Raconter le Printemps érable

Patrick Nicol, Terre de cons, 2012, couverture

[Premier texte d’une série sur les livres du Printemps érable. Pour une liste de ces textes, voyez ici.]

«Bientôt, nous ne servirons plus à rien.»
Patrick Nicol, Terre des cons

Les grèves étudiantes dans le Québec de 2012 se sont d’abord dites sur la place publique : dans les discours des uns et des autres, dans les médias, sur les pancartes. L’art et la réflexion approfondie ne pouvaient s’en emparer que progressivement.

La Chorale du peuple lancera son cd Quelques notes du printemps érable le 6 décembre. Jacques Nadeau, le photoreporter du Devoir, a fait paraître Carré rouge à la fin de l’été. Chez Héliotrope, c’était un collectif, Printemps spécial. Aujourd’hui même, ce sera Année rouge, de Nicolas Langelier. (La liste n’est pas exhaustive.)

Selon sa quatrième de couverture, Terre des cons, de Patrick Nicol, serait «le premier roman québécois inspiré de la grève étudiante de 2012». La question n’est pas là : elle est dans ce que le genre romanesque peut dire que les discours publics n’avaient pas réussi à dire.

L’intrigue ? En juin 2013, le narrateur revient sur ce que les grèves de 2012 ont représenté pour lui. Quadragénaire, professeur de littérature au cégep, sorti d’un milieu modeste, se définissant comme un «vieux con sédentaire» (p. 22) et se sentant devenir «réac» (p. 20, p. 90), il s’adresse, dans son imagination, à son ami Philippe, pour lequel il dresse le bilan (guère positif) de sa vie : «je ne pouvais que nous haïr» (p. 60). Que leur reste-t-il de leurs idéaux devant l’affirmation de ceux de leurs élèves ?

Terre des cons est un roman à clefs (toutes les majuscules sont certifiées d’origine). «Le Chroniqueur» est Richard Martineau, lui qui écrit pour «le Journal». «Le Magnat des Médias» est tantôt Pierre Karl Péladeau, tantôt Paul Desmarais. Jean Charest apparaît sous son nom et sous celui de «l’Ex-Premier Ministre». Des personnages ont une identité plus floue, «le Chroniqueur (2)» et «le Ministre». Devant eux, il y a «les Leaders Étudiants». Les uns et les autres sont séparés par «la Loi», en l’occurrence la loi 78. Ils pourraient néanmoins se rencontrer sur le plateau de «l’Émission»; on reconnaîtra Tout le monde en parle. (L’Oreille tendue se serait volontiers passée des allusions à la mafia nécessairement italienne, mais ça n’engage qu’elle.)

Plusieurs pages du roman sont consacrées à une satire féroce et bien vue, féroce car bien vue, de l’embourgeoisement des gens nés dans les années 1960-1970. Ils ont lu les classiques, mais ils leur préfèrent aujourd’hui les «romans policiers suédois», les «livres de recettes» et les «affabulations scientifico-historiques qui voient dans la peinture rupestre les traces de visites extraterrestres» (p. 38), voire «les livres de Daniel Pennac» (p. 61). Ils savent se moquer d’une «plamondonade» (p. 56). Ils vomissent la télévision, mais ils ont abandonné le cinéma; les séries américaines leur suffisent, Weeds et les autres. Ils sont gastronomes et ostensiblement cultivés : chez eux, le vin a remplacé la bière. Le iProduit de la couverture, n’est-ce pas aussi bien celui des étudiants vilipendés par «le Chroniqueur» que le leur ? Ce portrait d’une génération fera grincer des dents.

L’essentiel est pourtant ailleurs. Pour le narrateur de Terre des cons, une question est de plus en plus obsédante au fil des pages : peut-on dire ce qui s’est passé en 2012 ? Quels mots employer pour cela ? Il la pose, cette question, en termes généraux : «Notre parole est-elle morte ?» (p. 66); «Mais si nous n’avons plus nos mains, Philippe, ni nos mots, comment allons-nous nous convaincre que nous comptons, que le monde peut encore compter sur nous ?» (p. 85). Il décrit sa «panique discursive» (p. 83). À d’autres moments, ce sont certains mots bien précis qu’il scrute : «intimidation», «démocratie», «boycott», «droit à l’éducation», «services pédagogiques». Du discours public, il dénonce la «matantisation» — «nous étions unanimes à dénoncer l’abondance de faits vécus, de témoignages, de conseils pratiques et de questions de santé qui envahissaient nos écrans, nos journaux et nos magazines» — et la «mononquisation» — «Des dizaines de messieurs commentaient l’actualité avec un lyrisme et une véhémence que je croyais réservés à la question nationale (sic), quand on est soûls, en camping dans un autre code régional» (p. 72).

