Le niveau baisse ! (1951)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«les maux dont souffre l’Université actuelle, et qui ne sauraient se prolonger sans péril, se répartissent sous deux ordres.

Le premier mal, qui éclate à tous les yeux, qui s’accuse chaque jour comme une sorte de scandale et que les maîtres sentent peser sur eux comme une espèce de condamnation, c’est la baisse du niveau et de la qualité des études. Baisse relative, pour sûr — et l’on sait bien que la comparaison serait écrasante entre le bachelier d’aujourd’hui et celui du siecle dernier. Mais baisse absolue, en quelque sorte, et qui n’a pas besoin de comparaison chronologique pour apparaître, tellement l’état intellectuel de l’élève courant se situe au-dessous du plus pauvre minimum. L’école primaire présente au lycée, en priant qu’on ne regarde pas trop à l’orthographe, des enfants qui vont faire du latin ou des langues sans savoir distinguer un attribut d’un complément. Les grands élèves du secondaire cultivent le contresens, et pas seulement dans la version latine : les textes français eux-mêmes leur deviennent incompréhensibles.»

Source : la Croix, 15 février 1951, cité par @TractLinguistes

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

L’oreille tendue de… Simenon

Georges Simenon, Malempin, 1940, couverture

«On a beaucoup parlé d’argent. Peut-être cela arrivait-il aussi souvent jadis ? C’est probable, étant donné la situation difficile de mes parents qui avaient entrepris au-dessus de leurs moyens. Mais maintenant je tendais l’oreille. Le mot argent avait un sens nouveau et je tressaillais à chaque fois.»

Georges Simenon, Malempin. Roman, dans Pedigree et autres romans, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 553, 2009, p. 223-328 et 1526-1539, p. 297. Édition originale : 1940. Édition établie par Jacques Dubois et Benoît Denis.

L’oreille tendue de… Kev Lambert

Kev Lambert, les Sentiers de neige, 2024, couverture

«Avec les néons du plafond allumés, l’eau de l’aquarium paraît encore plus verte. La douillette d’Olivier git éventrée sur le sofa. Personne en vue. On s’approche prudemment des chambres du fond et on tend l’oreille. Geneviève et Oli sont en haut, dans le salon, on les a vus avant de descendre. Damien doit être aux toilettes, ça lui prend toujours une heure avant de sortir. La chambre rose de Geneviève est vide.»

Kev Lambert, les Sentiers de neige. Conte d’hiver, Montréal, Héliotrope, 2024, 412 p., p. 217.

L’oreille tendue de… Chloë Rolland

Chloë Rolland, C’est ton carnage, Simone, 2024, couverture

«Ensuite, le bruit de la douche. Lola est restée au lit, l’oreille tendue. Un grattement à la porte de la cuisine. Elle s’est levée et s’est habillée, a abandonné l’idée de se laver. Elle a ouvert la porte à un chat gris au poil long qui a miaulé plaintivement en gambadant vers son plat de croquettes. Un air glacial est entré en rafale, un froid grinçant. Étonnant que le chat ait passé la nuit dehors. Étonnant que novembre tire déjà à sa fin. Étonnant qu’il ne reste que deux mois à l’hôtel. Étonnant qu’elle se réveille dans un triplex de Rosemont avec la mère de deux enfants. Étonnant. Le mot du jour.»

Chloë Rolland, C’est ton carnage, Simone. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 181 p., p. 102.