Le niveau baisse ! (années 1990)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

Anne Hébert, Paris, début des années 1990 : «Le français glisse, déplore-t-elle. Il glisse irrésistiblement vers l’abîme. Les gens parlent mal au Québec. La grammaire n’est pas respectée. Les anglicismes sont nombreux. Son jugement est sans appel : au Québec, un gouffre s’est ouvert. Et nous risquons d’y tomber. Si ce n’est déjà fait, hélas. Alors que faire, madame Hébert ? La réponse tombe, sans hésitation : une croisade pédagogique s’impose. “Il faut enseigner le français et l’amour de la langue française, et la rendre respectable pour tout le monde.”

À l’en croire, seuls un manque de rigueur et un dépérissement de l’enseignement expliqueraient la qualité jugée défaillante du français. “L’enseignement de la langue dépérit. Il y a du laxisme partout. Il faut apprendre la grammaire. Quand on a une grille de grammaire en tête, on peut mieux comprendre les textes. Il y a beaucoup d’anglicismes, de phrases incomplètes, sans verbes, beaucoup d’abréviations. Même en France, c’est beaucoup plus relâché que lorsque je suis arrivée.” Même en France, imaginez !

Qui évoque la notion de relâchement s’invite d’ordinaire à parler, en contrepartie, de discipline. Aux individus, pense l’écrivaine, revient l’effort de bien parler, de bien écrire. À le croire, les individus vivent en apesanteur sociale. Ils n’appartiennent pas à un système qui les modèle et les gouverne. Ils disposent de tous les moyens leur permettant de déterminer la qualité de leur langue. D’eux seuls dépend donc la conformité avec une langue distinguée érigée en modèle. Celle justement que manie si bien Anne Hébert depuis son enfance.»

Source : Jean-François Nadeau, les Têtes réduites. Essai sur la distinction sociale dans un demi-pays, Montréal, Lux éditeur, 2024, 236 p., p. 176-177.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (2002)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«En 2002, dans Je te cherche dès l’aube, [Jean-Paul] Desbiens afirme que, “pour contrer le déclin du français, il faudrait vider les écoles, non pas des élèves, mais de la plupart des professeurs et des administrateurs”, au prétexte allégué qu’ils “parlent et écrivent un français approximatif”. De tels projets d’action taillés à la hache, Desbiens en a esquissé de semblables dès le début des années 1960.»

Source : Jean-François Nadeau, les Têtes réduites. Essai sur la distinction sociale dans un demi-pays, Montréal, Lux éditeur, 2024, 236 p., p. 139.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (1959)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«C’est Laurendeau qui, dans Le Devoir du 21 octobre 1959, est le premier à parler du joual, sous le pseudonyme de Candide. Les enfants dépérissent dès qu’ils entrent à l’école, écrit-il. Ou est-ce l’influence de la maison qui les gagne ? Laurendeau ne le sait pas très bien. À l’entendre, l’assaut vient de partout. “Une conversation de jeunes adolescents ressemble à des jappements gutturaux. De près cela s’harmonise mais s’empâte : leur langue est sans consonnes, sauf les privilégiées qu’ils font claquer. Et parfois à la fin de l’année ils vous rapportent un prix de bon langage. Ça vous fait froid dans le dos.”

Laurendeau est convaincu que le niveau général baisse. Il parle même d’un “effondrement”. “Certains individus progressent, mais la moyenne ne cesse de baisser”, poursuit-il sans fournir le moindre chiffre, la moindre preuve. Vraiment ? Il n’en démord pas, se demandant comment l’éducation “peut donner d’aussi piteux résultats”. C’était sans doute mieux autrefois, croit-il. “Est-ce une illusion ? Il nous semble que nous parlions moins mal. Moins mou. Moins gros. Moins glapissant. Moins joual.” En somme, tout était mieux avant. Mais mieux pour qui ? Qui s’exprimait mieux ?»

Source : Jean-François Nadeau, les Têtes réduites. Essai sur la distinction sociale dans un demi-pays, Montréal, Lux éditeur, 2024, 236 p., p. 135.

 

P.-S.—S’agissant de la première occurrence du mot joual au Québec, ça se discute.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (2024)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Le niveau baisse. Concernant l’orthographe, c’est tout à fait avéré. Toutes les études sur la question concordent. Les enseignants le constatent de l’école primaire au supérieur. Mais une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait, que pourrions-nous faire ?»

Source : Louise Tourret, «Le niveau d’orthographe en France est-il une cause perdue ?», Rue des écoles (France Culture), 22 octobre 2024.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (2024)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Chaque année dit-il, je vois le niveau de français baisser. Je reviens dans le même lycée quelques années plus tard et je suis sur une autre planète.»

Source : Boualem Sansal, auteur de Le français, parlons-en !, Paris, Éditions du Cerf, 2024, cité par Christian Rioux, «La langue, c’est l’âme d’un peuple», le Devoir, 3 octobre 2024.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture