Sus aux nuisibles

En voyage en France il y a cinq ans, l’Oreille tendue a découvert l’existence de la «Lutte raisonnée contre les nuisibles».

C’est à cette lutte qu’elle a pensé en prenant connaissance, sur le site de l’hebdomadaire Marianne, de l’article «“Bon courage !” et autres tics de langage dans l’air du temps» (30 décembre 2015). Daniel Bernard, Élodie Émery et Anne Rosencher y partent à la chasse — entreprise inutile mais roborative — aux «formules et expressions en vogue».

Bilan.

Il faudrait user avec parcimonie de la formule de salutation «Bon courage», de «Je reviens vers vous», de la litote «C’est pas faux», de «Entre mille guillemets» (parfois confondu avec «Entre parenthèses»), de l’adverbe «Carrément», de «Vite fait», de «Belle journée» (voir «Bon courage») et «du pronom possessif dans les conversations («Je le connais, mon Paul»). Dans la liste de Marianne se trouvent quelques rengaines repérées par l’Oreille et ses lecteurs il y a jadis naguère : «En mode», «(J’)Avoue» (fréquent chez «les jeunes»), «Être sur» (ici et ), «Pas de souci».

L’an prochain, on recommencera.

P.-S. — Merci à @revi_redac pour le lien.

Une nouvelle flopée

Publicité de Nespresso, 2015, détail

Irrégulièrement (2009, 2010, 2011, 2013, 2014), l’Oreille tendue fait le ménage de sa corbeille pleine de à saveur, cette manie québécoise. Le moment est de nouveau venu.

Vous êtes dans les affaires ? «À saveur entrepreneuriale» (la Presse, 15 avril 2015, cahier Affaires, p. 13).

Vous faites de la science ? «Plus d’une centaine d’activités à saveur scientifique» (le Devoir, 12 juin 2015, p. B1).

Vous êtes sportif ? «Omnium canadien @RBC : Un week-end à saveur olympique» (@OlympiqueCanada); «UEFA. Une finale de soccer à saveur québécoise» (la Presse, 15 mai 2014, cahier Affaires, p. 2).

Vous voterez bientôt ? «Une publicité à saveur électorale» (le Devoir, 18 juin 2012, p. A10); «C’est un discours à la Nation à saveur électoraliste qu’a prononcé mardi Barack Obama» (le Devoir, 28-29 janvier 2011, p. B1).

Vous voterez très bientôt ? «une publicité à saveur franchement électorale» (le Devoir, 21 août 2012, p. A4).

Vous voterez plus tard ? «Une rentrée à saveur préélectorale pour Stephen Harper» (le Devoir, 15 septembre 2014).

Vous aimez voyager ? «Une cuvée à saveur européenne» (la Presse, 10 mai 2012, cahier Arts, p. 10); «Un printemps à saveur celtique — Les célébrations de la Saint-Patrick — Instantanés BAnQ» (@Andre_Gareau); «un conte de style jeu de rôle à saveur japonaise» (la Presse, 25 avril 2014, cahier Arts, p. 6).

L’écologie vous intéresse ? «Un Q7 à saveur diesel» (la Presse, 23 mars 2008, cahier Auto, p. 16); «Du #StreetArt à saveur environnementale. #Joli» (@FabienDeglise); «Il y a aussi le “marché à saveur de développement durable” http://ddsadcestrie.blogspot.ca/2013/03/marche-lavallee-un-marche-saveur-de.html» (@LucGauvreau).

Tant de saveurs, pas de goût.

Tout proche

En 2013, le quotidien montréalais le Devoir s’interrogeait sur les menaces qui nous entourent : «Vers un terrorisme de proximité ?» (le Devoir, 25-26 mai, p. B1)

Ce matin, Pierre Assouline atterrit dans le fil Twitter de l’Oreille tendue avec de l’aide pour penser cette question : «Pourquoi les livres de Michel Onfray, philosophe de proximité, se vendent si bien. Enquête sur un phénomène. http://bit.ly/1S0xs3t

Ça change du commerce de proximité et du marché de proximité, mais ça rapproche (peut-être) des centres de justice de proximité, des juges de proximité et de la démocratie de proximité.

Il faudra suivre cela sur les médias de proximité. Au besoin, on consultera un leader de proximité.

Observez autour de vous : la proximité est là.

 

[Complément du 22 juin 2015]

Dans le Devoir des 20-21 juin (p. D5), Philippe Mollé propose de distinguer le «dépanneur de proximité» du dépanneur affilié à une chaîne; cela serait propre aux villages (l’article porte sur eux). Pareille distinction serait inopérante en ville, où les «dépanneurs de proximité» ne sont pas tous la propriété de petits exploitants, bien au contraire.

L’Oreille, en faisant du ménage, retrouve un texte qu’elle avait consacré à de proximitéle 5 juin 2013.

 

[Complément du 17 juin 2016]

Politique provinciale : «La coalition avenir Québec a choisi un candidat de proximité pour tenter de reprendre le siège de Saint-Jérôme, laissé vacant par la démission de Pierre Karl Péladeau» (le Devoir, 17 juin 2016, p. A2).

 

[Complément du 21 juin 2016]

Selon Armelle Héliot, une des critiques dramatiques de l’émission de radio le Masque et la plume (livraison du 19 juin 2016), il existerait une «magie de proximité». C’est noté.

 

[Complément du 1er août 2016]

Vous avez des problèmes d’argent et du mal à vous déplacer ? Pensez «financement de proximité» (le Devoir, 27 juillet 2016, p. A3).

 

[Complément du 7 avril 2017]

Dès 2007, Caroline Ollivier-Yaniv proposait une lecture politique de l’expression «de proximité», dont la popularité serait à porter au compte de l’ancien premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin :

Simultanément, l’évocation récurrente de la proximité affaiblit le débat politique. Elle contribue en effet à escamoter la portée idéologique et politique des décisions qu’elle qualifie pour mettre en valeur leur pragmatisme. Peut-on imaginer un responsable politique français en exercice qui se réclamerait aujourd’hui de la distance, condition pourtant nécessaire à l’émergence de l’intérêt général selon les théories classiques de l’État ? Tout se passe comme si l’invocation de la métaphore spatiale de la proximité permettait de conjurer les apories de la représentation politique, par définition fondée sur une coupure et sur la séparation des gouvernés et des gouvernants (p. 362).

 

[Complément du 10 octobre 2017]

«Gouvernements de proximité, dites-vous ?» (le Devoir, 7-8 octobre 2017, p. B5) Bonne question.

 

[Complément du 21 novembre 2021]

Vous êtes philanthrope ? Pensez, bien sûr, au «don de proximité» (le Devoir, 13-14 novembre 2021, p. C6).

 

Référence

Ollivier-Yaniv, Caroline, «Proximité», dans Pascal Durand (édit.), les Nouveaux Mots du pouvoir. Abécédaire critique, Bruxelles, Aden, 2007, 461 p., p. 361-363.

La chasse est ouverte

Les journalistes, les chroniqueurs, les publicitaires (etc.) aiment les lieux communs, les formules toutes faites, les mots du jour.

Certains de leurs lecteurs s’amusent à en faire des florilèges. Il y a les collectionneurs…

…d’urbains (Vivez la ville urbaine).

…d’ovnis (Des ovnis et des journalistes).

…de tsunamis (Des tsunamis et des journalistes).

…de passions (Passionnées de passion).

Vous pensez à autre chose ? L’Oreille est preneuse.

P.-S. — Merci à @revi_redac pour la découverte de Passionnées de passion.