Chantons la langue avec Alecka

Alecka, album Alecka, 2011, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Alecka, «Choukran», album Alecka, 2011

 

Choukran
Abadan
Afouan
Naiman
Achlan
Wasachlan
Gitan
Tabahan
Nanaidan
Choukran
Abadan
Afouan
Naiman
Achlan
Wasachlan
Gitan
Tabahan
Nanaidan

Mon teint olive
Mon accent québécois
J’ai l’regard de ma mère
Mais les sacres de mon père
C’est sûr se côtoient
Et festoient en moi
J’ai le cœur d’Allah
Mais le foie de saint Pierre
Ialbé
Iessanadé
Iadouri
Iabinté
Mahachla
Teta
Mahachla
Teta
Misarabla
Chus pas coupée en deux
C’est tout l’contraire
Les deux ont allumé mon feu
Je suis riche de millionnaires
Millions de musiques
Millions de mots
Millions d’histoires extraordinaires
Pour embrasser l’humanité entière
Choukran
Abadan
Afouan
Naiman
Achlan
Wasachlan
Gitan
Tabahan
Nanaidan

Mon teint olive
Mon accent québécois
J’ai les jambes de mon père
Mais les fesses de ma mère
C’est sûr se côtoient
Et festoient en moi
J’ai la moustache d’Allah
Mais l’auréole de saint Pierre
Ialbé
Iessanadé
Iadouri
Iabinté
Mahachla
Teta
Mahachla
Teta
Misarabla
Millions de musiques
Millions de mots
Millions d’histoires extraordinaires
Pour embrasser l’humanité entière
Choukran
Abadan
Afouan
Naiman
Achlan
Wasachlan
Gitan
Tabahan
Nanaidan
Coudon
Ben voyons don
Heille creton
C’est don ben bon
Heille creton
Dans l’fond
Bougon gigon
Ou bedon
Choukran
Tabarnan
Afouan
Quess tu fais là man
Achlan
Wasachlan
Ben voyons don
Entrez don
Restez pas sul perron
[autre passage en arabe]
C’est la langue de mon père
De mon grand-père Irénée
De forêts de rivières
Ô comme la neige a neigé
C’est la langue de mon père
De mon grand-père Irénée
De forêts de rivières
Ô comme la neige a neigé

 

P.-S.—L’Oreille tendue s’excuse auprès des arabophones pour cette transcription ô combien approximative, faite à partir de l’enregistrement en studio, non de la vidéo en concert.

 

Divergences transatlantiques 023

Soit les deux photos suivantes.

Vol AC830, Montréal => Genève, 11 juin 2012

Ordures et vidanges

Vol AC831, Genève => Montréal, 17 juin 2012

Vidanges et ordures

Première constatation : le pictogramme du jeteur de détritus (ou du semeur de trois graines de quelque chose) ne doit pas être compris par tout le monde, puisqu’il faut lui adjoindre du texte.

Deuxième constatation : pour rendre le pictogramme compréhensible, il faut l’expliquer en plusieurs langues : français, anglais, arabe.

Troisième constatation : les possibilités d’interprétation sont multiples. On peut choisir de parler du contenu : «vidange», «waste», «garbage», «nifayate» (déchets). Ou du contenant : «poubelle».

Quatrième constatation : le mot vidange peut rendre perplexe un non-Canadien. Selon le Petit Robert (édition numérique de 2010), au sens de «Déchets, ordures ménagères», il s’agirait d’un régionalisme utilisé seulement au Canada, «critiqué» qui plus est. Il peut aussi rendre perplexe un Canadien : comme le remarque à juste titre le Robert, le mot, en ce sens régional, n’existe qu’au pluriel (des vidanges). Les employés d’Air Canada auraient-ils des problèmes d’accord ?

 

[Complément du 5 juillet 2012]

Restons dans le rayon plomberie. Sur sa page Facebook, Mathieu Charlebois s’interroge sur la nature des trois «choses» que l’on ne doit pas jeter dans les toilettes selon un pictogramme identique à ceux reproduits ci-dessus. Il croit qu’il s’agit de cubes de sucre. Ça se discute.

Euphémisme sacré

Alecka, 2011, pochette

D’une part, l’existence — peu documentée, il est vrai — d’un courant musical québécois appelé l’arab’n’roll.

De l’autre, la tendance, aussi québécoise, à euphémiser les jurons, comme si le fait de masquer, sans la masquer vraiment, l’origine religieuse de ces jurons en atténuait la portée sacrilège. Au lieu de hostie, hostin. Au lieu de crisse, clisse. Au lieu de tabarnak, tabarnanne.

La fusion des deux chez Alecka, chanteuse québécoise de père chicoutimien et de mère libanaise, qui fait rimer «Choukran» («Merci») avec «Tabarnanne».

Cela ne devrait pas étonner :

Mon teint olive
Mon accent québécois
J’ai l’regard de ma mère
Mais les sacres de mon père
C’est sûr se côtoient
Et festoient en moi

 

[Complément du 4 novembre 2011]

L’euphémisme peut aller encore plus loin, tabarnak ou tabarnanne pouvant être ramenés à ta. Exemple tiré de Twitter, chez @cvoyerleger : «Écoute Catherine Major à @plusonlit pis c’est beau en TA…»

 

Référence

Alecka, «Choukran», Alecka, 2011, étiquette Spectra musique

Deux regrets

Être à la fois de l’islam et du Québec ? L’Oreille tendue aurait aimé inventer l’expression Québécois de souk, cette variété particulière du Québécois de souche. Cela a déjà été fait, notamment ici.

Pour tracer la généalogie imaginaire de ce Québécois de souk, il faudrait probablement remonter à l’arab’n’roll du Clan Murphy. Ce groupe québécois des années 1970 — une des pièces de leur album le Cœur et la raison (Polydor, 1976) s’appelait «Allah-Allah» —, est aujourd’hui bien oublié.

Le Clan Murphy, Le cœur et la raison, 1976, pochette

 

[Complément du 17 avril 2016]

Ajoutons à cette brève lignée les paroles suivantes, tirées de la chanson «Oasis 33» du groupe CQFD :

Ça m’a rappelé ma mère, sa logique binaire
«Range ton souk, sinon pas de désert»

 

[Complément du 6 août 2018]

Découverte du jour, via France Culture : le «Maroc’n’roll».

 

[Complément du 25 mai 2022]

Une autrice québécoise, hier, sur Twitter : «Abdelmoumen la Québécoise de souk va aller se coucher.»