Du doigté

Sandra Gordon, les Corpuscules de Krause, 2010, couverture

Dans une de leurs chansons sur le hockey, «Salut mon Ron» (2002), Les Cowboys fringants prêtent cette déclaration à un des auditeurs de l’émission radiophonique les Amateurs de sport : «J’ai une question totchée pour toé mon Ron

Dans son roman les Corpuscules de Krause (2010), Sandra Gordon met la réplique suivante dans la bouche d’un de ses personnages : «Écoutez, madame, c’est totché ces affaires-là» (p. 13).

Touchy, totché : voilà qui est délicat. Jusque dans l’orthographe.

 

Références

Les Cowboys fringants, «Salut mon Ron», Break syndical, disque audionumérique, 2002, étiquette Disques de La Tribu, TRICD-7200.

Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.

Aide à la prononciation demandée

Chez M éditeur, Robert Cadotte vient de publier un livre intitulé Lettre aux enseignantEs. Le E majuscule serait là, féminisation mécanique oblige, pour indiquer que le livre s’adresse «aux enseignants et aux enseignantes», mais qu’il y a plus d’enseignantes que d’enseignants.

Question un peu bête (l’Oreille en convient) : comment demande-t-on ce titre à son libraire ? Doit-on tenir compte de la majuscule ? Faut-il y faire sentir l’accent tonique ?

Ça ne va pas de soi. La preuve ? Entendu à la radio hier soir, l’auteur lui-même ne sait pas quoi faire avec son propre titre.

 

Référence

Cadotte, Robert, Lettre aux enseignantEs. L’école publique va mal ! Les solutions dont on ne veut pas parler, M éditeur, coll. «Mobilisations», 2012.

De l’écrapou

Ceci, du plus récent Michael Connelly, The Drop (2011) : «The jumpers were called splats.» Les suicidés qui choisissent la voie des airs («jumpers») sont désignés par le son qu’ils font en arrivant au sol («splats»).

Existe-t-il un mot au Québec pour ce qui s’écrabouille ? Oui : écrapou, dont la popularité, sinon l’invention, reviendrait aux humoristes du groupe Rock et belles oreilles (RBO pour les intimes). On a pu dire d’eux qu’ils étaient les «rois de l’écrapou» (Progrès-Dimanche, 19 juillet 2009, p. 34).

«Application mobile RBO 3.0»

Exemples journalistiques : de nombreux amateurs de hockey «assuraient que les Red Wings de Detroit feraient “de l’écrapou” avec le Tricolore» (la Presse, 26 janvier 2012, cahier Sports, p. 2); «je suis aussi en faveur du remplacement de l’échangeur Turcot, ne serait-ce que pour ne pas finir écrapou dans ma vieille Passat sous une dalle de béton pourri» (la Presse, 10 mai 2011, p. A10).

Écrapou est, bien évidemment, l’apocope d’écrapoutir (synonyme : écraser). Le mot — tantôt substantif, tantôt adjectif — peut signifier un fait divers sanglant, notamment du Journal de Montréal, aussi bien que le produit, voire le résidu, de ce type de fait divers. Il est également utilisé pour décrire n’importe quelle chose réduite à sa plus plate expression.

Selon le Wiktionnaire, le féminin d’écrapou serait écrapoue. Spontanément, l’Oreille tendue aurait pensé écrapoute, mais cela n’engage qu’elle.

 

Référence

Connelly, Michael, The Drop. A Novel, New York, Little, Brown and Company, 2011. Édition numérique.

Le zeugme du Super Bowl XLVI et du dimanche matin

«En fait, le principal problème des Lions, c’est qu’ils se trouvent dans la même division que les Packers de Green Bay, les champions en titre du Super Bowl qui montrent une fiche de 10-0 [et] aucun signe de ralentissement […].»

Jean Dion, «Sous un autre nom», le Devoir, 24 novembre 2011, p. B6.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Quittons ce logement

L’Oreille tendue a eu plusieurs fois l’occasion de dire son impatience devant l’usage généralisé du verbe décéder au lieu de mourir.

Elle propose de le remplacer par un verbe qu’elle trouve dans une lettre de la future Mme Roland, Marie-Jeanne Phlipon, à Marie-Sophie-Caroline Cannet, le 2 janvier 1777 : déloger.

Exemple : «À propos de philosophe, Rousseau n’est pas mort; il n’a point fait de chute comme on l’avait publié, et n’a même pas été malade. J’aurais été bien piquée qu’il délogeât ainsi sans que je fusse parvenue à le voir» (éd. de 1915, p. 3).

On peut toujours rêver.

 

Référence

Lettres de madame Roland publiées par Claude Perroud recteur honoraire avec la collaboration de Mme Marthe Conor. Nouvelle série. 1767-1780. Tome second, Paris, Imprimerie nationale, «Collection de documents inédits sur l’histoire de France publiés par les soins du ministre de l’Instruction publique», 1915, ix/588 p.