Le niveau baisse ! (2009)

«Les étudiants vont devoir renouer avec la dictée. Des milliers d’élèves de différents campus bénéficient cette année de cours d’orthographe. Une nécessité car les recruteurs apprécient peu les fautes des diplômés.»

Source : le Parisien, 28 septembre 2009, cité dans Claude Lelievre, «La “bataille de l’orthographe” à l’Université», 5 octobre 2010.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Accouplements 66

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, éd. de 1961, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Tu ne l’avais entendue que dans la bouche de ta mère.

Puis un jour tu trouves cette chanson chez le Flaubert de l’Éducation sentimentale :

J’ai deux grand bœufs dans mon étable,
Deux grands bœufs blancs…
(éd. de 1961, p. 266)

(Ils seraient «tachés de boue», selon la vulgate familiale.)

Cela te dépayse.

P.-S. — Un autre lien entre le Québec et Flaubert ? Par ici.

 

[Complément du 9 mars 2018]

Les revoici, sous la plume de Jacques Roubaud, dans Poésie, etcetera : ménage (1995), s’agissant de Denis Roche :

La procrastination n’est pas la caractéristique essentielle de Roche. À aucun moment il n’a été tenté par deux des puits au fond desquels tombe volontiers la poésie de langue française : le puits «il y a une armoire à peine luisante / qui a entendu la voix de mes grand’tantes» (Francis Jammes); et le puits «J’ai deux grands bœufs dans mon étable / Deux grands bœufs blancs tachés de roux» (p. 188-189).

 

Références

Flaubert, Gustave, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial. Édition originale : 1869.

Roubaud, Jacques, Poésie, etcetera : ménage, Paris, Stock, coll. «Versus», 1995, 282 p.

Les singes de l’Olympe

Ils l’ont dit à la radio ce matin : aux jeux Olympiques de Rio, le Canada défend son titre en golf. La dernière fois que cette discipline a été représentée aux JO, c’est en effet le Canada qui a remporté la médaille d’or. C’était en 1904.

Pourquoi signaler cela ? À cause des singes.

Pour Rio, on a dessiné un nouveau parcours à Barra da Tijuca. Les joueurs qui s’y sont entraînés n’insistent pas sur ses difficultés, mais sur sa faune. Elle compte des caïmans, des bradypes, des chevêches des terriers, des capybaras — et des singes. (Merci à Jean Dion pour la leçon de vie animale.)

Or les singes et le golf sont intimement liés dans la psyché de l’Oreille tendue. Voyez.

Ses parents ont vécu quelque temps dans les Caraïbes et ils y ont pratiqué leur sport préféré (si tant est que le golf soit un sport). En visite, l’Oreille y a foulé les verts, pour la première fois de sa vie, en leur compagnie. On ne lui avait donné qu’une seule consigne : ne pas aller chercher les balles perdues dans la forêt (la jungle ?), car il y avait des singes et ceux-ci pouvaient être protecteurs des balles qu’ils y trouvaient.

Par la suite, pendant des années, l’Oreille a utilisé la même excuse pour ne pas jouer au golf : sans singes, pas de swing. À Rio, elle n’aurait pas pu se servir de cette excuse. Imaginez : l’Oreille tendue aux JO !

P.-S. — On ne confondra pas les singes de l’Olympe et les chars de l’Olympe.

P.-P.-S. — On ne confondra pas non plus le golf olympique et la boxe olympique, discipline dans laquelle s’est illustrée, genre, l’Oreille.

Accouplements 65

Andre Agassi, Open, 2010, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Teddy Bear, le personnage principal du roman les Grandes Marées (1978) de Jacques Poulin, est traducteur de bandes dessinées. Il en vient à partager une île du Saint-Laurent avec, entre autres personnages, un lance-balles. Il le présente à Marie.

Le Prince lui fit immédiatement une forte impression. Il était noir mat et solidement bâti.

[…]

— Le Prince a un cerveau, dit-il.

Se mettant à genoux, il lui indiqua un réceptacle de forme rectangulaire qui était placé derrière l’affût du canon.

— On met une cassette là-dedans, dit-il. On presse le bouton qui est ici et le Prince suit le programme qui est enregistré sur le ruban magnétique de la cassette.

[…]

— Excusez-moi. Je me suis laissé emporter, dit-il.

— C’est pas grave, dit-elle. J’aime beaucoup le tennis moi aussi et je trouve que le Prince est très beau (éd. de 2010, p. 35-36).

Dans ses fabuleux Mémoires, Open (2009), le joueur de tennis Andre Agassi, lui qui n’aime pas ce sport, se souvient d’une machine semblable, quand il avait sept ans. Elle le terrorisait.

At the moment my hatred for tennis is focused on the dragon, a ball machine modified by my fire-belching father. Midnight black, set on big rubber wheels, the word PRINCE painted in white block letters along its base, the dragon looks at first glance like the ball machine at every country club in America, but it’s actually a living, breathing creature straight out of my comic books. The dragon has a brain, a will, a black heart — and a horrifying voice (éd. de 2010, p. 28).

Tous les princes ne sont pas bienveillants.

