Tête (pas très) bien faite

André Major, le Cabochon, éd. de 1989, couverture

Soit ce titre, dans la Presse+ du 14 décembre 2024 : «Travailler en cabochon.»

Qu’est-ce que ce cabochon dans le français du Québec ?

Le mot renvoie à la tête (caboche) dans des cas où on en fait trop peu usage : qui ne se sert pas de sa tête, le cabochon, se tient fermement sur l’échelle de la bêtise.

Allons voir Usito : «Personne qui manque d’intelligence, de jugement.» L’exemple littéraire retenu par ce dictionnaire numérique provient d’un roman de 1964, signé par André Major : «Il n’avait pas le courage d’avouer […] qu’il était trop paresseux pour travailler ses maths, qu’il voulait son indépendance, qu’il était un cabochon qui voulait n’en faire qu’à sa tête.»

Sous «Faire du travail de cabochon», Pierre DesRuisseaux propose la définition suivante : «Mal faire un travail, faire un travail bâclé» (p. 62).

Dans la mesure du possible, évitez d’être un cabochon.

 

Références

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Major, André, le Cabochon. Roman, Montréal, L’Hexagone, coll. «Typo», 30, 1989, 191 p. Édition originale : 1964.

Chantons la langue avec Rock et Belles Oreilles

RBO, I want to pogne, 1989, disque 45 tours

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Rock et Belles Oreilles, «I want to pogne», 1989

 

I want to pogne
I want to pogne
Is it the reason that I speak in English ?
I want to pogne

I want to pogne
I want to pogne
I do not want to speak my tongue
I just want to pogne

I know I have a big accent eh
I know I’m not assez différent
But I want to pogne (I want to pogne)
And I have composed that song

I know the mathématiques
America is a big market
If there is more public
There is more money in my pocket-te

I want to pogne
I want to pogne
I am the Judas of the French Canada
I want-te to pogne

Frog in the USA
Frog in the USA
I’m gonna be the number one
254-6011

Icitte is a small marché
Icitte there is no débouché
I want to become very gros
And lâcher ma run de journaux

’Cause I prefer the Billy Idol
Than Jean Nichol
(Whoa, Lady Mary)
Solo’s

Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne

Frog in the USA
Frog in the USA
If they discover my origine
It’s all finish maudine

Don’t want to go in France
Don’t want to talk like the Français
’Cause I prefer the hamburger
Than the café au lait

I want, I want, I want to pogne
I want, I want, I want to pogne (encore)
I want, I want, I want to pogne
I want, I want, I want to pogne (yé)

I want to pogne (I want, I want)
I want to pogne (I want)
Is it the reason that I speak in English ? (I want, I want)
I want to pogne (I want)

I want to pogne (I want, I want, I want to pogne)
I want to pogne (I want)
I do not want to speak my tongue (I want, I want)
I just want to pogne (I want, I want)

I want to pogne (I want, I want)
I just want to pogne (I want, I want)
I want to pogne (I want to pogne)

 

Portrait paradoxal

Dickens, Fruttero & Lucentini, l’Affaire D. ou le crime du faux vagabond, 1991, couverture

«Mr. Grewgious avait été parfaitement choisi pour la mission qu’il avait à remplir, car c’était un homme d’une intégrité incorruptible, mais, à première vue, il n’avait aucune autre qualité particulière. Qu’on imagine un homme aride et sec, qui, s’il avait été pressé dans un moule, aurait produit une poudre aussi fine que du tabac à priser. Mr. Grewgious avait sur la tête de rares cheveux, qui présentaient la consistance et la couleur de la filasse; cela ressemblait si peu à une chevelure humaine qu’on aurait plutôt cru que c’était une perruque; mais comment supposer que quelqu’un pût volontairement se faire une pareille tête ! Les traits de son visage peu expressif semblaient n’avoir été que grossièrement ébauchés; certaine entaille sur son front faisait penser que la Nature, au moment de mettre sur cette figure une touche de sensibilité et de raffinement, de colère avait jeté le ciseau en disant : “Véritablement, je ne me donnerai pas la peine d’achever cet homme; qu’il reste comme il est.”

En haut, le cou de Mr. Grewgious était trop long; en bas, ses chevilles et ses talons étaient trop osseux; il avait, des pieds à la tête, un air gauche et embarrassé, une démarche contrainte, et avec cela la vue si courte qu’il était incapable de voir lui-même le contraste déplaisant que ses longs bas blancs formaient avec ses vêtements noirs. Et pourtant, Mr. Grewgious avait en lui je ne sais quel étrange privilège qui faisait que l’ensemble de sa personne produisait presque une agréable impression.»

Charles Dickens, le Mystère d’Edwin Drood (1870, inachevé), dans Dickens, Fruttero & Lucentini, l’Affaire D. ou le crime du faux vagabond, Paris, Seuil, 1991, 473 p., p. 139-140. Édition originale : 1989. Traduction de Simone Darses. La traduction du texte de Dickens est de Charles-Bernard Derosne (1874), revue et corrigée par Gérard Hug.

