Chinoiserie folkloricofootballistique du vendredi matin

Trophée Baquet 2014

Plus tôt cette semaine, le programme de football d’une école secondaire montréalaise honorait ses joueurs de l’année (le fils cadet de l’Oreille tendue y a fait excellente figure).

Pour la dixième fois, cette cérémonie comportait un segment confié à l’entraîneur des joueurs de ligne offensive. (La langue de foot ? Voyez par là.) On y remet les prix Baquet (le fils aîné de l’Oreille tendue y a déjà fait excellente figure).

Baquet ? Il ne s’agit évidemment pas des deux sens du mot que connaît le Petit Robert (édition numérique de 2014) : «récipient de bois, à bords bas, servant à divers usages domestiques»; «siège bas et très emboîtant des voitures de sport et de course» (comme dans siège-baquet).

Il renvoie plutôt à une personne en surcharge pondérale, mais costaude plus que molle, d’une taille limitée. On lui connaît au moins deux graphies.

Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise (1980, p. 64), retient baquet — «Homme gros et court» — et baquèse — «Femme grasse et courte». (Grasse serait donc le féminin de gros ?)

Le Petit lexique de mots québécois […] d’Ephrem Desjardins (2002, p. 34-35) opte pour baquais, baquaise : «Personne obèse. Peut aussi servir à interpeller vulgairement une personne inconnue. “Eille, baquais, viens me voir !”»

L’Oreille chinoiserait volontiers sur ces définitions : comment peut-on être «obèse» et exceller au football ? En revanche, costaud, cela s’impose.

P.-S. — Les amateurs de musique folklorique québécoise — et les autres — connaissent l’expression «Swigne la baquaise / baquèse dans l’fond d’la boîte à bois». Son sens vous échappe ? Prière de vous adresser à Fred Pellerin.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Causons littérature avec Canadian Tire

Ils sont assis à l’extérieur, dans la neige, et ils discutent cadeaux de Noël. Elle est toute réjouie à l’idée de donner une poupée Cendrillon à sa fille. Il appuie ce choix, escarpin de verre aux pieds.

https://www.youtube.com/watch?v=qlp2pH8ptUM

Cette publicité télévisée de la chaîne Canadian Tire risque de relancer une vieille controverse : les pantoufles de Cendrillon sont-elles de verre ou de vair («Fourrure de petit-gris», dixit le Petit Robert, édition numérique de 2014) ? Canadian Tire a choisi son camp, qui ne fait pas l’unanimité.

P.-S. — Croyez-le ou non : il y a tout un article de Wikipédia sur cette controverse.

La clinique des phrases (i)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit l’affiche suivante, vue l’autre jour à l’Université de Montréal :

Publicité syndicales, Université de Montréal, 12 décembre 2016

Les habitués de l’Oreille tendue le savent : ce n’est pas elle qui va reculer devant un juron («criss»), bien au contraire.

En revanche, elle aimerait attirer l’attention des publicistes du Syndicat des étudiant-es salarié-es de l’Université de Montréal (SÉSUM) sur leur utilisation du pronom réfléchi.

Au lieu de «se doter», il aurait évidemment fallu «nous doter». Cela améliorerait sans aucun doute «la qualité de l’éducation».

Enfin, appeler à la mobilisation «dès 7 h 30», ça se défend. Mais quel jour ?

À votre service (syndical).

La fabrique des oreilles

L’Oreille tendue a déjà renvoyé à une vidéo de Franck Lepage sur la langue de bois. On le retrouve dans une vidéo consacrée à la désintoxication de la langue de bois. Il y déclare notamment que son rôle est d’«utiliser un langage qui fabrique des oreilles». Ce n’est pas l’Oreille qui va le contredire.

Saturation de la bande passante

Il y a quelques années, l’Oreille tendue s’était amusée à préparer un bref florilège de citations d’écrivains influencés linguistiquement par le numérique. Il n’y a évidemment pas que les écrivains.

Prenez la série télévisée états-unienne The Good Wife (septième saison, neuvième épisode, «Discovery»). L’héroïne de la série, Alicia Florrick, y est débordée et elle n’a guère le temps de parler avec son conseiller politique, Eli Gold. Comment le lui annonce-t-elle ? «I do not have the bandwidth for any campaign talk.» Il y a de ces moments où la bande passante (bandwidth) est saturée. Cela raccourcit les conversations, même politiques.