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« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Soit la phrase suivante, tirée du Devoir du 23 décembre 2013 : «Pas de souci, ça électrise en titi […]» (p. B8).
En titi ?
On trouvait deux fois la même expression dans le deuxième tome de Motel Galactic (2012), la bande dessinée de Francis Desharnais et Pierre Bouchard, dont une fois sur une pancarte (p. 9; voir aussi p. 8).
On l’entendait également dans une publicité télévisée récente d’une chaîne de restaurants. Une mère la suggérait à son jeune fils, qui était horrifié à l’idée de l’utiliser.
Son sens ? Le contraire du (pe)ti(t) : beaucoup, très, et voire même très beaucoup.
On comprend le jeune garçon : l’expression est bien faible en terre de sacres. (Elle est faible en titi.)
P.-S. — Le Petit Robert (édition numérique de 2014) connaît cette «locution adverbiale» régionale («Canada»), mais pas son étymologie. Il paraît peu plausible de la chercher du côté du «nom masculin» titi, «Gamin déluré et malicieux», d’essence parisien.
[Complément du 2 janvier 2014]
Débat animé sur Twitter l’autre jour au sujet de l’origine de l’expression en titi. Tous s’entendaient pour dire qu’il s’agit d’un superlatif et d’une euphémisation — mais de quoi ?
@PimpetteDunoyer, dans les commentaires ci-dessous, penchait pour «en estie», forme elle-même euphémisée de «en hostie». @beloamig_ cita le Dictionnaire québécois-français. Mieux se comprendre entre francophones de Lionel Meney : «ce serait une variété atténuée de “en maudit”» (p. 1739). Appuyée sur la tradition familiale, Anne Marie Messier, aussi dans les commentaires, proposait «en sapristi», expression venue, elle, de «sacristi», sans «e» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).
(Sur un registre plus léger, @Voluuu évoquait «en ouistiti» et @desrosiers_j, «Nefertiti».)
Cela mène à d’autres interrogations. Utiliser un euphémisme à la place de «en estie» peut se comprendre. C’était peut-être vrai aussi, mais à une autre époque, de «en maudit». Mais on ne voit guère pourquoi un euphémisme serait nécessaire à la place de «en sapristi».
Au risque de la répétition : tant de questions existentielles, si peu d’heures.
Références
Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, Montréal, Éditions Pow Pow, 2012, 101 p.
Meney, Lionel, Dictionnaire québécois-français. Mieux se comprendre entre francophones, Montréal, 1999 et 2003.
Quels livres l’amateur de hockey devrait-il impérativement avoir dans sa bibliothèque ? Voici cinq suggestions de l’Oreille tendue, par ordre alphabétique d’auteur.
Ken Dryden, The Game (1983).
Un Canadien anglais en visite ethnographique chez les Québécois. Un cérébral du côté du corps.
Ce livre a été traduit en français sous le titre l’Enjeu (1983), puis sous le titre le Match (2008). Les (ré)éditions anglaises pullulent.
Ken Dryden, qui a été gardien de but pour les Canadiens de Montréal, a aussi écrit la préface à la pièce de théâtre les Canadiens de Rick Salutin (1977) et collaboré à un ouvrage avec Roy MacGregor, Home Game. Hockey and Life in Canada (1989), entre autres publications (livres, articles, etc.).
François Gravel, le Match des étoiles (1996).
François Gravel est un auteur prolifique, pour les jeunes et les autres. Plusieurs de ses livres portent sur le hockey. Le Match des étoiles est le plus fin, le moins appuyé.
Jeff Lemire, Essex County (2009).
La meilleure bande dessinée sur le hockey. En anglais.
Roy MacGregor, The Last Season (1983).
L’auteur est journaliste et l’auteur de plusieurs livres sur le hockey, seul ou avec d’autres. Il a notamment signé la série de romans pour la jeunesse «Screech Owls»; certains ont été traduits en français dans la collection «Carcajous» (Boréal).
The Last Season raconte la dernière saison d’un goon, Felix Batterinski, et bien plus encore.
(Roy MacGregor a préfacé la traduction anglaise d’un livre de l’Oreille.)
Marc Robitaille, Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Récit (1987); nouvelle édition sous le titre Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hocke. Roman (2013).
C’est un roman (la couverture le dit), sous la forme de souvenirs d’enfance (l’année scolaire et la saison de hockey 1966-1967 au Québec). Le hasard fait que ce pourraient être, en bonne partie, ceux de l’Oreille.
