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« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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Hasard ou nécessité, il est souvent question en ces lieux d’imbibition alcoolisée (voir ici ou là).
Parlons donc robine.
Définition du dictionnaire numérique Usito : «Alcool de mauvaise qualité; liquide alcoolisé qu’on ne peut consommer.» Étymologie : «1935. […] de l’anglais rubbing (alcohol).»
Exemple romanesque : «Les yeux cernés, l’air désabusé, il dégageait une puissante odeur de robine» (Cercles de feu, p. 178).
Exemple poétique : «il y a un incendie dans les nuages / des collines en coton / les moineaux sur les balcons / sentent la robine» (les Bikinis couleur peau, p. 51).
Exemple chanté : «Tant qu’il y aura des femmes pis tant qu’il y aura d’la robine» («À chaque jour le même soleil»).
Exemple nouvellistique : «Il sentait ses dents huileuses sous la langue et les goûts mélangés du saucisson à l’ail et de la robine» («Effacer le tableau», p. 167).
Il paraît donc que, malgré ce qu’avance Usito, la robine se consomme.
P.-S.—Oui, la robine est proche de la tonne.
P.-P.-S.—Le consommateur de robine peut devenir un robineux.
Références
Bock, Raymond, «Effacer le tableau», dans Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p., p. 149-175.
CQFD, «À chaque jour le même soleil», chanson, 2002.
Dimanche, Thierry, Cercles de feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 138, 2019, 438 p.
Martineau-Lavoie, Ellie, les Bikinis couleur peau. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2018, 86 p.
Soit le tweet suivant, de Les Perreaux :
I’ll admit the Jets! win is extra sweet tonight. Vegas was up 3-1 and was cruising when Gerard Gallant sent Ryan Reaves out to fight Adam Lowry after a clean hit. Lowry holds his own, pumps up the team and Jets win 4-3.
And Gallant is a gros jambon.— Les Perreaux (@perreaux) November 3, 2019
Les deux derniers mots de la dernière phrase paraîtront sibyllins à certains : qu’est-ce que ce «gros jambon» ?
Dans le domaine sportif, le jambon alimente souvent la discussion.
Le mot désigne le boxeur strictement appelé à faire de la figuration devant un adversaire bien plus fort : il arrive donc que des boxeurs aient «une belle fiche contre des jambons» (la Presse, 7 août 2012, cahier Sports, p. 7). Ce n’est pas parce qu’ils ont essayé de les manger.
Au hockey, ce n’est guère plus glorieux. Dans Panache. 1. Léthargie (2009), de Sylvain Hotte, le héros se réjouit à l’idée d’affronter une équipe du Saguenay composée de «quelques jambons à la défensive» (p. 99 et p. 105). On ne confondra pas le jigon et le jambon.
Dans son tweet, Perreaux critique la décision de l’entraîneur Gerard Gallant, des Golden Knights de Las Vegas, d’avoir envoyé un de ses joueurs se battre contre un adversaire des Jets de Winnipeg. C’est, en effet, digne d’un jambon, voire d’un gros jambon.
Le mot n’est pas utilisé que dans le domaine sportif.
Selon Pierre DesRuisseaux, on peut être assis sur son jambon : «Ne rien faire, ne pas réagir» (2015, p. 182). Ce jambon-là est, donc, un steak.
Léandre Bergeron reste dans le registre anatomique : les jambons pourraient être les «Grosses cuisses (d’une femme)» (1980, p. 280) — pourquoi seulement d’une femme ?
Bref, le jambon, dans le français populaire du Québec n’a pas bonne presse. Il vaut mieux ne pas être un gros jambon. Que Gerard Gallant se le tienne pour dit.
P.-S.—Exception qui confirme la règle : les plus vieux se souviendront que «Gros jambon» est une chanson interprétée par Réal Giguère dans laquelle le terme n’est pas connoté négativement.
Références
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.
DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.
Hotte, Sylvain, Panache. 1. Léthargie, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 1, 2009, 230 p.

Ken Dryden, l’ancien gardien de but des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — publie ces jours-ci une biographie de son ancien entraîneur, Scotty Bowman, Scotty. A Hockey Life Like no Other / Scotty. Une vie de hockey d’exception.
Quelle est la place de Scotty Bowman dans la culture québécoise ? Éléments de réponse ci-dessous.
Jean Lapointe et le groupe Zéphyr Artillerie lui ont consacré des chansons. Le premier, dans «Scotty Blues» (Démaquillé, 1976), le dépeint souffrant dans la défaite : «Scotty fut déçu le Canadien a perdu / Y a pas été fin en changeant d’gardien / Y laisse les meilleurs su’l’banc / Y change ses lignes trop souvent / Pis après la game y pleure / Scotty pleure-nous ton Blues». Le second, dans «Scotty Bowman» (Chicago, 2008), s’adresse aussi à lui, mais pour lui demander des conseils existentiels : «J’ai besoin d’toé pour coacher ma vie»; «Comment c’qu’on fait pour pogner des femmes ?» Quand Loco Locass chante «Le but» (Le Québec est mort, vive le Québec, 2012), on entend «Oublie pas les anglos yo / Toe, Dickie, Doug et Scotty», pour désigner Toe Blake, Dickie Moore, Dick Harvey et notre Scotty.
