Ricardo, Elle France et la Presse

Il y a quelques jours, le magazine Elle France a publié un reportage sur un célèbre cuisinier québécois. Ce ramassis de clichés a beaucoup occupé l’espace médiatique (l’Oreille tendue a même donné une entrevue sur le sujet). Parmi ces clichés, il y avait celui-ci : Ricardo serait un «gentleman trappeur».

Faisant du ménage dans son blogue, l’Oreille tombe sur ceci, en date du 19 avril 2012, sous le titre «Ricardo au Dollarama» :

À compter du 26 avril, Ricardo, l’homme privé de patronyme, animera, à la télévision de Radio-Canada, une nouvelle émission, le Fermier urbain. Le voilà donc «gentleman-farmer urbain» (la Presse, 18 avril 2012, cahier Arts, p. 3).

À chacun ses clichés.

Extension du domaine du moratoire

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, édition de 1998, couverture

L’Oreille tendue a souvent eu l’occasion de proposer des moratoires sur l’utilisation de certaines formules toutes faites dans les titres (de presse, de colloque, de texte scientifique, d’entrée de blogue, etc.).

Elle en a assez de «Tradition et modernité», de «Mythes et réalité», des «Liaisons dangereuses», des «Ovnis» et des «Tsunamis», des «Le jeu du X et du hasard» — et, bien sûr, des chiasmes en série.

Elle propose d’ajouter à cette liste (non exhaustive) les variations sur «Extension du domaine de Y» (merci Michel Houellebecq).

Des exemples ?

«Extension du domaine des lettres – Congrès international 2017 de la Société d’étude de la littérature et de langue française du XXe et du XXIe siècles.»

«Le journalisme de données, une extension du domaine de la fuite», le Devoir, 9-10 avril 2016, p. B2.

«Extension du domaine du corps», le Devoir, 21-22 novembre 2015, p. E5.

«[Extension du domaine du jeu] Tremblez, le Parti communiste chinois a compris les jeux vidéo» (@Rue89).

«Nicolas Sarkozy annonce sa candidature à la présidentielle dans un livre. Extension de la politique au domaine du littéraire et inversement» (@passouline).

«Trottoir montréalais • Extension du domaine de la vente de garage (http://bit.ly/17F8EFg) • http://twitpic.com/ckzdg4» (@benoitmelancon).

«Extension du domaine du baveux

«Extension du domaine du soutif

«De l’extension du domaine de la broche à foin

«Extension du domaine de la bibliothéconomie

Merci à l’avance.

 

[Complément du 24 juin 2019]

Extension de l’extension.

«Aux États-Unis, extension du domaine de la surveillance des élèves»

«Agencer des “seconds volumes” possibles pour Bouvard et Pécuchet de Flaubert : la nécessaire “extension du domaine de la lutte” numérique»

«Extension du domaine de la médiation et des heures d’ouverture dans les bibliothèques danoises»

Epron, Benoît et Marcello Vitali-Rosati, l’Édition à l’ère numérique, Paris, La Découverte, coll. «La Découverte», 706, 2018, 127 p.

«L’extension du domaine de l’édition» (p. 67).

Binet, Laurent, la Septième Fonction du langage. Roman, Paris, Librairie générale française, coll. «Le Livre de poche», 34256, 2016, 477 p. Édition originale : 2015.

«Vu comme ça, la sémiologie, loin d’être une extension du domaine de la linguistique, semble se réduire à l’étude de protolangages grossiers, bien moins complexes et donc bien plus limités que n’importe quelle langue» (p. 15).

Frantz, Pierre et Sophie Marchand (édit.), le Théâtre français du XVIIIe siècle : histoire, textes choisis, mises en scène, Paris, Éditions L’avant-scène théâtre, coll. «Anthologie de L’avant-scène théâtre», 2009, 598 p. Ill. Avant-propos de Pascal Charvet. Préface de Philippe Tesson, Anne-Claire Boumendil et Olivier Celik.