P.-S. — Il existe bien sûr des études sur le tennis dans l’œuvre de Jacques Poulin, par exemple celle de Georges Desmeules en 1999.

 

Références

Agassi, Andre, Open. An Autobiography, New York, Vintage Books, 2010, 385 p. Ill. Édition originale : 2009.

Desmeules, Georges, «Le tennis au service de Jacques Poulin», Québec français, 114, été 1999, p. 80-82. https://id.erudit.org/iderudit/56194ac

Poulin, Jacques, les Grandes Marées, Montréal, Leméac, coll. «Babel», 195, 2010, 208 p. Édition originale : 1978.

Agassi épistolier

Andre Agassi, Open, 2010, couverture

 

En 2007, l’Oreille tendue se penchait, pour la revue Épistolaire, sur la correspondance de quelques sportifs. L’ouvrage Open, les fabuleux Mémoires du tennisman Andre Agassi, n’avait pas encore paru. Elle y aurait trouvé de quoi se régaler.

Les deux mariages d’Agassi ont en effet une dimension épistolaire.

Avant même de rencontrer Brooke Shields pour la première fois, il a échangé plusieurs télécopies avec elle : elle tournait un film en Afrique et il était aux États-Unis. (C’était il y a une éternité technique : en 1993. Il y a plus fort : on s’envoyait encore des télégrammes à l’époque : Agassi en recevra un de son amie Barbra Streisand [p. 173].)

Ce mode de communication, tout à la fois correspondance et conversation, aura des effets inattendus sur la naissance de leur relation :

And so it began. Faxes back and forth, a long-distance correspondence with a woman I’d never met. What began oddly became progressively more odd. The pace of the conversation was outrageously slow, and suited us both — neither of us was in any hurry. But the enormous geographical distance also led us to quickly let down our guard. We segued within a few faxes from innocent flirting to innermost secrets. Within a few days our faxes took on a tone of fondness, then intimacy. I felt as if I were going steady with this woman I’d never met or spoken to (p. 178).

La télécopie a son propre rythme, double : lenteur des échanges, rapidité de l’ouverture à l’autre. À cette caractéristique déterminée par la technique se greffe, chez Agassi, un malaise d’une autre nature : Shields a étudié la littérature française dans une des universités les plus réputées des États-Unis, Princeton; lui a abandonné l’école à l’adolescence. Que faire ? Soumettre ses brouillons de lettres à son préparateur physique et père de substitution, Gil Reyes (p. 178), puis donner la version finale à son frère Philly pour qu’il l’envoie. Les amoureux ne sont pas toujours seuls au monde.

Agassi et Shields seront mariés de 1997 à 1999. Quand ils se sépareront, il essaiera de relancer, mais sans succès, leur correspondance par télécopie (p. 279-280). Au moment de divorcer, ils s’enverront de nouveau des télécopies, mais pour lesquelles ils demanderont l’aide d’avocats et d’agents de publicité : «What began with faxes ends with faxes» (p. 289).

Andre Agassi connaissait Steffi Graf avant de la courtiser. Foin de télécopies avec elle : en avion, au-dessus de l’Atlantique, souhaitant se rapprocher d’elle, il lui confectionne une carte d’anniversaire à partir d’un menu (celui de première classe) et de bouts de raphia (récupérés d’une bouteille de champage) (p. 307). Elle est touchée du geste (p. 308), mais pas suffisamment pour accepter de le fréquenter. Il ne désespère pas. Pourrait-il au moins lui écrire des lettres ? Non, car quand on est une vedette comme elle on n’ouvre pas soi-même son courrier : «There is someone who reads my mail» (p. 310). Leur relation naîtra finalement grâce au téléphone. Quand ils se marieront, en 2001, leurs bagues seront faites de… raphia (p. 337).

Agassi et Graf ont deux enfants. Le père s’adresse à son fils dans son journal intime (p. 348-349) et son autobiographie est conçue comme une lettre à son attention et à celle de sa sœur : «It [this book] was written for them, but also to them» (p. [388]).

On ne s’étonnera pas de trouver en épigraphe à Open un extrait de la correspondance de Van Gogh avec son frère Théo : la lettre est une histoire de famille chez Andre Agassi.

P.-S. — Correspondance familiale ? Agassi reçoit aussi des lettres de sa mère (p. 94-96).

P.-P.-S. — Agassi est un sportif connu internationalement. Il reçoit donc des sacs de courrier (p. 25, p. 103, p. 184), notamment des photos d’admiratrices nues, accompagnées de leur numéro de téléphone (p. 122).

P.-P.-P.-S. — Brooke Shields a beaucoup reçu de lettres anonymes dans sa carrière, notamment des lettres de menaces (p. 231, p. 241). L’Oreille a aussi écrit sur ce genre de lettres, en 2013.

 

Références

Agassi, Andre, Open. An Autobiography, New York, Vintage Books, 385 p. Ill. Édition originale : 2009.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires. Le courrier des sportifs», Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 33, 2007, p. 279-283; repris, sous le titre «Sportifs épistolaires», dans Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, p. 81-89.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 39, 2013, p. 219-221. Sur les lettres anonymes.

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture