Citation autrichienne du jour

Thomas Bernhard, le Naufragé, 1993, couverture

«De sa grand-mère maternelle, il avait, lui, Glenn [Gould], appris l’allemand qu’il parlait couramment, comme je l’ai déjà indiqué. Par son élocution, il faisait honte à nos condisciples allemands et autrichiens qui parlaient une langue allemande complètement détériorée et qui parlent leur vie durant cette langue allemande complètement détériorée parce qu’ils ne sont pas sensibles à leur langue. Mais comment un artiste peut-il ne pas être sensible à sa langue maternelle ! a souvent dit Glenn.»

Thomas Bernhard, le Naufragé, traduction de Bernard Kreiss, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 2445, 1993, 187 p., p. 30. Édition originale : 1983.

Crise d’identité(s)

Il y eut les Canadiens, qui devinrent des Canadiens français, puis des Québécois; ce sont les francophones.

De l’autre côté de la frontière linguistique, il y a des Anglais, des Canadians, des Canadiens anglais; ce sont les anglophones.

Quand ils habitent au Québec, ces derniers sont des Anglo-Québécois; ils sont minoritaires. En revanche, ils constituent la majorité canadienne, celle du ROC, le Rest of Canada.

Les uns et les autres, géographie continentale oblige, sont américains. Ils ont tous un passeport canadien. On ne doit pas les confondre avec leurs voisins du Sud, les États-Uniens.

Le Thomas Bernhard du Naufragé vient compliquer les choses. Qui est le pianiste Glenn Gould ? Un «cyclone canadien américain» (p. 120), un «Canadien-Américain» (p. 174) qui ne cache pas la vérité, d’où sa «franchise typiquement canadienne-américaine» (p. 163), sa «manière canadienne-américaine, rude et franche et cependant salutaire» (p. 163) et sa «manière bien canadienne-américaine» (p. 170).

On comprend qu’on puisse s’y perdre.

 

Référence

Bernhard, Thomas, le Naufragé, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 2445, 1993, 187 p. Traduction de Bernard Kreiss. Édition originale : 1983.

Exercice de traduction, et de cinq

Cette publicité, pour une agente immobilière, reçue l’autre jour :

Agence immobilière, Montréal, juillet 2010, publicité

Oublions le «de» oublié après «besoin».

Ne tenons pas compte du fait que la disponibilité est importante en français («7 jours sur 7, de jour et en soirée»), alors qu’en anglais c’est la confiance qui compte («confidence»).

Attachons-nous une seconde au s de couchers dans «chambres à couchers». Il y en a plus qu’un; soit. Mais combien de couchers une chambre peut-elle recevoir ? Cela paraît aussi difficile à évaluer que ceci.

Blanc

Cas général : au Québec est dit Blanc tout non-autochtone. Les Québécois de souche à la peau pâle sont des Blancs, comme le sont les Québécois d’adoption, africains, haïtiens, asiatiques, etc. Exemple : «La députée fédérale de Châteauguay–Saint-Constant, Carole Freeman, veut sceller la réconciliation entre les Blancs de sa circonscription et les Mohawks de Kahnawake» (le Devoir, 7 juillet 2010, p. A3).

Cas spécifique : le Blanc serait surtout francophone. Exemple : «La société québécoise est extrêmement tournée sur elle-même, dit [Jacob] Tierney. Notre art et notre culture ne présentent que des Blancs francophones. Les anglophones et les immigrants sont ignorés. Ils n’ont aucune place dans le rêve québécois. C’est honteux» (la Presse, 6 juillet 2010, cahier Arts et spectacles, p. 7).

«Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer», dit le proverbe. Heureusement.

 

[Complément du 2 juillet 2022]

Peut-on trouver un mot plus juste que blanc ? Le dictionnaire numérique Usito propose allochtone : «Non autochtone.» Merci.

L’ami sans complément

Voici une nouvelle campagne publicitaire pour la chaîne de pharmacies Jean Coutu.

Jadis, on disait qu’on pouvait tout y trouver, même un ami.

Aujourd’hui, à la radio, on affirme que tout y est disponible «pour débuter une vie».

Le premier slogan était cucu, mais il n’utilisait pas un verbe intransitif (débuter) avec un complément d’objet direct (vie). Cucu mais sans faute.