L’iconographie, en 2013 mieux encore qu’en 1987, est somptueuse.
Voir aussi le film qu’en a tiré François Bouvier en 1998, Histoires d’hiver.
Quelle serait la liste des lecteurs de l’Oreille ? Propositions bienvenues.
[Complément du 27 octobre 2014]
L’Oreille tendue, dans son panthéon, fera dorénavant place à Numéro six d’Hervé Bouchard (2014). Pourquoi ? Voyez ici.
On a eu maintes fois l’occasion de le constater : au Québec, plusieurs jurons (tabarnak) ont une forme euphémisée (tabarnan[ne]).
Il en va de même avec crisse dont on connaît une variante en crime, voire en crimepoff(e).
Exemple publicitaire. La brasserie Sleeman, à la télévision, aime bien mettre en scène son passé trouble, voire criminel. Son slogan ? Sa bière est «bonne en crime.»
P.-S. — L’illustration ci-dessus est tirée de la bande dessinée les Casseurs (éd. de 1988, p. 17).
[Complément du 29 août 2016]
Crimepoff(e) a vraisemblablement transité par l’anglais (cream puffs, choux à la crème).
[Complément du 25 août 2019]
Un personnage de la pièce Lignes de fuite (2019) de Catherine Chabot lance ceci : «Je suis peut-être vieux jeu, mais crime-pof !» (p. 31) Dire «crime-pof» est la preuve que l’on est «vieux jeu».
[Complément du 11 décembre 2021]
Dans la Presse+ du jour, une pub jouant de l’homophonie crime / crème.
Références
Chabot, Catherine, Lignes de fuite, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 20, 2019, 130 p. Ill. Suivi d’Aurélie Lanctôt, «Une génération dans le miroir».
Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.
L’Oreille tendue et son ami Michel Porret lancent un appel à contributions pour un ouvrage collectif sur le sport et la bande dessinée. Description ci-dessous. Avis aux intéressés.
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Ce volume collectif s’inscrit dans une réflexion d’histoire culturelle sur la bande dessinée surtout francophone, mais pas exclusivement, afin de tenir compte d’autres traditions, notamment européennes. Il vise à rassembler des contributions inédites (35 000-40 000 signes, espaces compris) et illustrées sur les rapports entre la bande dessinée et le sport. Sans se limiter à étudier les formes du sport que représente d’une manière assez systématique la bande dessinée (boxe, course automobile, cyclisme, football, tennis, hockey, etc.), les contributions s’intéresseront aussi de manière thématique transversale à la construction de l’imaginaire du sport dans la figuration narrative.
Les pratiques sportives mises en image correspondent-elles ou non avec les pratiques sociales dominantes du sport à des périodes déterminées, par exemple les pratiques démocratiques du sport de masse après la Seconde Guerre mondiale ? Le sport donne-t-il sens à l’héroïsme individuel comme support narratif de l’aventure, à la manière, entre autres narrations, de la bande dessinée sur le scoutisme ? Est-il une métaphore politique du fascisme représenté en BD ? Souvent d’obédience catholique en Belgique et en France, adressée à un public d’adolescent, la bande dessinée utilise-t-elle le sport pour véhiculer l’adhésion aux règles morales du jeu social ? Qu’en est-il de la biographie de «grands sportifs» dans la bande dessinée, de même que des grands événements sportifs (Tour de France, jeux Olympiques, etc.) ? Voilà quelques pistes parmi d’autres pour exploiter la mise en image et en bulles du sport et de son imaginaire dans la bande dessinée francophone depuis le début du XXe siècle.
Ce volume est coordonné par Benoît Melançon (Département des littératures de langue française, Université de Montréal) et par Michel Porret (Département d’histoire, Université de Genève). Il paraîtra en 2014.
Les propositions d’articles doivent être adressées avant le 21 juillet 2013 avant le 15 septembre 2013 aux deux coordonnateurs, par courriel : benoit.melancon@umontreal.ca et Michel.Porret@unige.ch. Elles doivent compter environ 250 mots (titre provisoire, corpus, hypothèse de lecture).
[Complément du 28 juin 2016]
L’ouvrage a paru : Pucks en stock. Bande dessinée et sport, ouvrage collectif dirigé par Benoît Melançon et Michel Porret, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, 270 p. Ill. ISBN : 978-2-8257-1041-8. (34 CHF)
Table des matières ici.