Ironie (involontaire) à la Saramago

José Saramago, Histoire du siège de Lisbonne, 1992, couverture

Raimundo Silva, le personnage principal d’Histoire du siège de Lisbonne, de José Saramago, fait partie de «la gent correctrice» (p. 100) dans une maison d’édition de Lisbonne : «c’est un homme qui écrit lentement, veillant sans relâche aux concordances, avare d’adjectifs, sourcilleux sur le chapitre de l’étymologie, pointilleux en matière de points et autres signes de ponctuation» (p. 154).

Il aurait été marri de quelques fautes dans la traduction de ce roman. Il y est écrit que l’auteur «est né en 1992» (p. 3), au lieu de 1922. Une virgule inutile s’invite dans une note, quand est évoqué «un des personnages principaux du roman de José Saramago, Le Dieu manchot» (p. 96 n. 1) — virgule inutile, sachant que Saramago a publié plus d’un roman. En revanche, dans «nous ne occupons pas de cinéma, ni de théâtre ni même de la vie» (p. 108), une virgule supplémentaire, avant le troisième «ni», aurait été bienvenue. À «un vieillard à la mine vénérable qui l’enjoignait d’avoir bon courage» (p. 144), Raimundo Silva aurait opposé un «qui lui enjoignait» — d’autant que la construction avec enjoindre est correcte page 316. Page 174, un trait d’union superflu dépare le deuxième paragraphe. Des «martiens» et des «terriens» sont orphelins de leur majuscule initiale (p. 260). Les majuscules ne sont pas accentuées. «Oiseux» ne devrait pas être confondu avec «oiseaux» (p. 267).

Qu’aurait dit Raimundo Silva, cet «humble et banal correcteur» (p. 294), devant cela ? On n’ose l’imaginer.

 

Référence

Saramago, José, Histoire du siège de Lisbonne. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P619, 1992, 341 p. Traduction de Geneviève Leibrich. Édition originale : 1989.

Accouplements 91

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Certaines coquilles sont plus ennuyeuses que d’autres.

Sur Twitter, @LaDameAuChapal en a signalé une jolie :

Confusion, au Figaro, entre «baisse» et «baise»

En la voyant, les lecteurs de l’essayiste québécois André Belleau penseront sans doute à ce passage de «L’effet Derome» : «Considérons […] le Téléjournal comme un texte sonore. Certains soirs, le sens de ce texte n’est pas que les prix montent ou que Claude Ryan baisse (attention, typo !) mais plutôt que Bernard Derome sait l’anglais» (éd. de 1986, p. 110).

 

Référence

Belleau, André, «L’effet Derome ou Comment Radio-Canada colonise et aliène son public», Liberté, 129 (22, 3), mai-juin 1980, p. 3-8; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 82-85; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 107-114; repris dans Laurent Mailhot (édit.), l’Essai québécois depuis 1845. Étude et anthologie, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «Cahiers du Québec. Littérature», 2005, p. 187-193; repris, sous le titre «L’effet Derome», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 105-112. https://id.erudit.org/iderudit/29869ac

La Presse+ aurait-elle oublié quelque chose ?

La Presse+, 22 avril 2013

Le 18 avril, le quotidien montréalais la Presse a ajouté à son site Web et à ses applications pour téléphones dits «intelligents» une version du journal pour iPad, la Presse+.

Le projet avait été annoncé il y a de nombreux mois, toujours en insistant sur l’important financement nécessaire à ce passage d’un modèle éditorial à un autre. On a manifestement investi massivement en informatique et en ergonomie de lecture. En revanche, on paraît avoir oublié de réserver quelques sous pour les correcteurs.

Des exemples ?

@revi_redac, alias Mémère-la-virgule, repérait, le 19 avril, une «date» à laquelle il manquait un t.

L’Oreille tendue, elle, lisant l’édition du 22, est tombée sur un titre (!) mêlant «cauchemar» et «marde». Elle a aussi vu le mot «autobus» au féminin. Puis, elle a constaté qu’ailleurs on avait mis «si» au lieu de «se».

C’est ennuyeux.

P.-S. — Dans la version papier du journal, on a redonné son masculin à «autobus» (cahier Sports, p. 8), mais le «si» est resté un «si» (p. A13). Correction à deux vitesses ?

 

Précision» du 24 avril 2013]

Mea culpa de l’Oreille tendue : la faute repérée par Mémère-la-virgule, «dates» mis pour «dattes» dans un texte de Pierre Foglia, se trouvait dans la Presse papier et sur le site Web du journal (où elle n’a pas été corrigée); en revanche, elle n’apparaît pas dans la Presse+. Pour récapituler : une faute est dans l’édition pour tablette, mais pas dans l’édition papier («autobus»); une faute est dans l’édition pour tablette et dans l’édition papier («si» mis pour «se»); une faute est dans l’édition Web et dans l’édition papier, mais pas dans l’édition pour tablette («dates»). Ça devient un peu difficile à suivre.

 

[Complément du 26 avril 2013]

La mémoire est la faculté qui oublie : dès novembre 2010, l’Oreille s’interrogeait sur la correction de la Presse.

 

[Complément du jour]

La Presse+, édition du 26 avril 2013

Édition du 26 avril 2013

La Presse+, édition du 26 avril 2013

Édition du 26 avril 2013

La Presse+, édition du 28 avril 2013

Édition du 28 avril 2013

Les protes du paradis

Elle meurt. Sa notice nécrologique paraît dans le Devoir des 20-21 octobre 2012 : elle «est décédée chez elle entourée de plusieurs de ses porches» (p. C11). Voilà une mort bien architecturale.

 

[Complément du 23 octobre 2012]

Coquille corrigée le 22 octobre : les «porches» étaient des «proches» (p. B6).