En matière de langue, une des scènes les plus riches du roman se déroule dans les douches d’un centre sportif. Le narrateur s’étant lancé dans un monologue un peu mélodramatique, il en vient à s’apercevoir qu’il donne l’impression à ceux qui l’entourent d’être violent. Que dit-il alors à Philippe ? «Puis, je prononce lentement, de façon claire : tu sais, je n’endosse pas la violence» (p. 85). Quiconque a suivi les débats du Printemps érable reconnaît cette phrase : pendant des jours, les autorités gouvernementales et des commentateurs ont demandé aux «Leaders Étudiants» de la dire. La voilà intériorisée par un personnage de roman.

C’est peut-être à cela que sert la littérature : à montrer combien les mots, venus de partout, nous constituent.

 

Références

Langelier, Nicolas, Année rouge. Notes en vue d’un récit personnel de la contestation sociale au Québec en 2012, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 02, 2012, 100 p. Ill.

Nadeau, Jacques, Carré rouge. Le ras-le-bol du Québec en 153 photos, Montréal, Fides, 2012, 175 p. Ill. Note de l’éditeur par Marie-Andrée Lamontagne. Préface de Jacques Parizeau. Postface de Marc-Yvan Poitras.

Nicol, Patrick, Terre des cons. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 97 p.

Printemps spécial. Fictions, Montréal, Héliotrope, «série K», 2012, 113 p. Ill.

Révélation sportive

Achdé, les Canayens de Monroyal. Saison 3. Filet garni !, 2011, couverture

L’Oreille tendue a eu plusieurs occasions de parler de la bande dessinée sur le hockey au Québec (BDHQ). Ici même, c’était le 12 décembre 2011, le 23 décembre 2011 et le 28 décembre 2011. Il lui est aussi arrivé d’aborder le sujet à la radio.

Par conscience professionnelle, mais sachant qu’elle s’ennuierait, elle a donc lu la «saison 3» des Canayens de Montréal, la série d’Achdé, Filet garni ! (2011).

Cet album n’est pas plus drôle que les précédents, ce qui est ennuyeux pour une bande dessinée humoristique («Détente, rigolade, soleil assuré pour tout public !»).

De plus, il révèle quelque chose de troublant sur ses concepteurs. En effet, il n’y a pas d’«avant-centre» au hockey (p. 22), et les joueurs de défense et les attaquants ne sont pas des «joueurs de champ» (p. 34).

Ce ne serait quand même pas plus mal de connaître le vocabulaire du hockey quand on produit une série comme celle-là.

P.-S. — Et «soutien», évidemment, ne s’écrit pas «soutient» (p. 40).

 

[Complément du 2 juin 2016]

L’Oreille tendue vient de publier un article sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

 

Référence

Achdé, les Canayens de Monroyal. Saison 3. Filet garni !, Boomerang éditeur jeunesse, 2011, 46 p. Couleur : Mel.

Jubilatoire, malgré tout

Éric Plamondon, Mayonnaise, 2012, couverture

L’Oreille tendue a eu l’occasion — c’était le 6 janvier 2010 — de rendre compte du pamphlet de Jean-Loup Chiflet, 99 mots et expressions à foutre à la poubelle (2009). Parmi ces mots et expressions, il y avait jubilatoire :

Voilà, le nouveau ton de l’enthousiasme est donné. Plus question de se contenter de se réjouir avec réserve et discrétion. Non ! On se doit de commenter notre plaisir avec des cris plutôt qu’avec des chuchotements, des applaudissements et des vivats, qui peuvent même aller jusqu’à l’hystérie collective suivie de pâmoison (p. 79).

