Dictionnaire des séries 45

À l’origine, le hockey se pratiquait en extérieur, parfois sur le rond. Le sport en a gardé un lien intime avec la faune et la flore.

Un gardien qui tombe à genoux en écartant les jambes de chaque côté de lui au ras de la glace pratique le style papillon. Une petite équipe aurait avantage à se grossir, si possible avec du bœuf de l’Ouest.

Que fait le même gardien quand, devant sa cage, il essaie de subtiliser la rondelle à un adversaire ? Tel un pêcheur, il veut la harponner.

Le geste pourra être utile devant un compteur naturel. S’il s’agit d’un pied de céleri (la Presse, 14 mai 2011, cahier Sports, p. 2), ça ne devrait pas être nécessaire.

 

[Complément du 7 décembre 2020]

Patrick Roy a beaucoup fait pour la propagation du style papillon. En 1995, l’échange qui l’a fait passer des Canadiens de Montréal à l’Avalanche du Colorado a eu des effets prolongés et inattendus. D’où ce joli titre de la Presse+ de samedi dernier. Bravo.

«L’effet papillon», la Presse+, 5 décembre 2020

 

[Complément du 18 juin 2025]

En 2009, voulant contribuer à une «phénoménologie de l’angoisse» (p. 234), Charles Le Blanc publie «Kierkegaard et l’art de garder les buts au hockey». Il consacre quelques passages de cet article au style papillon. Citons celui-ci : «Cette façon de tomber, les jambes filant vers les angles et les bras se déployant pour couvrir le haut du filet est, en soi, un style angoissé. Le gardien n’affronte pas l’objet de sa peur (le disque), mais attend passivement qu’il le frappe dans ce mouvement caractéristique d’affaissement de l’individu sur lui-même qui est un trait de l’angoisse» (p. 234). Vous y penserez en regardant le prochain match.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Le Blanc, Charles, «Kierkegaard et l’art de garder les buts au hockey», Normand Baillargeon et Christian Boissinot (édit.), la Vraie Dureté du mental. Hockey et philosophie, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Quand la philosophie fait pop !», 2009, p. 231-242.

Dictionnaire des séries 44

Forum de Montréal (1924)

À l’aréna, tout le monde n’est pas égal.

Dès son ouverture, le Forum de Montréal, là où jouaient les Canadiens, a eu une section où les billets étaient peu chers. Par antiphrase, on l’appelait la loge des millionnaires.

Dans la loge des millionnaires
Vous pourrez la voir
(Léo LeSieur, «Ah ! le hockey», chanson, 1930)

Parmi les sièges plus coûteux, il y a eu les blancs.

Pour tous ceux dans les blancs qui ont fois deux payé
Les billets travaillant deux jours pour les acheter
(Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», chanson, 2009)

On a réglé ce problème de discrimination potentielle en passant du Forum au Centre Molson, devenu le Centre Bell : tous les sièges sont chers.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

Illustration : Forum de Montréal, 1924, collection du Musée McCord, photo déposée sur Wikimedia Commons

Dictionnaire des séries 43

Au début d’une séquence de jeu, la rondelle est déposée sur la glace; c’est la mise au jeu. Il importe de la gagner, «c’est-à-dire, comme l’explique Simon Grondin dans le Hockey vu du divan, ramener la rondelle vers l’arrière afin de prendre possession de celle-ci et de contrer la possibilité d’une attaque immédiate» (p. 166).

L’expression s’emploie bien évidemment pour décrire les matchs.

Dès la mise au jeu
On a saisi la rondelle
Tricotant tous deux
Comme de vrais professionnels
(Les Jérolas, «Le sport», chanson, 1967)

Mais déjà, c’est l’heure de la mise au jeu
L’arbitre s’penche entre les joueurs de centre
(Mononc’ Serge, «Un team qui gagne», chanson, 2012)

Il existe au moins aussi un cas où elle est prise métaphoriquement.

La terre est mise au jeu au milieu de la Voie lactée
(Diane Dufresne, «La joute des étoiles», chanson, 1973)

P.-S. — Le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française accepte aussi bien mise au jeu que mise en jeu et qu’engagement (?).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Grondin, Simon, le Hockey vu du divan, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, xvi/214 p. Ill.

Dictionnaire des séries 42

Bâton et ruban gommé

Un passe bien réussie doit se retrouver sur la palette du bâton de celui qui la reçoit.

Osti qu’c’est beau passe su’a palette
(Les Dales Hawerchuk, «Dale Hawerchuk», chanson, 2005).

Mieux encore : drette sur la palette.

Un gardien alerte
Des bonnes mises en échec
Des passes drette sur la palette
Pis des lancers précis et secs
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2008)

 

[Complément du 20 décembre 2022]

L’expression peut être utilisée métaphoriquement : «Ma mère n’a jamais attendu que la vie lui fasse une passe sur la palette. Elle s’est toujours créé l’opportunité de scorer sans bâton ni rondelle» (Montréal-Nord, p. 139).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Mazza, Mariana, Montréal-Nord, Montréal, Québec Amérique, coll. «QA récit», 2022, 204 p.

Dictionnaire des séries 41

Maurice Richard en novembre 1952

«Si un joueur du Canadien compte trois buts,
tu pourras lancer mon chapeau sur la glace […].»
(Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !)

Quand on marque trois buts dans un match, cela s’appelle un tour du chapeau.

Il lance et compte de nouveau
Et Jean Béliveau fait l’tour du chapeau
(Denise Émond, «La chanson des étoiles du hockey», 1956)

En troisième Maurice Richard
A fait le tour du chapeau
(Georges Langford, «L’hiver en personne», chanson, 2003).

On peut compléter un tour du chapeau ou inscrire un tour du chapeau.

Explication du Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française :

Tout comme le terme anglais hat trick, les termes truc du chapeau et tour du chapeau véhiculent ainsi [?] un rapprochement entre l’habileté quasi magique du sportif qui réalise un exploit de ce genre et celle d’un prestidigitateur qui sort un lapin de son chapeau.

L’expression viendrait toutefois du cricket.

En effet, on offrait un chapeau à tout lanceur réussissant à frapper le guichet sur trois lancers consécutifs. Par la suite, la tradition s’est transportée en Amérique du Nord, où les vendeurs locaux donnaient un chapeau à tout joueur de hockey de l’équipe hôtesse qui avait réussi à marquer trois buts lors d’une partie.

P.-S. — L’OQLF, qui parle aussi de coup du chapeau, expression inconnue de l’Oreille tendue, considère «acceptable» le terme truc du chapeau. Les puristes pourraient le lui reprocher

 

[Complément du 10 juin 2016]

Il existe une variante, dite «à la Gordie Howe», du tour du chapeau : dans un même match, un but, une passe, une bagarre.

 

[Complément du 14 octobre 2016]

La Presse+ du jour mêle sport et chapellerie.

«Le (re)tour du chapeau», la Presse+, 14 octobre 2016

 

[Complément du 3 mars 2018]

Les Canadiens de Montréal font maintenant dans l’immobilier. Ils ont lancé récemment la troisième phase de leur construction de tours d’habitation à proximité du Centre Bell. Titre de leur publicité dans le quotidien le Devoir du jour : «Célébrez le tour du chapeau» (p. A11).

 

[Complément du 28 janvier 2019]

Voici ce que Ben Schott, dans ses Miscellanées sportives (2018), a à dire de la question :

À l’origine, le hat-trick était une expression de cricket désignant l’exploit qui consiste à prendre trois wickets (à mettre trois batsmen out) en trois lancers successifs. L’origine de l’expression est sujette à controverse. Certains affirment que le bowler se voyait offrir un nouveau chapeau par les membres de son équipe, d’autres prétendent que les membres de l’équipe faisaient «passer le chapeau» au bénéfice du bowler. En tout cas, cette expression s’est répandue au-delà des terrains de cricket pour désigner un triple score dans n’importe quelle discipline sportive (p. 108).

 

[Complément du 24 octobre 2021]

Jean-Patrice Martel est historien du hockey. Sur Twitter, il est dubitatif quant à l’appellation «tour du chapeau à la Gordie Howe», qu’il trouve «bien mal nommé» : «Ce joueur n’en a obtenu qu’un, peut-être deux (dans un cas on n’a pas pu déterminer si une punition majeure avait été infligée pour une bagarre ou pour autre chose) dans sa carrière.»

 

[Complément du 25 juillet 2022]

Explication locale, sous la plume de Léandre Normand. dans sa biographie d’Hector «Toe» Blake :

Et, à l’instar de la plupart des hommes de cette époque, [Toe Blake] fréquentait le réputé chapelier Henri Henri, rue Sainte-Catherine à Montréal. Rappelons que cette boutique, fondée en 1932 et toujours aussi populaire, est à l’origine de la fameuse expression “tour du chapeau”. Ses premiers propriétaires, Honorius Henri et Jean-Maurice Lefebvre, avaient pris l’initiative, dès le milieu des années 1940, de remettre un chapeau à tout joueur du Canadien ou d’une équipe adverse qui marquait trois buts lors d’un match disputé au Forum. En contrepartie, le populaire chapelier faisait imprimer de petits calendriers des matchs du Canadien que l’on pouvait se procurer dans les postes d’essence de la pétrolière Esso et qu’il insérait derrière le ruban de ses chapeaux. Une habitude qui s’est perpétuée tout au long de l’époque des six équipes originales de la [Ligne nationale de hockey] (p. 179-180).

Tout le monde n’a pas à partager cette hypothèse.

 

[Complément du 16 janvier 2023]

Dans sa biographie d’Émile Bouchard (2022), Pat Laprade reprend le récit chapelier de Léandre Normand (p. 134).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Laprade, Pat, Émile Butch Bouchard. Le roc de Gibraltar du Canadien de Montréal, Montréal, Libre expression, 2022, 357 p. Ill. Préface de Réjean Tremblay.

Normand, Léandre, avec la collaboration de Vincent Couture, Hector «Toe» Blake. L’ours au cœur tendre, Montréal, Éditions de l’Homme, 2022, 248 p. Ill. Préface de Serge Savard.

Schott, Ben, les Miscellanées sportives de Mr. Schott, Paris, Éditions du sous-sol, 2018, 159 p. Ill. Traduit par Élie Robert-Nicoud. Adapté et mis à jour par Charles Giol. Édition originale : 2004.