Autopromotion 832

Stéphanie Bernier et Michel Biron (édit.), Une écriture en mouvement, 2025, couverture

L’Oreille tendue vient de faire une rechute : elle a encore écrit un texte sur la lettre.

Ça se trouve dans le volume collectif suivant :

Bernier, Stéphanie et Michel Biron (édit.), Une écriture en mouvement. Les correspondances d’écrivains francophones au Canada, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, coll. «Archives des lettres canadiennes», XVIII, 2025, 548 p.

Table des matières

Bernier, Stéphanie et Michel Biron, «Introduction : écrire / à autrui», p. 1-12.

Bartlett-Jeffrey, Lucie, «Vivre le territoire : la Nouvelle-France de Marie Guyart», p. 12-43.

Gill, Louis-Serge, «“Vivre d’abord, écrire ensuite” : matérialité et expérience de la littérature dans la correspondance entre Octave Crémazie et Henri-Raymond Casgrain», p. 45-68.

Livernois, Jonathan, «Arthur Buies, correspondant littéraire ?», p. 69-87.

Hébert, Pierre, «“Un communisme dont le Christ serait l’inspirateur” : dissonance politique dans la correspondance entre Louis Dantin et Jean Bruchési», p. 89-125.

Bernier, Stéphanie, «Écrire en communauté : la correspondance amicale d’Alfred DesRochers», p. 127-154.

Rannaud, Adrien, «“Je me suis fait la plume en vous écrivant” : amour et écriture dans les lettres de Michelle Le Normand à Léo-Paul Desrosiers», p. 155-178.

Biron, Michel, «Saint-Denys Garneau et ses lettres quasi romanesques», p. 179-208.

Watteyne, Nathalie, «Anne Hébert, une correspondance de l’apprentissage», p. 209-225.

Bédard, Mylène, «De l’amitié littéraire entre femmes : les correspondances de Gabrielle Roy et de Marie-Claire Blais avec Jeanne Lapointe», p. 227-258.

Marcotte, Sophie, «Liens forts et liens faibles dans la correspondance de Gabrielle Roy», p. 259-278.

Lapointe, Gilles, «Borduas à Provincetown ou La lettre d’amour laissée dans le sable», p. 279-319.

Maltais, François, «Les chemins épistolaires de l’inquiétude : la correspondance d’Hubert Aquin et de Louis-Georges Carrier (1951-1977)», p. 321-359.

Murphy, Susan Margaret, «Jacques Ferron et Jean Marcel malgré eux : l’écrivain et son critique (1965-1985)», p. 361-400.

Lamonde, Yvan, «Des fils de trame et des fils de chaîne : lettres de Pierre Vadeboncoeur», p. 401-426.

Dumont, François, «Jacques Brault et l’esprit de la lettre», p. 427-446.

Brun del Re, Ariane et Pénélope Cormier, «La mobilité institutionnelle de l’artiste en milieu minoritaire : France Daigle et la fermeture des Éditions d’Acadie», p. 447-472.

Jeannotte, Marie-Hélène, «S’écrire pour mieux vivre ensemble : épistémologie relationnelle des correspondances autochtones au Québec (XIXe-XXIe siècles)», p. 473-501.

Melançon, Benoît, «L’annonce de la mort de la lettre est tout à fait exagérée», p. 503-517.

Huchon, Cassandre, «Bibliographie des éditions de correspondances littéraires au Québec et au Canada français», p. 519-537.

Chantons la langue avec Chilly Gonzales

Chilly Gonzales, album French Kiss, 2023, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Chilly Gonzales, «French Kiss», album French Kiss, 2023

 

Je vous french kiss
Avec la langue de Molière
Ça vous excite
Quand je vous baise dans l’oreille
Je parle anglais comme Tony Blair
Je parle allemand Adolf Hitler
Mais en français j’prononce les r
Éclair, tonnerre, pomme de terre
Je lis dans mon lit, je suis littéraire
Je lis Carrère, j’écoute Makala
J’mange du camembert
J’fume du cannabis
C’est mon somnifère
Bla bla bla, et cetera, patati patata
J’viens du Canada
J’aime les castors
Mais à la frontière
Je suis franchouillard
Check mon passeport
Chansonnier-parolier
Mais j’suis pas Benjamin Biolay
Je rap en triolet
Votre langue est intimidante, ok ?
C’est en français que Chilly chante, ok ?
Ca m’a pris longtemps
Beaucoup de romans, beaucoup de films d’Yves Montand
Avec mon petit accent si charmant
Je comprends que je manque de maîtrise
Mais heureusement j’assume mes bêtises
Votre passé simple n’est pas si simple
Le mien est compliqué comme un labyrinthe (Yes !)
Beaucoup trop jeune pour Verlaine ou Prévert
Je préfère lire Despentes (Yes !)
Beaucoup trop vieux pour parler en verlan
Je n’ai pas dix-sept ans
Mais je vous french kiss comme un vrai cé-fran
François Mitterrand
Je vous french kiss
Avec ma langue française
Je vous french kiss
En dansant la javanaise
Bien dans mes charentaises
En robe de chambre comme Robespierre
J’suis trop fier
De parler la langue de Voltaire, Flaubert, Baudelaire et Bangalter
Je vous french kiss
Éclair au chocolat
Je vous french kiss
Pomme de terre en robe de chambre
En robe de chambre comme Robespierre
Je vous french kiss
L’Hexagone, l’ex à Gonzales, Chilly Gonz à l’Hexagone

