La totale

L’Oreille tendue écrivait, le 27 janvier 2011, que l’adjectif ultime semblait être en lice pour remplacer extrême (c’est ici).

À la Presse, on l’a bien vu. Le quotidien titrait, le 13 février 2012 : «Véhicules ultimes pour skieurs extrêmes» (cahier Affaires, p. 14).

Tout est dans tout, et réciproquement.

Fil de presse 012

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

La langue fait écrire; ça ne se dément pas.

Regardez derrière :

• Nyrop, Christophe, Grammaire historique de la langue française, Genève, Slatkine reprints, 2011, 6 vol., 3020 p. Réimpression de l’édition de Paris et Copenhague, 1914-1930.

• Ayres-Bennett, W. et M. Seijido, Remarques et observations sur la langue française. Histoire et évolution d’un genre, Paris, Classiques Garnier, coll. «Histoire et évolution du français», 2012, 348 p.

• Walter, Henriette et Pierre Avenas, la Fabuleuse histoire du nom des poissons, Paris, Robert Laffont, 2011, 500 p.

• Guyotat, Pierre, Leçons sur la langue française, Paris, Léo Scheer, 2011, 681 p.

• Lusignan, Serge, France Martineau, Yves Charles Morin et Paul Cohen, l’Introuvable Unité du français. Contacts et variations linguistiques en Europe et en Amérique (XIIe-XVIIIe siècle), Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, coll. «Les voies du français», 2012, 328 p.

• Brissaud, Édouard, Histoire des expressions populaires relatives à l’anatomie, à la physiologie et à la médecine, Genève, Slatkine reprints, 2012, 350 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1899.

• Thurot, Charles, De la prononciation française depuis le commencement du seizième siècle, d’après le témoignage des grammairiens, Genève, Slatkine reprints, 2012, 2 vol., 1540 p. Réimpression de l’édition de Paris, 1881-1883.

• Philippe, Gilles, le Français, dernière des langues. Histoire d’un procès littéraire, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Perspectives critiques», 2010, 306 p.

Regardez ici :

• Blondeau, Hélène, Cet «autres» qui nous distingue. Tendances communautaires et parcours individuels dans le système des pronoms en français québécois, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, coll. «Les voies du français», 2011, 270 p.

• Martineau, France et Terry Nadasdi (édit.), le Français en contact. Hommages à Raymond Mougeon, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, coll. «Les voies du français», 2011, 460 p.

• Bouchard, Chantal, Méchante langue. La légitimité linguistique du français parlé au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Nouvelles études québécoises», 2012, 178 p.

Regardez ailleurs :

• Berrouët-Oriol, Robert, Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort, l’Aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions, Montréal et Port-au-Prince, Éditions du CIDIHCA et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011. Avant-propos de Jean-Claude Corbeil. Introdiction de Bernard Hadjadj. Postface de Joseph-G. Turi.

• Bastin, Georges L. et Monique C. Cormier, Profession traducteur, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Profession», 2012, 66 p. Ill. Édition revue et mise à jour. Édition originale : 2007.

• Pennebaker, James W., The Secret Life of Pronouns : What Our Words Say About Us, Bloomsbury Press, 2011, 368 p.

Regardez sur votre liseuse :

• Deplace, Guy-Marie, Observations grammaticales sur quelques articles du Dictionnaire du mauvais langage, édition numérique, Project Gutenberg, 2012. Édition originale : 1810.

Revue critique de fixxion française contemporaine, revue numérique, 3, décembre 2011 : «L’écrivain devant les langues». Numéro dirigé par Dominique Combe et Michel Murat.

Regardez le long de la route :

• Bloch, Kevin, Avoir des bornes au compteur. Petit dictionnaire grivois des transports, Paris, Balland, coll. «Les dicos d’Agnès», 2011, 128 p.

Regardez Alain Rey :

• Gaudin, François (édit.), Alain Rey, vocabuliste français, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «La Lexicothèque», 2011, 106 p.

• Rey, Alain, la Langue sous le joug, Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2011, 54 p.

Regardez.

Avec ou sans ?

Sur Twitter, le 10 février, Larousse faisait de maganer son #motdujour : «Au Québec, abîmer, user (familier).» Le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron (1980, p. 302) et le Petit lexique d’Ephrem Desjardins (2002, p. 101) ont cette orthographe. Si vous l’aviez interrogée là-dessus, l’Oreille tendue vous aurait répondu la même chose : pas de h.

Il est pourtant des gens qui en mettent un. Ainsi, le Devoir des 28-29 janvier 2012 contient le mot «maghanant» (p. B2). Avant lui, Réjean Ducharme a intitulé une de ses pièces le Cid maghané; une affiche d’une production québecquoise de 1977, visible sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, confirme la présence de cette consonne. Les spécialistes de Ducharme, par exemple Józef Kwaterko, Élisabeth Haghebaert et Michel Biron, ont suivi son exemple.

Qui nous dira l’étymologie du mot et réglera la question ?

D’ici là, ça fait désordre.

 

[Complément du 15 mars 2013]

Les jeunes ne devraient pas fumer. D’où, à la subtile adresse https://www.facebook.com/degueu, cette mise en garde.

Magane pas tes poumons

Merci à OffQc | Quebec French Guide.

 

[Complément du 25 août 2013]

L’emploi du mot n’est pas récent. On en trouve deux occurrences, à la fin du XIXe siècle, dans les Mystères de Montréal d’Hector Berthelot, d’abord sous la forme maganer (p. 123), puis sous la forme maganner (p. 159).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Biron, Michel, la Conscience du désert. Essai sur la littérature au Québec et ailleurs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2010, 212 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Haghebaert, Élisabeth, Réjean Ducharme, une marginalité paradoxale, Québec, Nota bene, coll. «Littérature(s)», 34, 2009, 337 p.