Les bédéistes l’apprécient et on peut suivre sa carrière avec eux. Le Scotty Bowman qui dirige, avec Sam Pollock, le Canadien junior de Hull-Ottawa et remporte la Coupe Memorial de 1958 est évoqué par Marc Beaudet et Luc Boily (Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, 2011, p. 25). En 1975, il entraîne les Canadiens et, dans un discours à Pierre Bouchard, Bob Gainey et Henri Richard, il mêle le français et l’anglais, et son gardien, Ken Dryden, lui répond en latin (On a volé la coupe Stanley, p. 13). Chez les frères Mickey et Keir Cutler (The Glory Boys, 1979), il est représenté deux fois, d’abord comme un entraîneur sans pitié avec ses joueurs, ensuite assis sur un buffle, au moment où il quitte Montréal pour les Sabres de Buffalo : «Scotty’s last stand.»
Les romanciers, à l’exception de Danielle Boulianne (2017, p. 112), paraissent s’être assez peu intéressés à Bowman. «Le meneur» par excellence d’une équipe de hockey, selon le poète Bernard Pozier, aurait ses «astuces» (1991, p. 34). Pour le dramaturge Rick Salutin, dans les Canadiens, voilà un entraîneur confronté à une rare difficulté : son club ne perd presque jamais (1977, p. 159). Comment, dès lors, parler aux joueurs ? Comment les convaincre de faire des efforts quand ils affrontent une équipe beaucoup plus faible que la leur ?
J.R. Plante, deux ans plus tôt, publie une analyse idéologique des relations de travail dans le monde du hockey. Laissé de côté par Scotty Bowman lors du premier match de la saison 1974, Henri Richard, le frère de Maurice, annonce sa retraite avant de revenir sur sa décision après une intervention de Sam Pollock, le directeur général des Canadiens. Dans l’article, qui repose sur une analyse du discours de presse, la répartition des rôles est lourdement orientée politiquement : Henri est un persécuté, comme son frère («ce vainqueur est en même temps un vaincu», p. 50), et la victime francophone innocente; Bowman est «le petit contremaître anglophone médiocre, sournois et peureux» (p. 46); Pollock est «le grand boss paternel et paternaliste» (p. 46).
On verra sous peu où Ken Dryden se situe sur tous ces plans.
[Complément du 5 novembre 2019]
L’Oreille tendue a rendu compte du plus récent livre de Ken Dryden ici.
Références
Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Bande dessinée.
Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, Brossard, Un monde différent, 2011, 49 p. Bande dessinée.
Boulianne, Danielle, Laflamme et le flambeau. Tome 9 de Bienvenue à Rocketville, L’île Bizard, Éditions du Phœnix, coll. «Œil-de-chat», 78, 2017, 211 p. Illustrations de Jocelyne Bouchard.
Cutler, Mickey et Keir, The Glory Boys, Montréal, Toundra Books, 1979, s.p. Parution initiale dans le journal The Gazette.
Dryden, Ken, Scotty. A Hockey Life Like no Other, Toronto, McClelland & Stewart, 2019, viii/383 p. Ill. Traduction : Scotty. Une vie de hockey d’exception, Montréal, Éditions de l’Homme, 2019, 439 p. Préface de Robert Charlebois.
Plante, J.R., «Crime et châtiment au Forum (Un mythe à l’œuvre et à l’épreuve)», Stratégie, 10, hiver 1975, p. 41-65.
Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991. 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.
Salutin, Rick, avec la collaboration de Ken Dryden, les Canadiens, Vancouver, Talonbooks, 1977, 186 p. Ill.
À la lecture du tweet d’@OursMathieu, l’Oreille tendue a d’abord cru à une blague. Cette chanson de campagne du Parti libéral du Canada, c’était inventé, n’est-ce pas ? Non : c’est la vérité vraie. Il s’agit de la «chanson officielle» de la campagne du parti de Justin Trudeau, l’actuel premier ministre du Canada.
?Montez le son pour écouter notre chanson officielle de la campagne par @thestrumbellas! pic.twitter.com/3xkjHoDOQS
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) September 15, 2019
Essayons d’abord de noter les paroles interprétées par le groupe The Strumbellas.
On lève une main haute
Pour demain
On lève une main haute
Aux étoiles
On peut être l’avenir aujourd’hui
Si tu restes avec moi
On lève une main haute
On en arrive
On lève une main haute
Pour [?]
On peut être l’avenir aujourd’hui
Non rien ne m’arrêtera
Ah ah
Comment dire…
Cela vient de l’anglais, «raise your hand» devenant «on lève une main haute», ce qui n’a guère de sens en français.
Le deuxième vers — qu’on pardonne cet excès lexical à l’Oreille — semble être «Pour demain», mais on pourrait tout aussi bien entendre «Pour tout main». Le problème de prononciation est encore plus grave quatre vers avant la fin. Que dit-on ?
Par le tutoiement («Si tu restes avec moi»), on veut probablement faire plus direct qu’avec le vouvoiement, voire toucher «les jeunes».
Sur le plan temporel, cela risque d’être compliqué : comment «être l’avenir aujourd’hui» ?
Certaines passages sont incompréhensibles : «On en arrive» — à quoi ? Aux «étoiles» ?
Décidément, Justin Trudeau et le français, ça ne va toujours pas.
P.-S.—Consolons-nous : ça ne dure que 34 secondes.
P.-P.-S.—Profitons de l’occasion pour évoquer de nouveau le rap de Gilles de Duceppe en 2011.