Vers quels mots / expressions l’Oreille sera-t-elle tendue en 2017 ?
Dans la francophonie : décomplexé.
Au Québec : l’ensemble de l’œuvre.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Vers quels mots / expressions l’Oreille sera-t-elle tendue en 2017 ?
Dans la francophonie : décomplexé.
Au Québec : l’ensemble de l’œuvre.
«Il est beau, mon zeugme !» (p. 179)
L’an dernier, un collègue et néanmoins ami de l’Oreille tendue lui faisait parvenir ce zeugme de Laurent Binet dans la Septième Fonction du langage (2015) : «Kristeva revient avec le gigot et la Chinoise» (éd. de 2016, p. 157).
Ce n’est pas le seul moment du texte où l’auteur flirte avec le zeugme : «Simon Herzog est ravi de rencontrer le grand philosophe [Gilles Deleuze], chez lui, au milieu de ses livres, dans un appartement qui sent la philosophie et le tabac froid» (p. 75); «Quand [Louis Althusser] relâche la pression, [sa femme] est morte, un bout de langue, un “pauvre petit bout de langue”, dira-t-il, sort de sa bouche, et ses yeux exorbités fixent son assassin ou le plafond ou le vide de l’existence» (p. 262); «Derrida roule entre les tombes, entraîné par la pente et la furie du chien après lui» (p. 355); «L’embarquement s’effectue dans une cohue désordonnée, l’équipage du vaporetto rudoie ces cons de touristes qui montent à bord maladroitement, avec leurs bagages et leurs enfants» (p. 421).
P.-S. — L’autre jour, l’Oreille disait tout le bien qu’elle pense de ce roman policier heureusement intello.
Laurent Binet, la Septième Fonction du langage. Roman, Paris, Librairie générale française, coll. «Le Livre de poche», 34256, 2016, 477 p. Édition originale : 2015.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
De l’article Bar
De l’article Déboulonner / dégonfler
De l’article Drab / Drabe / Drabbe
De l’article Grande Noirceur
De l’article Scorer
(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)
«Par ailleurs, le directeur [en 1947 du journal étudiant le Quartier latin, Camille Laurin] se montre particulièrement exigeant en ce qui concerne l’écriture de la publication. […] Il ajoute que si l’orthographe, la syntaxe et la correction française n’ont plus leur place dans la plus grande université française d’Amérique, il vaudrait décidément mieux regagner l’Europe, où, malgré beaucoup de tares, ces humbles choses sont encore respectées. Il s’étonne également que, après huit années de cours classique et deux ou trois ans d’université, on puisse encore ignorer jusqu’aux rudiments de l’art d’écrire.»
Source : Jean-Claude Picard, Camille Laurin, l’homme debout, Montréal, Boréal, 2003, 528 p., p. 81.
Pour en savoir plus sur cette question :
Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.
P.-S. — Oui, ce Camille Laurin-là, le père de la Loi 101.
Depuis quelques années, l’Oreille tendue piste l’urbain, ici, sous la rubrique «Ville urbaine», et là, pour le blogue Vivez la vie urbaine.
Depuis quelques semaines, elle est sensible à la présence, dans les médias, de l’adjectif décomplexé.
Imaginez sa joie devant cette phrase, lue dans le Devoir d’hier : Nouvel onglet, de Guillaume Morissette, est « le roman d’une génération, dit-on, urbaine, active, décomplexée, mais paumée en même temps et en quête de sens dans un présent qui en a de moins en moins à offrir» (p. B6).
Cher Devoir, merci pour ce beau cadeau de Noël.