 

Traduction (quasi) simultanée

Tomson Highway, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, 1989, couverture

Quand elle était petite — ça ne date pas d’hier —, l’Oreille tendue a souvent entendu l’expression «shit la marde». C’était un bel exemple de traduction (quasi) simultanée : le passage de «shit» à «marde» était presque instantané (et inutile, non ?).

Cela lui est revenu à la lecture de Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, une pièce de théâtre, en anglais, en cree et en ojibway, de Tomson Highway (1989). On y trouve en effet «shit la marde» décliné de plusieurs façons : sans point d’exclamation (p. 29), ou avec (p. 81, p. 103), sans «holy» (p. 34), ou avec (p. 29, p. 81, p. 103), parfois ramené à «shit la ma…» (p. 122). On déplorera cependant un «shit la merde» (p. 95) du plus mauvais goût.

Voilà l’Oreille retombée en enfance.

 

Référence

Highway, Tomson, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, Saskatoon, Fifth House, 1989, 134 p.

9 œuvres pour le numéro 9

Murale de Maurice Richard, rue Fleury, Montréal, 27 novembre 2024

Il peut arriver — à l’occasion — que l’Oreille tendue s’intéresse à Maurice Richard, le plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. Pour commémorer le 25e anniversaire de la mort du Rocket, elle vous propose ci-dessous neuf œuvres le concernant et particulièrement dignes d’intérêt.

Roman

Deux romans des années 1950 font une place particulière à l’émeute du 17 mars 1955 au Forum de Montréal, à la suite de la suspension de Richard par le président de la Ligue nationale de hockey, Clarence Campbell. En 1956, Eugène Cloutier, dans les Inutiles, dit du joueur des Canadiens qu’il est un «mythe» (p. 196). Trois ans plus tard, Pierre Gélinas (les Vivants, les morts et les autres) décrit l’émeute comme s’il s’agissait d’une guerre. Une place dans la mythologie québécoise est déjà faite à Richard, alors qu’il n’a pas encore prise sa retraite.

Théâtre

En 1976, dans sa pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain imagine le dialogue entre Louis Cyr (mort en 1912) et Maurice Richard (né en 1921). Cyr a parfaitement compris ce que Richard va représenter : «T’es Mau-ri-ce Ri-chard !… Ç’avait jamais été… pis ça sra jamais !… Çé !… Pis çé là astheure pour tout ltemps !» (p. 136)

Journalisme

Louis Chantigny était à la fois un journaliste sportif et un amateur de littérature. Le style ronflant ne lui faisait pas peur. Voyez «Une fin tragique pour le Rocket», dans Le Petit Journal, en 1959. Richard devient un personnage de la mythologie grecque et il est comparé à… Icare ! «Il est des hommes sur lesquels pèse dès leur naissance la malédiction de la grandeur…»

Poésie

«Homage to Ree-shard», le meilleur poème sur Maurice Richard, a paru, en anglais, en 1976. On y trouve, sous la plume d’Al Purdy, cet étonnant vers : «[he] made Quebec Canadian» (p. 39). Le Numéro 9 est évidemment un mythe québécois; il est aussi un héros canadien.

Chanson

Quelle chanson sur Le Rocket choisir ? La première, celle de Jeanne d’Arc Charlebois en 1951 ? La plus célèbre, celle de Pierre Létourneau, en 1970 ? Allons-y avec «Rocket Rock and Roll» de Denise Filiatrault (1957) et ces magnifiques rimes : «Monsieur l’placier, quel bonheur / J’ai retrouvé mon ticket / Il était là sur mon cœur / Je vais voir mon Rocket.»

Roman pour la jeunesse

La littérature pour la jeunesse, depuis des décennies, a voulu faire de Maurice Richard un modèle à imiter. François Gravel a plutôt choisi la voie du mystère, voire du fantastique. Son roman le Match des étoiles (1996) est un des textes les plus fins sur Richard, qui en signe la préface.