Kwaterko, Józef, «Ducharme essayiste ou “Sartre maghané”», Littératures (revue de l’Université McGill), 6, 1991, p. 21-38; repris dans Pierre-Louis Vaillancourt (édit.), Paysages de Réjean Ducharme, Montréal, Fides, 1994, p. 147-166.

Faire du camping chez Jean-Jacques Rousseau

Promenade à Ermenonville et à ses environs, 1954, couverture

Chaque bibliothèque personnelle a son histoire. Des livres ont été achetés, d’autres reçus en cadeau. Certains sont annotés, quelques-uns, ou plusieurs, pas. On les classe, ou non, parfois avant de les reclasser autrement.

Chaque bibliothèque personnelle a aussi ses mystères. Hier, l’Oreille tendue retrouvait dans la sienne une brochure de 1954 intitulée Promenade à Ermenonville et à ses environs. Elle n’a aucune idée de la provenance de ce guide touristique dû au Touring Club de France.

De quoi s’agit-il ? D’une présentation des lieux où Jean-Jacques Rousseau a vécu les derniers jours de sa vie et où sa dépouille a reposé pendant seize ans (Rousseau est mort en 1778 et la translation de ses restes au Panthéon, à Paris, a eu lieu en 1794). Ce «célèbre écrivain», à «l’œuvre inégale, mais immense» (p. 16), y était l’hôte du marquis de Girardin.

Les auteurs anonymes de la brochure ont réfléchi à l’évolution du tourisme : «De nos jours, les préoccupations littéraires et philosophiques tiennent moins de place dans l’esprit du touriste moderne, encore que les étudiants, futurs bacheliers ou professeurs de belles lettres, ne dédaignent pas de s’attarder en ces lieux où Jean-Jacques vint passer, dans le calme et la paix de la nature, les dernières heures de sa vie tourmentée» (p. 6). On ne dit pas Rousseau; «Jean-Jacques» suffit.

Ils donnent évidemment des conseils, et militairement précis : «Si le visiteur vient par la route, qu’il ne craigne pas de gravir les hauteurs de Montmélian; du haut de cette colline qui domine la plaine environnante de 100 mètres d’altitude (cote de la carte d’État-Major), le promeneur, soucieux des belles choses, et non tourmenté par le prurit de la vitesse, s’arrêtera et jouira d’un admirable panorama, si toutefois l’absence de brume le permet» (p. 6). On ne saurait nier que la brume peut, en effet, gâcher la vue.

Ils expliquent à leurs lecteurs, qui s’interrogeraient là-dessus, ce qu’est la contribution du TCF à l’histoire des lieux : «En 1700, par le mariage de Geneviève de Vic, petite-fille du capitaine Sarrèdes, la terre d’Ermenonville passait aux mains des Lombards : 70 ans plus tard, Ermenonville entrait dans les annales du romantisme avec Jean-Jacques Rousseau et René de Girardin, avant d’entrer dans celles du tourisme, avec le Touring Club de France» (p. 11).

Enfin, une partie du parc ayant été transformée par le TCF en terrain de camping «à l’usage exclusif de ses sociétaires titulaires de la licence de camping et des campeurs étrangers porteurs du carnet international de Camping» (p. 11), ils traduisent pour les voyageurs des vers dont le sens pourrait leur échapper :

Dans la grotte de la Cascade, une longue inscription en vers, par le marquis de Girardin, encore et toujours, mais imitée d’un poète anglais, se termine ainsi :

Des habitants de l’heureuse Arcadie,
Si vous avez les nobles mœurs
Restez ici, goûtez-y les douceurs
Et les plaisirs d’une innocente vie.
Mais maudits soient les insensibles cœurs,
Ceux qui, cèdant
[sic] aux passions sauvages,
Voudraient briser nos tendres chalumeaux,
Fouler aux pieds nos fleurs, rompre nos arbrisseaux.

En termes plus simples et plus précis, nous résumerons les désirs exprimés par ces Nymphes des Eaux :

Ne cassez rien, ne cueillez rien, ne gravez rien (p. 24).

En 2001, Catherine Bertho Lavenir mettait en garde les lecteurs hautains : «Ne nous moquons pas des poètes départementaux, même s’ils appartiennent à l’Automobile Club» (p. 140). Aurait-elle pu dire la même chose de ceux du Touring Club de France ? Non : ils sont bien trop prosaïques.

 

[Complément du 7 mai 2017]

Humant l’air hexagonal pré-électoral, le journaliste Yves Boisvert, pour la Presse+, visite Ermenonville. Récit, sans camping, mais avec maltraitance.

 

Références

Bertho Lavenir, Catherine, «La découverte des interstices», Cahiers de médiologie, 12, 2011, p. 129-140. https://doi.org/10.3917/cdm.012.0128

Promenade à Ermenonville et à ses environs, Paris, Touring Club de France, 1954 (deuxième édition), 31 p. Ill.

Périple laurentien, prise trois

De samedi en samedi, l’Oreille tendue poursuit ses aventures familiales sur l’autoroute des Laurentides (la 15, pour les intimes).

On a vu qu’on peut s’y sustenter et s’y amuser tard le soir.

On peut aussi habiter ses environs. Dès qu’on entre à Laval, un panneau publicitaire annonce en effet la construction de «condominiums urbains».

De deux choses l’une.

Ou Laval est une ville — et «condominium urbain» est un pléonasme.

Ou Laval n’est pas une ville — mais elle aimerait en devenir une : en attendant, elle donne un cachet urbain à ses condos.

Tout bien considéré, restons montréalais.