Dialoguer dans la nature

«Chez nous, on aime se tirer une vraie bûche», publicité, 2021

Tout un chacun devrait le savoir : au Québec, s’asseoir est synonyme de parler. Les exemples ne manquent pas, à commencer par ici.

Autre synonyme : se tirer une bûche. Il est vrai qu’on peut approcher un siège (se tirer une bûche, littéralement) sans nécessairement prendre langue, mais, implicitement, on s’attend à ce que, la bûche tirée, on cause.

Exemple : «J’ai l’impression qu’avec nos chaussures de course, on est un peu comme des voisins qui viennent dire bonjour et se tirent une petite bûche pour jaser après la mort d’un proche» (la Presse, 22 juillet 2013, p. A5).

On l’aura compris : la bûche est le siège naturel du Québécois de souche.

P.-S. — Le tumblr Notre Québec offre, par «Un crayon français, des mots québécois». Tire-toi une bûche y est.

 

[Complément du 22 septembre 2014]

En musique : Tire-toi une bûche, album du groupe Mes Aïeux (2006).

Autopromotion 073

Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, 2013, couverture

L’ouvrage collectif Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture vient de paraître. L’Oreille tendue y parle hockey et chanson.

Table des matières ci-dessous.

 

Diana, Jean-François (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, 357 p. Publié par les Presses universitaires de Lorraine. ISBN : 978-2-8143-0141-2; ISSN : 1633-5961.

Commandes en ligne : http://www.lcdpu.fr/revues/questionsdecommunication/

 

Diana, Jean-François, «Les écritures de sport», p. 7-16.

Privat, Jean-Marie, «La piscine… ou de l’écrit sans écriture», p. 17-24.

Féménias, Damien et Jean Maurice, «Le rugby tel qu’il se livre. 120 ans d’ouvrages de sport», p. 25-46.

Popovic, Pierre, «Poupou et Maître Jacques dans l’imaginaire social des années 60. Essai de sociocritique», p. 47-62.

Tétart, Philippe, «Les chants du sport, 1888-1928», p. 63-80.

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Valois-Nadeau, Fannie, «Quand “l’histoire se joue ici”», p. 93-108.

Borges Buarque de Hollanda, Bernardo, «Football, modernisme et musique populaire brésilienne. Remarques sur l’invention du “pays du football”», p. 109-121.

Segura M. Trejo, Fernando, «Diego Armando Maradona : vers une interprétation de la trajectoire de vie de l’icône», p. 123-135.

Villaret, Sylvain et Philippe Tétart, «La construction médiatique d’une icône sportive : Yannick Noah (1978-1991)», p. 137-153.

Bauer, Thomas, «Grandeur et désillusion du boxeur : Toboggan (1934) d’Henri Decoin», p. 155-165.

«Iconographie», p. 167-170.

Huitorel, Jean-Marc, «Un artiste et le sport. Le cas de Roderick Buchanan», p. 171-179.

Hamers, Jeremy, «Football et art contemporain : exposition fragmentée et narration mosaïque», p. 181-189.

Chazaud, Pierre, «Les enjeux esthétiques et politiques du sport du XXe siècle», p. 191-197.

Lefevre, Betty, «Spectacles sportifs et performances artistiques : regards croisés sur le récit de la construction de soi», p. 199-212.

Dietschy, Paul, «Raconter la guerre, faire renaître le sport : les dilemmes de la presse sportive pendant la Grande Guerre», p. 213-226.

Souanef, Karim, «Sport et écriture journalistique : une rencontre sous tensions», p. 227-239.

Marcellini, Anne, Éric de Léséleuc et Estelle Lebel, «Les photographies de presse des athlètes handicapés. De l’analyse d’une “image-objet” à quelques réflexions sur sa réception», p. 241-251.

Diana, Jean-François, «Les écritures de l’émotion sportive. Le cas de la photographie de presse», p. 253-264.

Sizorn, Magali, «Les cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques : images sur paroles», p. 265-277.

Lenoir, Christophe, «Construction énonciative et qualification culturelle des spectacles sportifs. La fonction du commentaire», p. 279-293.