Sans suivre Chiflet dans tous ses emportements, l’Oreille n’hésite pas à reconnaître que jubilatoire est beaucoup utilisé, voire trop.

C’est pourtant le mot qui lui vient à la bouche à la lecture des deux premiers titres de la trilogie romanesque 1984 d’Éric Plamondon, Hongrie-Hollywood Express (vol. I, 2011) et Mayonnaise (vol. II, 2012).

Pourquoi 1984 ? Parce que le nageur et acteur Johnny Weismuller, le «héros» du premier roman, meurt cette année-là, qui est aussi celle du suicide de l’écrivain Richard Brautigan, le héros du deuxième. 1984, c’est aussi l’invention du Macintosh : Pomme S (à paraître) mettra en scène Steve Jobs.

Pourquoi jubilatoire ? L’Oreille aime l’utilisation par Éric Plamondon des listes et des énumérations. Elle aime son érudition, cinématographique notamment, mais pas seulement : technique, scientifique, historique, japonaise. Elle aime son refus de la linéarité. Elle aime l’Amérique qu’elle est invitée à parcourir (dans le temps, dans l’espace). Elle aime le choc entre eux des courts chapitres, prose ou vers, qui font les livres, et l’extravagance de leurs titres. Elle aime l’évident plaisir qu’a l’auteur à citer (des étiquettes aux textes littéraires), et sa croyance dans l’univers des correspondances. Elle aime qu’il ne tombe pas dans les travers linguistiques de l’époque (à quelques «au niveau de» près). Elle aime entendre la rumeur concrète du monde, mais sans souci exagéré de réalisme. Elle aime que la matière des mots soit matière à jeu («Détroit / Des trois, je préfère le dernier : / dessins, / des saints, / des seins», vol. I, p. 133). Elle aime que s’exprime, dans 1984, une humanité sans épanchement ni narcissisme. Elle aime le soin apporté aux tables des matières, qu’aimait lui aussi Richard Brautigan (vol. II, p. 124-125). Elle aime l’art de l’absurde («Francis Ford Coppola bouge les lèvres sur l’écran. J’en conclus qu’il doit être question de cinéma ou d’autre chose», vol. II, p. 126) et le sens du rythme (répétitions, variations, reprises — anaphores).

Dans Mayonnaise, Michel Braudeau est cité, au sujet de Tokyo-Montana Express, de Brautigan :

Cela tient du haïku et du croquis sur un bout de nappe, du vide-poche et de l’autoportrait de l’artiste en puzzle. Un long bouquet de ces feux d’artifice que Baudelaire appelait des fusées (p. 32).

Aussi bien, voilà qui pourrait décrire les deux romans d’Éric Plamondon.

Jubilatoire, donc, oui, malgré tout.

 

[Complément du 23 mai 2012]

Sur son blogue, Dominic Tardif trouve Mayonnaise… «jubilatoire».

 

Références

Chiflet, Jean-Loup, 99 mots et expressions à foutre à la poubelle, Paris, Seuil, coll. «Points. Le goût des mots», Hors série, inédit, P 2268, 2009, 122 p. Dessins de Pascal Le Brun.

Plamondon, Éric, Hongrie-Hollywood Express. Roman. 1984 — Volume I, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 44, 2011, 164 p.

Plamondon, Éric, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p.

Le garde-meuble de la mémoire

Jean-Philippe Toussaint, l’Urgence et la patience, 2012, couverture

Jean-Philippe Toussaint fait paraître l’Urgence et la patience, un recueil de onze courts textes (souvenirs, essais, exercices d’admiration, art poétique).

Il y parle optique — «je peux fermer les yeux en les gardant ouverts, c’est peut-être ça écrire» (p. 47) —, ameublement — «Les meilleurs livres sont ceux dont on se souvient du fauteuil dans lequel on les a lus» (p. 68) — et romantisme de la création — «Lorsque j’écris un livre, je me voudrais aérien, l’esprit au vent et la main désinvolte. Mon cul» (p. 21).