Chantons la langue avec Daniel Balavoine

Daniel Balavoine, «Le français est une langue qui résonne», 1978, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Daniel Balavoine, «Le français est une langue qui résonne», 1978

 

Quand j’entends s’enrouler les feuilles de l’automne
Que le ciel de l’été dans mon cœur se cramponne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Quand du fond du Québec les couleurs se bourgeonnent
[Les trois vers qui suivent sont prononcés avec un «accent québécois».]
Moi j’crois ben qu’c’est la neige qui s’effleure et frissonne
Pis j’me dis qu’le français est une langue qui résonne
Et j’me dis qu’le français est une langue qui résonne

[Quatre des cinq vers qui suivent sont prononcés avec un «accent du Sud».]
Endormi sous la mer qui saigne sur Narbonne
De mes yeux fatigués pleurent des Sables d’Olonne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Langue d’Oc du Nord les accents s’époumonnent
Dans ma tête versée mon pays se crayonne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Je me dis le français est une langue qui résonne

Assis près de Calais dessous les lames bretonnes
Je regarde arriver les vagues anglo-saxonnes
Tous mes mots vieux français éclatent et bouillonnent
Tous mes mots vieux français éclatent et bouillonnent
Si des plages et des forêts s’asphaltent et se carbonent
Si les ailes collées les oiseaux abandonnent
Moi qui m’crois bon Français je sens que je déconne
De mes mots censurés que Villon me pardonne
Je me dis le français est une langue qui résonne
Je me dis le français est une langue qui résonne

 

Autopromotion 799

Portrait de Colette, couverture du numéro 50 de la revue Épistolaire, 2024

Depuis la nuit des temps, l’Oreille tendue collabore à Épistolaire, la revue de l’Association interdisciplinaire de recherches sur l’épistolaire. De sa chronique, «Le cabinet des curiosités épistolaires», elle a tiré un recueil en 2011, Écrire au pape et au Père Noël.

La 50e livraison d’Épistolaire vient de paraître (2024, ISSN : 2109-1358). L’Oreille y parle de quelques représentations, à l’écran, de postiers, dont, bien sûr, Cliff Clavin (Cheers) et Newman (Seinfeld).

 

Table des matières

 

Haroche-Bouzinac, Genevière, «Avant-propos».

 

«Dossier. Colette en toutes lettres»

Maget, Frédéric, «Introduction : Colette épistolière, la part méconnue de l’œuvre».

Boustani, Carmen, «Colette, épistolière chevronnée».

 

Constellations féminines

Laval-Turpin, Nicole, «De la vagabonde à son amie poétesse, les “conversations” de Colette et d’Hélène Picard».

Brechemier, Dominique, «Annie de Pène et Colette, une amitié épistolaire en temps de guerre».

Gigot, Chantal, «“Ferveurs.” Lettres de Renée Vivien à Colette (1906-1909)».

D’Enfert, Guillaume, «Colette-Louise Hervieu, la plume et la craie. Glanes en marge d’une correspondance».

«“Pour comble de prodigalité, tu m’as donné ta lettre.” Correspondance Colette-Louise Hervieu (1917-1953). Texte établi et annoté par Guillaume d’Enfert et Frédéric Maget».

 

Papiers et stylos

Trézéguet, Clément, «Jeu(x) de cartes».

«“Colette en toutes lettres.” Entretien avec le collectionneur Michel Remy-Bieth».

«Florilège tiré de la collection de Michel Remy-Bieth».

«Cartes postales inédites de Colette à Missy. Texte établi et annoté par Frédéric Maget».

 

La lettre à l’œuvre

Bordji, Samia, «“Lettres retrouvées de La Vagabonde.” Réflexions autour du premier manuscrit inédit de La Vagabonde».

Charreyre, Martine, «“Devenir ton illusion.” Comment l’épistolaire transcende le personnage de Mitsou».

Maget, Frédéric, «Dans l’atelier épistolaire de Colette».

 

«Perspectives»

Stazzone, Alessandra, «Sauver son âme, protéger sa réputation. Les citations de la Divine Comédie dans les lettres de Lapo Mazzei à Francesco Datini».

Alessandrini, Laura et Mellie Basset, «Les correspondances de Marie de Médicis à Louis XIII et à ses ministres. Enjeux historique et rhétorique du conseil dans la construction du pouvoir».

Moyal, Guilaine, «Sur quelques lettres d’Aimée de Coigny (1769-1820)».

Piselli, Francesca, «Lettres inédites de la comtesse d’Albany à la duchesse de Devonshire. “Je n’ai besoin que d’etre libre, et independante”».

Richard, Justine et Yves Jacq, «Les Vivants au secours du Pauvre Lélian : autour de la publication des Dédicaces de Paul Verlaine».

De Viveiros, Geneviève, «Lettres et souvenirs d’Eugène Labiche d’Alphonse Leveaux. L’aventure d’une biographie épistolaire».

D’Urso, Andrea, «Bédouin, Schuster, Effenberger et le surréalisme des années 1950-1980 : échanges et documents inédits des archives Micheline et Vincent Bounoure».

Bercé, Yves-Marie, «Écrire aux femmes de pouvoir et d’influence, XVIe-XXe siècle».

 

«Chroniques»

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires».

Bigot, Chantal et Frédéric Maget, «État de la question de la correspondance de Colette : “La mosaïque épistolaire de Colette”».

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «“De la découverte à la rêverie.” Entretien avec Évelyne Bloch-Dano».

 

«Comptes rendus».

 

«Résumés».

 

Benoît Melançon, Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture