L’oreille tendue de… Marcel Pagnol

Marcel Pagnol, le Temps des amours, éd. 2004, couverture

«Il les écouta tout en marchant, la tête basse, et l’oreille tendue : puis il déclara tout bêtement que “ce n’était pas mal”, puis me fit stupidement remarquer que cette hache devait être bien petite pour n’avoir fourni qu’une plume, et il nous expliqua fort sérieusement qu’une cognée de bûcheron pèse dans les trois kilos, et qu’avec trois kilos d’acier on pouvait faire deux cents boîtes de plumes sergent-major.»

Marcel Pagnol, le Temps des amours, Paris, De Fallois, coll. «Fortunio», 2004, 259 p., p. 97-98. Édition originale : 1977.

L’oreille tendue de… Marcel Pagnol

Marcel Pagnol, le Château de ma mère, éd. 2004, couverture

«Je parcourais une vingtaine de mètres, l’œil aux aguets, l’oreille tendue. Puis je m’arrêtais, j’écoutais le silence… Enfin, je faisais signe à ma mère et à mon frère, qui attendaient à l’abri du plus gros buisson. Ils arrivaient alors en courant, et venaient se blottir derrière moi. Enfin paraissait mon père, un carnet à la main. Il fallait toujours l’attendre un moment, car il prenait fort gravement des notes.»

Marcel Pagnol, le Château de ma mère, Paris, De Fallois, coll. «Fortunio», 2004, 240 p., p. 152. Édition originale : 1957.

En rafale

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

En vrac, ci-dessous, des notes sur quelques-unes des (re)lectures de l’Oreille tendue au cours des derniers mois.

Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.

Ce «parleur compulsif professionnel» (p. 117), cet «humain qui parle sans arrêt» (p. 183) s’est tu le 11 mai 2021. Il va nous manquer, pas seulement au sujet de Claude Provost.

Brea, Antoine, l’Instruction. Roman, Montréal, Le Quartanier, série «QR», 154, 2021, 310 p.

Conseil : tenez-vous loin du système judiciaire français, des gens qui y rendent la justice et des gens qui y écrivent («les abus de majuscules et les précautions de langage […] sont le trait propre de l’administration», p. 53).

Guèvremont, Germaine, le Survenant. Roman, Paris, Plon, 1954, 246 p. Suivi d’un «Vocabulaire». Édition originale : 1945.

On peut s’intéresser au personnage du «Grand-dieu-des-routes», celui qui donne son titre au roman. On peut lui préférer Angélina, notamment dans une belle scène de lecture (p. 42-45).

Hoedt, Arnaud et Jérôme Piron, Le français n’existe pas, Paris, Le Robert, 2020, 158 p. Préface d’Alex Vizorek. Illustrations de Xavier Gorce.

Vous n’aimez pas les puristes ? Eux non plus. Vous aimez Jean-Marie Klinkenberg ? Eux aussi.

Mauvignier, Laurent, Histoires de la nuit, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 634 p.

Roman efficace dans le registre de la peur, avec une finale forte, qui a au moins deux cents pages de trop.

Messier, William S., Épique. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2010, 273 p.

Parmi les questions intéressantes de ce roman : quel serait le meilleur superpouvoir, voler ou être invisible ?

Plamondon, Éric, Aller aux fraises. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 159, 2021, 106 p.

L’Oreille avait beaucoup apprécié, d’Éric Plamondon, la trilogie 1984 (voir ici, par exemple). Elle avait pensé le plus grand mal de Taqawan (2017) et de Oyana (2019). De ce recueil, elle retient la nouvelle centrale, «Cendres», qui relève du genre de la tall tale.

Saint-Martin, Lori, Pour qui je me prends. Récit, Montréal, Boréal, 2020, 183 p.

L’hypothèse est osée : on peut choisir sa langue maternelle (en l’occurrence, ici, le français, contre l’anglais). On pourrait cependant être sensible à autre chose : il est au moins aussi difficile de quitter une langue que sa classe sociale.

Saule, Tristan [pseudonyme de Grégoire Courtois], Mathilde ne dit rien. Roman. Chroniques de la place carrée. I, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 02, 2021, 280 p.

«Thriller social» (quatrième de couverture), au contenu roboratif : «Tout peut arriver. Si elle a appris une seule chose de toute sa vie, c’est bien celle-ci. Le pire, sans aucun doute» (p. 106). Vivement la suite.

Thomas, Chantal, De sable et de neige, Paris, Mercure de France, coll. «Traits et portraits», 2021, 199 p. Avec des photos d’Allen S. Weiss.

Vous saviez, vous, qu’on peut skier sur les aiguilles de pin ou «grépins» (p. 137) ?

Turgeon, David, l’Inexistence. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 156, 2021, 219 p.

Il y a plusieurs David Turgeon (celui-ci, celui-là). En voici un nouveau. À lire comme les autres.

Verne, Jules, le Pays des fourrures. Le Canada de Jules Verne — I, Paris, Classiques Garnier, coll. «Bibliothèque du XIXe siècle», 77, 2020, 549 p. Ill. Édition critique par Guillaume Pinson et Maxime Prévost. Édition originale : 1872-1873.

A-t-il déjà été noté que les personnages de Verne ont plus d’une fois pratiqué le surf géologique ? C’est le cas dans ce roman de 1872-1873 comme dans les Enfants du capitaine Grant en 1868.

Portrait en jouisseur

Marie d’Agoult, Premières années (1806-1827), éd. de 2009, couverture

«Chasseur paresseux, indolent joueur de whist, dormeur inéveillable, amateur de longs repas et de plaisirs commodes, volontiers loin de sa femme dont l’esprit vif et piquant fatiguait son flegme, [le prince Louis de La Trémoïlle] était attiré chez nous par les petits bois giboyeux, par la partie de whist établie en permanence au salon dans les jours de pluie, par les talents d’Adelheid [la cuisinière viennoise], et peut-être aussi par le mien qu’il mettait à contribution chaque soir après dîner en me demandant de lui jouer sur le piano ce qu’il appelait un joli petit air qui l’empêchait de s’endormir avant l’heure d’aller se coucher.»

Marie d’Agoult, Premières années (1806-1827), édition établie et présentée par Martine Reid, Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 4875, 2009, 140 p., p. 57.