Fil de presse 016

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Sans le moindre souci d’exhaustivité, quelques livres récents (2014 et 2015) en matière de langue…

A comme accent

Gendron, Jean-Denis, la Modernisation de l’accent québécois. De l’accent traditionnel au nouvel accent : 1841-1960. Esquisse historique. Contribution à l’histoire de la prononciation du français au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Langue française en Amérique du Nord», 2014, 281 p. Ill.

(L’Oreille tendue a parlé de ce livre dans la revue Recherches sociographiques.)

A comme anglais

Jeener, Jean-Luc, Pour en finir avec la langue de Shakespeare, Neuilly, Atlande, 2014, 160 p.

Schifres, Alain, My taylor is rich but my français is poor, Paris, First, 2014, 144 p.

A comme argot

Delaplace, Denis, l’Argot dans le Vice puni, ou Cartouche de Grandval, Paris, Classiques Garnier, coll. «Classiques de l’argot et du jargon», 8, 2014, 365 p.

B comme bizarrerie

Bouleau, Fabian, Chienne de langue française. Répertoire tendrement agacé des bizarreries du français, Paris, Points, coll. «Le goût des mots», 2014, 192 p.

C comme classement

Godel, Rainer et Michèle Vallenthini (édit.), Classer les mots, classer les choses. Synonymie, analogie et métaphore au XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», 100, série «Le dix-huitième siècle», 10, 2014, 376 p.

D comme dictionnaires

Chiflet, Jean-Loup, Dictionnaire amoureux de la langue française, Paris, Plon, 2014, 752 p.

Piselli, Francesca, Féraud versus Racine. Riflessioni sulla lingua, Rome, Aracne, coll. «Recherches sur toiles», 2014, 124 p.

Rey, Christophe, le Grand Vocabulaire françois (1767-1774) de Charles-Joseph Panckoucke, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica – Mots et dictionnaires», 27, 2014, 352 p.

E comme e muet

Borer, Alain, De quel amour blessée. Réflexions sur la langue française, Paris, Gallimard, coll. «nrf», 2014, 352 p.

F comme francophonie

Tessier, Jules, Avant de quitter ces lieux, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 221 p.

G comme grammaire (et comme Voltaire)

Vernier, Léon, Étude sur Voltaire grammairien et la grammaire au XVIIIe siècle, Genève, Slatkine reprints, 2014, 270 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1888.

H comme histoire

Ayres-Bennett, Wendy et Thomas M. Rainsford (édit.), l’Histoire du français. État des lieux et perspectives, Paris, Classiques Garnier, coll. «Histoire et évolution du français», 2, 2014, 419 p.

H comme histoire culturelle

Gingras, Francis (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), 476 p.

I comme idées (reçues ?)

Colombat, Bernard, Jean-Marie Fournier, Christian Puech (édit.), Histoire des idées sur le langage et les langues, Paris, Klincksieck, coll. «50 questions», 33, 2015, 280 p. Édition originale : 2010.

J comme jeunesse

Tardif, Benoit, Sport-O-Rama, Montréal, Comme des géants, 2014, 53 p. Ill.

M comme maladie

Chauvier, Éric, les Mots sans les choses, Paris, Allia, 2014, 128 p.

N comme nation

Vidal, Cécile (édit.), Français ? La nation en débat entre colonies et métropole (XVIe-XIXe siècle), Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. «En temps & lieux», 51, 2014, 272 p.

O comme orthographe

Beaulieux, Charles, Histoire de l’orthographe française, Genève, Slatkine reprints, 2014, 534 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1927-1967.

P comme purisme

Académie française, Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française, Paris, Philippe Rey, 2014.

R comme Russie

Tesson, Sylvain, Ciel mon moujik ! Et si vous parliez russe sans le savoir ?, Paris, Points, coll. «Le goût des mots», 2014, 160 p. Édition originale : 2004.

S comme sens

Choinière, Olivier (édit.), 26 lettres. Abécédaire des mots en perte de sens, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 02, 2014, 125 p.

(L’Oreille tendue a parlé de ce livre ici.)

T comme traduction

Chevrel, Yves, Annie Cointre et Yen-Maï Tran-Gervat (édit.), Histoire des traductions en langue française, XVIIe-XVIIIe siècles (1610-1815), Lagrasse, Verdier, 2014, 1376 p.

U comme universalité

Rivarol, De l’universalité de la langue française, Paris, Flammarion, coll. «GF-Flammarion», 2014. Présenté par Dany Laferrière. Édition originale : 1784.

V comme variation

Farina, Annick et Valeria Zotti (édit.), la Variation lexicale des français. Dictionnaires, bases de données, corpus. Hommage à Claude Poirier, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica – Mots et dictionnaires», 28, 2014, 368 p.

Alerte lexicale en vigueur

On l’a beaucoup dit et écrit à la suite de la tuerie à Charlie hebdo : il ne faut surtout pas tout mêler, les musulmans et les islamistes radicaux, car radicalisés, les pratiquants et les terroristes.

Le mot «amalgame» en France, Nicolas Guay, Twitter, 12 janvier 2015

 

Le mot est aussi beaucoup utilisé au Québec.

 

L’amalgame, qu’il ne faut pourtant pas pratiquer, est à la mode

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, paraît être friand du mot. Ainsi, en voyage officiel à Bruxelles, le 19 janvier dernier, il recommande la plus grande prudence : «Je réfute l’amalgame.» Selon un article du site de Radio-Canada du 13 janvier, il est également circonspect en matière de laïcité : «Ne voulant pas faire de lien avec la montée de l’intégrisme religieux constatée un peu partout dans le monde, il refuse de sombrer dans un amalgame inapproprié.»

