L’oreille tendue de… Sébastien Bailly

Sébastien Bailly, Autoroute, 2025, couverture

«Tu as poussé la porte métallique verte, tu as parcouru un couloir étroit, sans ouverture, béton brut. Un léger frisson te remonte l’échine — tu as lu ça, déjà, dans un roman d’aventures, et ça te semble une réaction normale. S’il y avait du monde à l’intérieur ? Tu tends l’oreille. Tout est silencieux. Tout semble désert. Ton cœur devrait ralentir. Tu n’as pas de mauvais pressentiment. Une deuxième porte et te voilà dans l’allée principale du centre commercial, au milieu des boutiques autrefois ouvertes, des mannequins nus dans la vitrine devant toi.»

Sébastien Bailly, Autoroute, Paris, Le Tripode, 2025, 175 p., p. 123.

Deux Ferron pour le prix d’un

Jacques Ferron, Contes, éd. de 1993, couverture

Une oreille tendue et un zeugme.

«On le vit donc reparaître, le vieil Ulysse, dans le quartier des Sirènes, attaché à son mât de misaine dont le cacatois, gonflé par les vents accumulés durant quinze ans à Ithaque Corner, lui montait dans la tête, naviguant au milieu de la chaussée mal famée, l’oreille tendue vers les persiennes muettes d’où s’échappait naguère la mélopée française et érotique.»

Jacques Ferron, «Les Sirènes», dans Contes, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993, 298 p., p. 149. Édition intégrale. Présentation de Victor-Lévy Beaulieu.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Philippe Manevy

Philippe Manevy, La colline qui travaille, 2024, couverture

«L’un des cabots tend l’oreille, hume l’air. Elle est repérée. Les trois bêtes interrompent leur querelle, se tournent vers elle, la regardent fixement. Elle remarque alors l’absence de collier à leur cou, leur pelage abîmé, leurs cicatrices, leur extrême maigreur et quelque chose comme une tristesse au fond de leurs gros yeux noirs. À peine leurs regards se sont-ils croisés que les trois chiens s’enfuient, disparaissent entre deux bâtiments.»

Philippe Manevy, La colline qui travaille, Montréal, Leméac, 2024, 288 p. Édition numérique.

L’oreille tendue de… Simon Brousseau

Simon Brousseau, Foule monstre, 2025, couverture

«Petite marmotte, il creuse avec ses pattes de devant en rejetant la neige entre ses jambes, dans la hâte de se retrouver seul, enfin, tout au tond de son terrier. Quand il s’y cache, il s’amuse à souffler son haleine contre la paroi du mur jusqu’à ce qu’elle durcisse et brille. Il tend l’oreille au son étouffé des voitures, à la voix des passants, aux sirènes au loin.»

Simon Brousseau, Foule monstre, Montréal, Héliotrope, 2025, 225 p., p. 123.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 25 septembre 2025.