Peinture

En 1990, la Presse organise une rencontre entre le Rocket et Jean-Paul Riopelle. Le peintre met alors la touche finale à «Hommage à Maurice Richard». Des patins, une rondelle, des bâtons, une raquette, des mains : Riopelle représente l’esprit de Richard comme il ne l’avait jamais été, dans une œuvre en bleu, blanc et… rose.

Cinéma

Animation, fiction, documentaire : tous les genres cinématographiques ont été utilisés pour représenter Maurice Richard. Histoires d’hiver, réalisé par François Bouvier en 1998, rappelle combien l’image du plus célèbre joueur des Canadiens de Montréal est, au Québec, une affaire de famille : «Heye, Mononc’, raconte-moi l’histoire du Rocket.»

Des années 1940 à aujourd’hui, la culture québécoise n’a jamais fini de raconter cette histoire.

 

Références

Chantigny, Louis, «Une fin tragique pour le Rocket», le Petit Journal, du 18 octobre au 25 octobre 1959, p. 132.

Cloutier, Eugène, les Inutiles, Montréal, Cercle du livre de France, 1956, 202 p.

Gélinas, Pierre, les Vivants, les morts et les autres, Montréal, Cercle du livre de France, 1959, 314 p. Rééd. : Notre-Dame-des-Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2010, 324 p. Préface de Jacques Pelletier.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.

Purdy, Al, «Homage to Ree-shard», dans Sundance at Dusk, Toronto, McClelland and Stewart, 1976, p. 36-39.

Adieu, Air Canada

Avion d’Air Canada après un crash

Au cours des dernière semaines, l’Oreille tendue est allée découvrir l’Irlande et (brièvement) le pays de Galles, avant de redécouvrir Londres (ville qu’elle n’avait pas visitée depuis… 1984). Elle voyageait sur les ailes d’Air Canada.

Elle devait rentrer, de Londres à Montréal, le 21 mars. Ce ne fut pas possible : un incendie à Heathrow, l’aéroport de Londres dont elle devait partir, a mené à l’annulation de son vol. Dans les circonstances, cette annulation était parfaitement compréhensible.

La société aérienne a d’abord prévenu l’Oreille par courriel, deux fois, qu’il y avait un problème avec le vol de retour prévu : «votre prochain voyage à Londres (LHR) pourrait être perturbé pour la raison suivante : contraintes de l’aéroport ou du contrôle de la circulation aérienne. À l’heure actuelle, votre vol aura bien lieu comme prévu, et aucune mesure n’est requise.»

Ensuite le vol a été annulé : «votre vol depuis Londres pour Montréal le vendredi, 21 mars à 15:00 ait [sic] été annulé. […] Nous travaillons à vous réserver une place à bord d’un autre vol. Nous vous tiendrons au courant par courriel dans les 30 prochaines minutes.»

C’est par la suite que les choses se sont gâtées, quatre fois plutôt qu’une.

Un vol de remplacement ? Que nenni : «Nous n’avons pas été en mesure de trouver un vol pour votre itinéraire, mais vous pouvez toujours explorer les possibilités suivantes : veuillez appeler les Réservations d’Air Canada au 1 888 247-2262 (pour les appels internationaux ou les autres numéros, rendez-vous à aircanada.com/autresnumeros).»

Il s’agissait donc de contacter Air Canada en Grande-Bretagne. Deux façons de procéder étaient possibles. On pouvait laisser un numéro de téléphone et être rappelé; le numéro fut laissé; personne n’a rappelé. On pouvait aussi téléphoner et attendre une réponse : après deux heures d’attente sans avoir parlé à un humain, il fut jugé plus sage de raccrocher.

Vingt-quatre heures plus tard (!), Air Canada proposait finalement un vol de remplacement : Londres-Vienne le 22 mars, Vienne-Montréal le 23 mars. L’Oreille, pendant ces vingt-quatre heures, avait eu le temps de trouver une autre façon de rentrer à la maison (à ses frais). Le Londres-Vienne-Montréal fut donc refusé et remboursé, façon de parler : Air Canada n’a remboursé que 25 % du prix total du billet.

De retour à Montréal, l’Oreille, dans sa grande naïveté, s’attendait à une indemnité. Elle se trompait. Air Canada, considérant qu’elle n’avait pas de responsabilité dans le retard du vol du 21 mars, refusait de verser quelque somme que ce soit. Vous avez dû payer une chambre d’hôtel à Londres et des repas ? Vous auriez dû payer une chambre d’hôtel à Vienne et des repas ? Ce n’est pas notre problème. Cela a le mérite de la clarté.

L’Oreille tendue se le tiendra pour dit : elle fera affaire ailleurs à l’avenir.