Deux remarques, pour finir.

L’amalgame, c’est toujours l’autre qui y cède, jamais soi-même.

Il y a pire que l’amalgame : l’amalgame douteux. (On peut imaginer que l’amalgame inapproprié en est une variante.)

Tendons l’oreille.

Le mot «amalgame» au Québec, David Turgeon, Twitter, 14 janvier 2015

 

[Complément du 26 janvier 2015]

En première page du Devoir de ce matin : «C’est un amalgame que le premier ministre Philippe Couillard craint comme la peste : la laïcité de l’État comme remède au terrorisme islamiste.»

 

[Complément du 27 décembre 2015]

Sur l’amalgame, prétendant au mot de l’année 2015, on écoutera le Monde selon Antoine Perraud, sur France Culture, livraison du 29 novembre 2015.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Émile Zola

Émile Zola, l’Assommoir, éd. de 1969, couverture

«Et il [Coupeau] reprenait ses explications : les patrons fournissaient l’or en fil, tout allié; les ouvriers le passaient d’abord par la filière pour l’obtenir à la grosseur voulue, en ayant soin de le faire recuire cinq ou six fois pendant l’opération, afin qu’il ne cassât pas. Oh ! il fallait une bonne poigne et de l’habitude !» (p. 83)

«Quand on a l’hiver et la faim dans les tripes, on peut serrer sa ceinture, ça ne vous nourrit guère» (p. 399).

Émile Zola, l’Assommoir, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 198, 1969, 445 p. Chronologie et introduction par Jacques Dubois.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Tuer deux fois Place de la toile ?

Pendant des années, France Culture a diffusé une passionnante émission de radio sur le numérique, Place de la toile. (Merci à toi l’inventeur du podcast, ô bienfaiteur de l’humanité !)

À la fin de la saison 2013-2014, l’émission a cessé d’exister. Pleurs et grincements de dents.

Puis, discrètement, une chronique Place de la toile est apparue, à l’automne 2014, dans le cadre de l’émission le Rendez-vous, encore à France Culture. Xavier de La Porte était toujours au micro — pour quatre ou cinq minutes, plutôt que pour les 50 de l’ancienne version de l’émission. Réjouissances, malgré la brièveté et les interventions sans intérêt de l’animateur du Rendez-vous.

Depuis deux semaines, toutefois, au lieu de faire entendre Xavier de La Porte, l’émission donne la parole à un certain Thomas Clerc, qui ne parle pas du tout de numérique. (Il est peut-être des gens que ses interventions intéressent.) Nouveaux pleurs et grincements de dents.

Ironiquement (?), cela se passe au moment où un séminaire de l’École des hautes études en sciences sociales (ÉHÉSS) était consacré, le 19 janvier, à «8 ans de “Place de la toile”» (voir le storify ici).

Place de la toile vient-elle de mourir de nouveau ?

 

[Complément du 24 janvier 2015]

Sur Twitter, @franceculture explique que Xavier de La Porte intervient dorénavant, toujours à l’enseigne de Place de la toile, le vendredi matin (on peut (ré)entendre sa chronique du 23 janvier à l’émission de Laurent Goumarre ici). Nouvelles réjouissances.

En revanche, les abonnés du podcast Place de la toile sur iTunes et les visiteurs du site de l’émission n’ont pas accès à cette chronique, mais à celle de Thomas Clerc. Pleurs et grincements de dents, encore.

Ne pas confondre, svp

Pierre Bouchard, Je sais tout, 2014, couverture

On ne confondra pas Pierre Bouchard (l’ancien joueur de hockey), Pierre Bouchard (l’auteur de bande dessinée) et Pierre Bouchard (le personnage des bandes dessinées de Pierre Bouchard).

Le deuxième vient de publier Je sais tout, «sans aucun doute le meilleur livre qui soit pour savoir toutes les choses qu’il faut savoir sur les choses dont les gens parlent tout le temps» (1er rabat). Quelles sont ces «choses» ? Jocelyne Blouin, la banane, René Lévesque, Facebook, le dessin, les chèques géants, la techno, les feux d’artifice, Budweiser, l’eau de Pâques, la job de servant de messe junior, Charlize Theron et John Kennedy.

Il est aussi question de sport. «Je sais tout sur le ballon-balai» donne des conseils pour la pratique de ce jeu, en le comparant au hockey («Si tu connais pas les règlements du hockey, ben déménage au Brésil !», p. 18). L’ancien journaliste et premier ministre du Québec René Lévesque est présenté en correspondant de guerre et en lutteur («The Great Canadian»). Une case fait apparaître un «Stéphane Ovechkin». En quatrième de couverture, «Je sais tout sur Maurice Richard» évoque, sur le mode burlesque, un épisode célèbre de la carrière de ce joueur des Canadiens de Montréal, le match du 28 décembre 1944 contre les Red Wings de Detroit. (En revanche, «Je sais tout sur Mike Bossy» ne porte pas sur l’ancien des Islanders de New York, mais sur un humoriste inventé par Bouchard.)

Le ton ? Humour potache, bien qu’il y ait Giorgio Agamben en épigraphe et deux allusions aux Mythologies de Roland Barthes. Un peu de scatologie ? Évidemment. La langue ? Populaire. Le dessin ? Sans prétention : on voit les traits de la gomme à effacer, il y a des ratures.

Un deuxième tome de Je sais tout est annoncé pour avril. L’Oreille tendue ne croit pas qu’elle en fera une de ses lectures prioritaires.

 

Référence

Bouchard, Pierre, Je sais tout, Montréal, Éditions Pow Pow, 2014, 106 p.