Il explique la place de quelques écrivains dans sa vie : Proust — l’incipit d’À la recherche du temps perdu, pour lui, «n’était pas, curieusement : “Longtemps, je me suis couché de bonne heure”, car [il] avai[t] commencé par Un amour de Swann» (p. 66) —, Kafka — «J’ai tant aimé le Journal de Kafka, je l’ai lu avec passion, je m’en suis nourri, j’y revenais dans cesse, je l’ai étudié, annoté, médité» (p. 28) —, Dostoïevski — «Crime et châtiment, je l’ai pris dans la gueule» (p. 78) — et, surtout, Beckett — «la lecture la plus importante que j’ai faite dans ma vie» (p. 97).

Il décrit des lieux : ses bureaux, celui de son éditeur Jérôme Lindon, des hôtels, le bus 63 à Paris, les allées de l’Université Princeton, «où étudiants et écureuils vaquent en toute quiétude à leurs innocentes occupations respectives (lire et monter aux arbres, manger des noisettes et forniquer)» (p. 56). Machine à écrire, ordinateurs, carnets, stylos : il y a aussi des objets.

L’auteur de la Mélancolie de Zidane (2006) recommande de «s’entraîner à tirer des penaltys avec des chaussures de ski (le jour où on enlève les chaussures de ski, c’est tout de suite plus facile, vous verrez)» (p. 34), avant de comparer l’entraînement au tennis et l’écriture (p. 43-44).

Tout cela dessine un autoportrait plein d’ironie. Toussaint n’est-il pas «un de ces vieux anapurniens qui sillonnent les sentiers des lettres les plus pentus avec une agilité de gardon» (p. 64) ?

Il est même capable de faire l’éloge de la prolepse (p. 71-75). C’est dire.

Que de la joie.

P.-S. — L’Oreille tendue emprunte son titre du jour à la page 105 du recueil.

 

Référence

Toussaint, Jean-Philippe, l’Urgence et la patience, Paris, Éditions de Minuit, 2012, 106 p. Voir une vidéo de l’auteur.

Roman gothique, Montréal, 1924

Jean Féron, le Philtre bleu, 2011, couverture

L’histoire de la littérature le dit et le redit : la littérature québécoise du XIXe et d’une large part du XXe siècle aurait été moralisatrice, agricole, historique, «chaste et pure comme le manteau virginal de nos longs hivers» (dixit Henri-Raymond Casgrain, en 1866, dans «Le mouvement littéraire en Canada»). La réédition récente du roman le Philtre bleu de Jean Féron (1924) permet de nuancer l’affirmation.

À Montréal, en 1907, les détectives de l’agence Godd, Hamm, Quik & cie reçoivent une lettre anonyme. Il se passerait des choses mystérieuses dans la résidence cossue, rue Sherbrooke Est, d’un mystérieux médecin, Hiram Jacobson. Les détectives ayant un vieux contentieux à régler avec Jacobson, l’un d’entre eux se déguise pour s’établir chez lui et faire enquête. Ce qui s’annonce comme un roman policier se transforme toutefois en récit fantastique.

Quik, se faisant passer pour… un neveu de Jacobson — Féron n’est guère porté sur le réalisme —, découvre l’opulence de sa résidence et ses habitants — le médecin, les pépiantes Lina, Pia et Maria, une camériste et une cuisinière. (Il ne comprendra que plus tard que la maison est aussi occupée par «un grand singe roussâtre et à demi pelé» et par «une panthère toute noire, mais légèrement tachetée de blanc et de gris» [p. 28].) Il entend surtout, la nuit, des bruits troublants.

Pour essayer d’en comprendre l’origine, il introduit subrepticement ses deux associés dans la maison. Le trio fera l’erreur de boire de ce «philtre bleu», pas encore commercialisé, inventé par Jacobson pour guérir… la lèpre. Leur imagination les entraînera de supplices en tortures, dans une crypte «horrible» (p. 96) ou «fantastique» (p. 97), où des machines atroces, certaines inspirées de «nos scieries» (p. 101), leur feront subir sévices sur sévices. L’explication finale rassurera tout le monde.

Le style est celui du roman populaire, qui ne recule ni devant la grandiloquence ni devant l’exagération. Quelques citations suffiront à le faire entendre :

la mémoire n’est pas toujours un livre imprimé en gros caractères (p. 13);

Ô lèpre ! Ô maladie infâme ! Ô pustule maudite ! Oh ! auras-tu jamais fini de faire des misérables ! Car je te tiens, lèpre immonde… et je te vaincrai, je te vaincrai (p. 39);

leurs dents, en s’entrechoquant, se brisèrent (p. 95).