Bonnet, Valérie, «Tennis et écrans multiples : logique et esthétique de la fragmentation», p. 295-310.

Laborde, Barbara, «France/RFA 1982, France/Italie 2006 : lectures pragmatiques de fictions votives», p. 311-320.

Wille, Fabien, «Une modélisation de l’identité générique du spectacle sportif médiatisé», p. 321-334.

Montañola, Sandy, «Fictions et directs sportifs : le téléspectateur et les représentations de la boxe anglaise», p. 335-348.

Bref lexique québécois de l’imbibition

Tout le monde le dit : quand il fait chaud, il faut beaucoup boire.

Il peut toutefois arriver que l’on boive trop. Au Québec, cela se dit de plusieurs façons, au-delà des expressions du français hexagonal (bourré, paf, pompette, soûl, etc.).

Le buveur qui a cédé à l’excès peut y être en boisson (l’expression paraît ancienne), rond comme une bine (cette bine n’est pas la bine), paqueté (pas comme un club), parti, chaud. Il prend une brosse.

Un degré de moins et il est chaudasse ou gorlot (autre orthographe possible : gueurlot). Gorlot, il aura la gueule de bois.

Un degré de plus et celui qui prend un coup aura arrêté de lire ce texte avant d’être arrivé à la fin.

 

[Complément du 19 août 2013]

Un article du Devoir sur le dictionnaire en ligne Usito (10-11 août 2013, p. B2) rappelle l’existence de l’expression se paqueter la fraise. Dont acte.

 

[Complément du 11 septembre 2019]

À côté de chaudasse, on trouve chaudaille, notamment dans Querelle de Roberval (2018), de Kevin Lambert (p. 70, p. 108).

 

[Complément du 11 août 2020]

Dialogue entre une Française et un Québécois, dans la Trajectoire des confettis, de Marie-Ève Thuot (2019) :

«—Louis, tu m’écoutes ? Tu t’es pris une sacrée murge, dis donc.
— Une quoi ?
— Tu t’es bourré la gueule.
— Ah… Ici on dirait se soûler la face. Ou se paqueter la fraise. Ou virer une brosse. Ou…
— Comme tu veux. Pour moi, tu t’es bourré la gueule» (p. 77).

 

[Complément du 11 janvier 2021]

À côté de pompette, chaudaille et garleau, ajout du jour : «Ti-guedaille : Expression saguenéenne et jeannoise. Se dit d’une personne chaude qui a le vin gai» (J’ai bu, p. 98).

 

[Complément du 28 janvier 2021]

Dans quelques jours commencera le Défi 28 jours sans alcool. Il ne faudra pas confondre brosse et brosse.

Publicité pour le Défi 28 jours sans alcool

 

[Complément du 30 juillet 2022]

Il est une expression que l’Oreille tendue ignorait jusqu’à la lecture de Là où je me terre, de Caroline Dawson : «Derrière nous, les yeux écarquillés par la scène qui se jouait devant lui, il y avait un monsieur, encore un peu cocktail de son verre de vino dans l’avion, qui revenait paisiblement d’un voyage d’affaires» (p. 24). Être cocktail : c’est noté.

 

[Complément du 23 août 2022]

Trois ajouts, venus du roman la Bête creuse de Christophe Bernard (2017) : à l’opposé de celui qui «tient la boisson» (p. 209), il y a celui qui est «garlot» (p. 96) ou «chaudette» (p. 473).

 

[Complément du 26 février 2023]

Chaud comment ? Réponse de Kevin Lambert dans Que notre joie demeure (2023) : «chaud comme un poêle» (p. 82).

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Dawson, Caroline, Là où je me terre. Roman, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2022, 201 p. Édition originale : 2020.

Lambert, Kevin, Querelle de Roberval. Fiction syndicale, Montréal, Héliotrope, 2018, 277 p.

Lambert, Kevin, Que notre joie demeure, Montréal, Héliotrope, 2022, 381 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Thuot, Marie-Ève, la Trajectoire des confettis. Roman, Montréal, Les Herbes rouges, 2019, 615 p.

