Chantons la langue avec Java

Java, Maudits Français, 2009, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Java, «Mots dits français», Maudits Français, 2009

 

Quand j’ai pris mes quartiers sous Jack dans l’Nouveau Monde
I faisait déjà moins six on était au mois d’novembre
Mon pote Daniel m’attendait sur l’tarmac
J’lui dis «J’suis gelé»
I m’fait «T’as fumé tabernacle ?»
«On va prendre mon char pour rejoindre Montréal»
J’me suis vu en compagnie d’Ben Hur derrière un ch’val
Puis i m’dit «Faudra qu’on s’arrête au dépanneur»
J’fais «Ah bon ? T’entends un bruit bizarre dans l’moteur ?»
J’lui dis qu’j’ai la dalle
I m’dit «Dalle de ciment ?»
Il finit par comprendre
On s’arrête au restaurant
I m’fait «Ici ils font des bons burgers et des guedilles Michigan»
«Ah ? Bah on va faire simple j’vais prendre c’que tu prends»
En r’gardant mes frites en sauce j’ai fait grise mine
I m’fait «Bin quoi y a un Tchètchène dans ta poutine ?»
«Non c’très bon mais c’est un peu écœurant»
I m’répond «J’tais sûr qu’t’allais trouver ça trippant»
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Puis i m’présente un pote i était vert fluo
J’ai vu des ours blancs et des orignaux
On rentre dans un bar
I m’fait «Qu’est-ce tu veux y a l’waiter ?»
«J’ai pas envie d’pisser appelle plutôt l’serveur»
On nous sert deux bières avec Charlebois sur l’étiquette
J’aurais rêvé d’avoir Gainsbourg sur mon anisette
Puis j’croise le regard d’une fille à côté
I m’dit «Va cruiser la blonde sois pas gêné»
J’finis par l’accoster
È m’dit «Qu’est-ce tu veux hostie ?»
J’réponds «J’suis pas baptisé non merci»
J’propose de sortir fumer
È m’dit «T’as une smoke ?»
«J’suis plutôt jean basket»
È m’dit «C’est quoi c’est une joke ?»
«C’est bizarre comme tu jases fais un break !»
«Oh tu sais moi j’suis plutôt dans l’rap-musette»
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Dans la rue j’ai eu des élans romantiques
Mais i avait pas d’fleuristes
Alors j’ai improvisé
J’lui ramasse deux jolies feuilles d’érable
È m’dit: «J’m’en calice j’aurais préféré un bouquet d’fleurs de lys»
«Viens chez moi mais j’te préviens j’ai un chum»
«Bah c’est normal avec ce froid d’attraper un rhume»
Arrivé chez elle è m’dit «Tire toi une bûche tu capotes ?»
J’sors un préservatif
«Espèce de quétaine range ton bébelle salaud»
«J’comprends pas c’est pas moi qui a demandé !»
«C’est donc comme ca qu’tu m’aimes-tu ?»
«C’est plutôt sans capote !»
Elle m’a jeté à la rue
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Malgré ces quiproquos j’ai trippé comme un dingue
De Québec-Ville jusqu’à l’Abitibi-Témiscamingue
J’ai rencontré dans c’pays des résistants
Qui pratiquent avec finesse le langagement
La Belle Province j’suis en amour
Et comme dit Richard
[Voix de Richard Desjardins] «Quand j’aime une fois j’aime pour toujours»

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Java ici.

 

Chantons la langue avec La Rue Kétanou

La Rue Kétanou, En attendant les caravanes, 2000, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

La Rue Kétanou, «Les mots», En attendant les caravanes, 2000

 

Approchez, approchez Mesdames et Messieurs
Car aujourd’hui grande vente aux enchères
Dans quelques instants mes deux jeunes apprentis saltimbanques
Vont vous présentationner des… mots

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des gros mots pour les grossistes
Des maux de tête pour les charlatans
Des jeux de mots pour les artistes
Des mots d’amour pour les amants
Des mots à mots pour les copieurs
Des mots pour mots pour les cafteurs
Des mots savants pour les emmerdeurs
Des mobylettes pour les voleurs

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des morues pour les poissonniers
Et des mochetés pour les pas bien beaux
Des mots perdus pour les paumés
Des mots en l’air pour les oiseaux
Des mots de passe pour les méfiants
Et des mots clés pour les prisonniers
Des mots pour rire pour les enfants
Des mots tabous pour l’taboulé

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des mots croisés pour les r’traités
Et des petits mots pour les béguins
Des mots d’ordre pour les ordonnés
Des mots fléchés pour les Indiens
Des momies pour les pyramides
Des d’mi-mots pour les d’mi-portions
Des mots courants pour les rapides
Et le mot de la fin pour la chanson

 

L’oreille tendue de… Claude Ferland Milewski

Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, 2023, couverture

«On ne dit pas un mot, on sait que l’heure est grave. On écoute les pas de la police nationale se diriger vers nous. Silence. On tend l’oreille vers le ciel pour entendre les hélicoptères qui nous ont repérés. Silence. On commence à se détendre le tendu.»

Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, Montréal, Boréal, 2023, 312 p., p. 29.

 

P.-S.—Notons, si vous le voulez bien, l’expression «se détendre le tendu». Foi d’Oreille, elle est assez bien tournée.

Chantons la langue avec Francine Raymond

Francine Raymond, les Années lumières, 1993, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Francine Raymond, «Y a les mots», les Années lumières, 1993

 

Y a les mots qui amusent et ceux qui abusent
Les mots qui blessent comme autant de morsures
Les mots qu’on pleure et crache en venin dans le chagrin
Et ceux qu’on échange en poignées de main

Y a les mots qui nous lient sous le sceau du secret
Et ceux qui déchirent et séparent à jamais
Les mots qui nous hantent pour un instant de folie
Et ceux qui disparaissent dans l’oubli

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Y a les mots qu’on soupire pour passer aux aveux
Ceux qu’on murmure pour mieux parler à son Dieu
Les mots qui frappent pour nous aider à tout comprendre
Et ceux qu’on échappe qu’on aimerait bien reprendre

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Au bout des chaînes
Là où y a les mots