L’auteur, qui n’a pas peur des répétitions, va fréquemment à la ligne :

Car la liqueur versée avait une teinte bleue… un bleu foncé, comme un Bleu de Prusse !
— Le Philtre bleu ! bégaya M. Godd.
— Le Philtre bleu ! balbutia M. Hamm.
— Le Philtre bleu ! bredouilla M. Quik.
Tous trois chancelèrent… (p. 85).

On n’est donc guère étonné par l’écriture, mais on peut l’être par le décor, par la galerie de personnages, par les horreurs que subissent (ou pas) les détectives. On l’est plus encore quand on constate que tous les protagonistes — les amis comme les ennemis de Jacobson — s’expriment, dans leur vie quotidienne, en anglais, bien que le récit soit livré en français. Si Jacobson peut lire en français les romans publiés par l’éditeur original du Philtre bleu, les éditions Édouard Garand — charité bien ordonnée commence par soi-même —, il n’en est pas de même de Quik, qui ne parle pas cette langue : «Vraiment ? je ne savais pas qu’on écrivait en français en Canada» (p. 71). Jean Féron — Joseph-Marc-Octave-Antoine Lebel de son vrai nom — met en scène une société qui n’est pas celle que l’on trouve habituellement dans les romans de la même époque. La fin du roman consistera d’ailleurs en un jeu de mots, uniquement en anglais, sur le nom de l’agence de détectives (p. 113).

Tout ça, c’est indubitable, nous change du roman du terroir.

P.-S. — Un mot sur l’édition. Il faut féliciter les gens de Moult éditions, dont c’est le deuxième titre, de donner à lire pareille curiosité, mais ils ont encore du travail à faire, et doublement. En matière de typographie : coquilles, ligatures aléatoires, espacements irréguliers. En matière d’interprétation : le rapprochement de Féron avec Sade, même martelé en préface et en postface, n’est guère convaincant; la Juliette du divin marquis n’est pas «une héroïne de roman policier» (p. 118); il n’est pas sûr que l’imagination soit «un organe du texte» (p. 120); il faut beaucoup de bonne volonté pour faire de ce roman une œuvre érotique; il est question de censure dans la postface, mais on ne sait pas si ce roman de Féron a été censuré ou pas (en tout cas, il n’apparaît pas dans le Dictionnaire de la censure au Québec). Une dernière chose : le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec dit que l’auteur est né en 1879 et est mort en 1955 (p. 706); le Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord (p. 508) et l’Histoire de la littérature québécoise (p. 211) donnent 1881 et 1955; dans sa postface, Christian Lacombe retient 1881 et 1946 (p. 116). Qu’en est-il ?

 

Références

Biron, Michel, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, avec la collaboration de Martine-Emmanuelle Lapointe, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007, 689 p. Ill.

Dionne, René, «De la littérature française à la littérature québécoise (évolution de la littérature canadienne-française)», dans René Dionne (édit.), le Québécois et sa littérature, Sherbrooke et Paris, Naaman et ACCT, 1984, p. 31-46. (La citation d’Henri-Raymond Casgrain se trouve p. 38-39.)

Féron, Jean, le Philtre bleu. Grand récit canadien, Montréal, Moult éditions, coll. «Inauditus», 2, 2011, ix/125 p. Illustrations d’Albert Fournier. Préface de Jasmin Miville-Allard. Postface de Christian Lacombe. Édition originale : 1924.

Hamel, Réginald, John Hare et Paul Wyczynski, Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Montréal, Fides, 1989, xxvi/1364 p.

Hébert, Pierre, Yves Lever et Kenneth Landry (édit.), Dictionnaire de la censure au Québec. Littérature et cinéma, Montréal, Fides, 2006, 715 p. Ill.

Lemire, Maurice, avec la collaboration de Gilles Dorion, André Gaulin et Alonzo Le Blanc (édit.), Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec. Tome II. 1900-1939, Montréal, Fides, 1980, xcvi/1363 p.