivante à about.com :

Crapware is software that is bundled with a new PC or other software package that the user is not fully aware that they are installing. It usually consists of poor quality utilities, games, toolbars and other useless software. Crapware authors will present confusing or cluttered installation screens that have the unwanted software scheduled to be installed by default or installed automatically. Crapware is usually not malicious and therefore not considered malware.

Adaptation libre : sans vous demander votre avis, on essaie de vous fourguer des logiciels de piètre qualité. Ils ne sont pas dangereux (malware), mais ils vous emmerdent.

Traduction ?

P.-S. — C’est évidemment plus fréquent sur Windows que sur Mac.

Loterie lexicale

En juin 2009, Gilles Duceppe, le chef du Bloc québécois, proposait un équivalent local du mot redneck : le cou bleu. Il aurait désigné un nationaliste québécois intolérant. Échec :  sauf erreur de la part de l’Oreille tendue, ce néologisme n’a eu aucun succès.

Elle ne voit guère d’avenir, non plus, à mobigoinfres, terme proposé par Solveig Godeluck du journal les Échos dans un article intitulé «Les gros utilisateurs d’Internet mobile dérangent les opérateurs» (19 mars 2010). Sans être poétique, l’équivalent anglais, data hogs, a au moins pour lui d’être imagé. Ah ! ce cochon qui se met des données partout !

À la loterie lexicale, il est rare de tirer le billet gagnant.

Fredonner sans fin

Vous vous réveillez le matin avec un petit air en tête : Joe Dassin, Renée Martel, Stockhausen. Vous ne pouvez plus vous en défaire de toute la journée. Comment appeler cela ?

Monique Giroux, de Radio-Canada, proposait, à une certaine époque, chanson poison.

Sur le modèle de music worm, une fidèle lectrice de l’Oreille tendue, @PimpetteDunoyer, utilise ver sonore. Elle dirige ses lecteurs vers une bande dessinée en ligne, sur le blogue BD de cul, qui illustre bien l’affaire.

Quel que soit le terme retenu, une chose est sûre : c’est bien peu appétissant. Ça peut même être mortel.

Manchots et manchots

Machine à sous

Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française énumère plusieurs espèces de manchot, cet «Oiseau piscivore de la famille des sphéniscidés, muni de nageoires, vivant dans l’Antarctique» : à ailerons blancs, Adélie, à jugulaire, antipode, barbu, d’Adélie, de Humboldt, de Magellan, des Galapagos, du Cap, empereur, papou, pygmée, royal.

Il met en garde ses lecteurs : «Il convient de ne pas confondre pingouin et manchot. Le manchot possède des nageoires et est de plus grande taille que le pingouin.»

Cette mise en garde est juste, mais insuffisante.

Soit le texte suivant, tiré des Émigrants de W.G. Sebald :

L’après-midi et la soirée, les fils du Soleil levant les passaient pareillement devant les bandits manchots, sacrifiant, la mine stoïque, des pleines poignées de pièces, se réjouissant comme des enfants un jour de fête lorsque enfin une cascade de monnaie dégringolait des entrailles de l’appareil (p. 144).

En plus des sphéniscidés, il y a donc des bandits manchots. Ce ne sont pas des oiseaux, ni des humains. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui fascine tant les Japonais, ces «fils du Soleil levant» ? Tout bêtement, des machines à sous, ce que les anglophones appellent des one-armed bandits, ces machines à un seul bras, manchotes donc, réputées subtiliser à leurs utilisateurs de «pleines poignées de pièces».

Un ajout à la mise en garde du Grand dictionnaire terminologique s’impose.

 

Référence

Sebald, W.G., les Émigrants. Quatre récits illustrés, traduction de Patrick Charbonneau, Arles et Montréal, Actes Sud et Leméac, coll. «Lettres allemandes», 1999, 277 p. Ill. Édition originale : 1992.

Coincés ensemble

À la radio de Radio-Canada, hier : «Il y a interblocage à l’intersection des rues X et Y.» Traduction libre : un véhicule a voulu passer au vert; la circulation devant lui l’en a empêché; quand le feu tourne au rouge, il est coincé dans le carrefour et il gêne le passage des autres; il bloque donc toute l’intersection, d’où interblocage.

Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française ne connaît pas le mot dans ce sens, mais il existe un interblocage en informatique : «Situation qui provoque un blocage complet du système et qui se produit lorsque deux programmes tentent d’avoir accès à une même ressource simultanément, ou lorsque l’un d’entre eux attend une information que seul l’autre peut lui fournir, mais est temporairement dans l’impossibilité de le faire.» Le mot a notamment pour synonymes étreinte fatale, étreinte mortelle et verrou mortel.

On le voit : au-delà de la circulation et de l’informatique, interblocage pourrait être utilisé à plusieurs autres sauces, de la discussion politique à la vie de couple.