Les zeugmes du dimanche matin et de Flaubert

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, éd. de 1961, couverture

«Puis les convives arrivèrent tous, presque en même temps : Dittmer, Lovarias, Burrieu, le compositeur Rosenwald, le poète Théophile Lorris, deux critiques d’art collègues d’Hussonnet, un fabricant de papier, et enfin l’illustre Pierre-Paul Meinsius, le dernier représentant de la grande peinture, qui portait gaillardement avec sa gloire ses quatre-vingts années et son gros ventre» (p. 46).

«Alors entra un gaillard de trente ans, qui avait quelque chose de rude dans la physionomie, de souple dans les membres, le chapeau sur l’oreille, et une fleur à la boutonnière» (p. 221).

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial. Édition originale : 1869.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Numéro 1

Hervé Bouchard, Numéro six, 2014, couverture

Titre ? Numéro six d’Hervé Bouchard (2014).

Quoi ? Le passé hockeyistique (en quelque sorte) du narrateur. Atome. Moustique. Pee-wee. Bantam. Midget. (Local ou régional.) Première imbibition. Perte des dents (allusion à Bobby Clarke, p. 135). Perte de la virginité (le «jeu de notre reproduction», p. 145 et p. 151). «Ainsi s’achève le passage du six dans le hockey mineur» (p. 153).

Où ? Au Saguenay—Lac-Saint-Jean (Jonquière, Kéno[gami], Port-Alfred, Alma, Arvida, Sainte-Hedwige, Normandin, La Baie, Chicouti[mi], Métabetchouane).

Quand ? Fin des années 1960, début des années 1970. Avant la Zamboni, dans certains arénas.

Qui ? Le narrateur, le numéro six du titre, son père (le «montreur»), sa mère («la captive»), les filles (Pompon Julie, Mireille Carillon, dite «Clairon», une blonde aux «dents écartées», puis, enfin, l’«Anglaise»), des personnages au nom étonnant (au hasard, presque : Aquilin Néon ou Minier Desroches alias Sautillant Blanchon alias Roger Santillon).

Forme ? Fragmentaire et linéaire. Reprises et variations.

Organisation ? En neuf «passages».

Ton ? Ludique mais pas gai : «C’était en juillet quand le montreur entier des choses et la naine captive ont eu l’annonce du cancer à venir de l’un et de la cécité de l’autre» (p. 40); «Désormais tu n’es plus, ô matière vivante / Qu’un granit entouré d’une vague épouvante» (p. 93).

Ton, bis ? Non sans humour, comme dans ces cris confondus de deux spectateurs, «Premier bonhomme» et «Second bonhomme» : «Tue-le ! Enlevez-la-lui ! Tue-le ! Enlevez-la-lui ! Tue-le ! Enlevez-la-lui ! Tue-le ! Enlevez-la-lui ! Tue-le ! Enlevez-la-lui ! Tue-le !» (p. 140).

Langue ? Le Bouchard («J’ai connu la peur du ftougne», p. 32).

Langue, bis ? La langue de puck («C’est comme aller se refaire un temps dans la Ligue américaine des hommes pour réapprendre la vitesse du jeu en revenant à la base et retrouver le fond du filet», p. 120).

Ponctuation ? Personnelle : «J’ai couru dans la rue du Pow-wow devant l’abri des galériens à l’heure où les peupliers asséchés et cuits s’avançaient déguisés vers la caserne des hommes qui portaient des chemises à manches courtes et des lances à poignée» (p. 56).

Public ? Probablement pas les lecteurs des quotidiens montréalais qui consacrent plusieurs pages à l’absence de capitaine dans l’équipe des Canadiens de Montréal au début de la saison 2014-2015. Sûrement l’Oreille tendue.

P.-S. — Zeugmes ? «De son vivant Minier Desroches avait des cils d’albinos et un rendez-vous chez le dentiste» (p. 46); «Ils couraient nus dans les corridors et dans la joie» (p. 49); «je lui mettrais des gants de caoutchouc et un sac de rechange dans la poche de son tablier et un sourire permanent malgré un dentier qui bouge du bas» (p. 99); «L’entraîneur a un diplôme en éducation physique et des mots pour dire les choses comme s’il les expliquait au lieu de les faire comprendre» (p. 115).

 

[Complément du 4 août 2015]

L’Oreille tendue vient de faire paraître un compte rendu du roman dans la revue Canadian Literature (juillet 2015). https://canlit.ca/article/raconter-autrement/

 

Références

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Les zeugmes du dimanche matin et de Jean-Paul Beaumier

Jean-Paul Beaumier, Fais pas cette tête, 2014, couverture

«Prends bien soin de ton petit frère, et toi, écoute ta grande sœur, leur a-t-elle fait promettre avant de refermer la porte, ne laissant derrière elle que son parfum, une maison vide et deux enfants qui n’osaient la retenir de peur qu’un jour elle ne revienne pas» (p. 25).

«Et puis ils ont eu trente ans, des enfants, des déceptions professionnelles, des échecs amoureux» (p. 131).

Jean-Paul Beaumier, Fais pas cette tête. Nouvelles, Montréal, Éditions Druide, coll. «Écarts», 2014, 137 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et de Nicolas Dickner

Nicolas Dickner, Tarmac, 2009, couverture

«Nous sommes descendus vers le rez-de-chaussée, emportés par le flot d’étudiants qui s’engouffraient dans les escaliers. À certains moments, nos pieds ne touchaient pas le sol : nous formions une seule masse d’hormones, de muscles et d’insouciance.»

Nicolas Dickner, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p., p. 106.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)