«Extension du domaine de la littérature» (p. 154)

«extension du domaine de la philosophie» (p. 290)

 

[Complément du 16 novembre 2021]

Extension au carré.

«Les chansons de la Seconde République. Extension du domaine de la stylistique» (Fabula).

«Extension du domaine du catch» (le Devoir, le D magazine, 28-29 août 2021, p. 19).

«Extension du domaine de la caricature» (le Devoir, 14-15 novembre 2009, p. F8).

«Extension du domaine de la lettre» (Fabula).

«Extension du domaine de l’écologie» (LivresHebdo).

«Extension du domaine du grilled cheese» (mea culpa).

Ne dites pas. Disez

Ceci n’est pas un menu, la Presse+, 25 juin 2016

 

Pour l’Acéricultrice

Un menu ? Non : une proposition (la Presse+, 25 juin 2016).

Une pièce de théâtre ? Non : une proposition (le Devoir, 21-22 mai 2016, p. C7; le Devoir, 28 juillet 2016, p. B7).

Un spectacle de jazz ? Non : une proposition (le Devoir, 2-3 juillet 2016).

Une chorégraphie ? Non : une proposition (la Presse+, 26 juillet 2016).

Un film de fiction ? Non : une proposition (le Devoir, 2 septembre 2015; le Devoir, 23-24 juillet 2016, p. E4).

Un film documentaire ? Non : une proposition (le Devoir, 24 juillet 2016, p. E5).

Une œuvre d’art ? Non : une proposition (@Lesmatinsfcult; le Devoir, 17 juillet 2012).

Un spectacle de musique baroque ? Non : une proposition (le Devoir, 27 juin 2016).

Une entrée de blogue ? Non : une proposition.

L’insuffisance du moderne

Certains ont l’œil; ce n’est pas le cas de l’Oreille tendue. Cela étant, celle-ci ne désespère pas, un jour, peut-être, de comprendre quelque chose à la peinture. Elle va donc à l’occasion au musée, histoire de ne pas rester complètement sourde picturalement.

Hier, elle était au Musée des beaux-arts de Montréal pour l’exposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver Hall. Elle y a (re)vu les scènes urbaines d’Adrien Hébert, un autoportrait de Lilias Torrance Newton (1931), un étonnant nu de Prudence Heward, Jeune femme sous un arbre (1931).

Lui est aussi revenue une des grandes vérités adverbiales : moderne, c’est plouc; résolument moderne, c’est mieux.

Exemples (il y en avait peut-être d’autres).

Exposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver HallExposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver HallExposition la Couleur du jazz. Une modernité des années 1920. Montréal, le Groupe de Beaver Hall

Un adverbe vous manquerait et tout serait dépeuplé.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille est résolument attirée par cet adverbe. Voir ici.

 

[Complément du 27 janvier 2016]

Le sport aussi peut être «résolument moderne», dixit la Presse+ du jour.

Résolument moderne, dit la Presse+ du 27 janvier 2016

 

[Complément du 4 mars 2018]

Une cuisine ? Une cuisine, dixit la Presse+ d’hier.

Une cuisine «résolument moderne», la Presse+, 3 mars 2018

 

[Complément du 1er septembre 2019]

Musée du jour : Pointe-à-Callières et son exposition «À table ! Le repas français se raconte». Surprise ! On était déjà «résolument moderne» au XVIIIe siècle !

Exposition «À table !», Montréal, 2019

 

[Complément du 22 juin 2020]

Le mal n’est pas tout récent si on se fie à un polar de 1968, Chauffé à blanc : «Le blanc et le bordeaux dominaient dans la pièce au mobilier résolument moderne» (p. 58).

 

[Complément du 18 septembre 2022]

Plus fort que le «résolument moderne» ? La Presse+ d’hier proposait «résolument très moderne».

«résolument très moderne», la Presse+, 17 septembre 2022

 

Référence

Coe, Tucker, Chauffé à blanc, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1176, 1968, 250 p. Traduction de M. Elfvik.