Des usages différenciés de la broue

La broue peut se boire; c’est alors de la bière (la broue est, au sens premier, sa mousse).

Elle peut aussi envahir le sommet du crâne : il arrive, en effet, qu’on ait de la broue dans le toupet. Cela indique que quelqu’un en a plein les bras, qu’il est dépassé par les événements ou les sentiments.

Les coiffeuses ont de la broue dans le toupet… (la Voix de l’Est, 23 décembre 2000, p. 2).

De quoi avoir un peu de trémolo dans l’ï tréma. Pour ne pas dire de la broue dans le toupet (le Devoir, 3 juillet 2001).

Qui pète de la broue est vantard. Ce péteux de broue annonce plus qu’il ne fait.

Dans la chanson «Pissou» (1992) de Jean-Pierre Ferland, on trouve deux des sens du mot broue (et on constate que rouspète et toupet riment).

Maudit qu’on critique, maudit qu’on rouspète
La buée dans ‘es barniques, la broue dans l’toupet
Mais par en arrière on prend son trou
Des bottines en fer, des blue jeans à clous
Mais par en arrière, par en d’ssous
On est pissou
On est fiers de nous, on pète de la broue

Un spa canin montréalais s’appelle De la broue aux pattes. Ce nom laisse perplexe, linguistiquement mais pas seulement, l’Oreille tendue. (Merci à @PimpetteDunoyer.)

Il faut que ça tienne

Publicité de la Société de transport de Montréal, Twitter, 14 mars 2017

On a vu l’expression l’autre jour dans une publicité de Maison Corbeil : Attache ta tuque avec de la broche y était rendue, en français de référence, par Sois prêt à affronter des difficultés.

Reprenant son Dictionnaire québécois instantané (2004), l’Oreille tendue proposerait des définitions légèrement différentes.

1. Attacher sa tuque. Se préparer au meilleur. Attache ta tuque (album des Cowboys fringants). «Attache ta tuque avec Coke» (publicité).

Existe en version urbaine : «Les Cowboys fringants. Attache ton quadrilatère !» (le Devoir, 29 juillet 2003).

Et en version country : «Le show Cowboys fringants. Attachez vos chapeaux western !» (la Presse, 28 juillet 2003).

2. Attacher sa tuque avec de la broche. Se préparer au pire ou, du moins, à quelque chose qui va décoiffer.

«Gilles Proulx fait ses débuts à l’animation d’un téléjournal. Attachez vos tuques avec de la broche !» (la Presse, 21 août 2000).

Remarque 1

On peut attacher sa tuque avec nombre de matériaux.

«Attachez vos tuques avec de la fibre [optique] !» (la Presse, 16 février 2001).

Remarque 2

La tuque n’a pas à être attachée. Elle peut être accrochée, comme chez Akroche tatuk.

Remarque 3

La tuque peut être remplacée par un autre couvre-chef.

«Le dernier-né des délires de la droite canadienne. Attachez votre turban avec de la broche, après Adolf Bouchard, voici Oussama ben Boisclair» (le Devoir, 15 août 2007, p. A7).

Remarque 4

Un groupe québécois de rap — à moins que ce ne soit du hip-hop — s’est appelé Atach Tatuq.

 

[Complément du 4 février 2018]

Variation sur le même thème dans l’excellente série télévisée Fatale-Station : «Attache ta tuque avec du tape électrique» (Ina Beausoleil, neuvième épisode, 21e minute).

 

[Complément du 14 janvier 2020]

Si l’on en croit les Bibliothèques de Montréal, on aurait aussi intérêt, à l’occasion, à accrocher son «clavier avec d’la broche».

 

[Complément du 7 février 2020]

La Société de transport de Montréal — à qui l’on doit l’illustration qui coiffe ce billet — propose la traduction qui suivante.

«Attachons notre tuque», Société de transport de Montréal, janvier 2020

«Hold on to your tuques», Société de transport de Montréal, janvier 2020

 

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture