Le zeugme du dimanche matin et de Joseph Marmette

Portrait de Joseph Marmette

«Mais toi, fastueuse et superbe Montréal, est-il donc vrai que tu doives, au dire de certaine prédiction, périr dans un immense débordement des eaux ? Oh ! alors, comme tu auras froid dans le linceul de limon dont les flots du grand fleuve couvriront des restes, en s’enfuyant rapides vers l’Océan et l’oubli !»

Joseph Marmette, François de Bienville, 1870, cité dans Gilles Marcotte, Une littérature qui se fait. Essais critiques sur la littérature canadienne-française, présentation de Jean Larose, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1994, 338 p., p. 36. Édition originale : 1962.

 

Illustration : Joseph Marmette, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Scènes de la vie pédagogique

Véronique Côté, la Paix des femmes, 2021, couverture

Première scène

«Alice. — Pourquoi, quand [Nelly Arcan] était vivante, personne parlait de sa souffrance ? De toute la souffrance terrifiante qu’y a dans ses livres ? Pourquoi tout le monde parlait de toute sauf de ça ? Toi, tes étudiantes, tu leur parles-tu de sa souffrance ?
Isabelle. — Un peu. Je parle de son apport à la forme autofictionnelle dans une perspective de réappropriation de l’intime en tant que terrain politique.
Alice. — OK. Fait que tu parles pas de ça pantoute» (p. 61).

Deuxième scène

«Isabelle. — Moi je pense [que les prostituées / travailleuses du sexe] méritent d’être écoutées dans leur connaissance intime du milieu. Pis respectées dans leur agentivité.
Alice. — C’est quoi c’t’estie de mot là ? Tout le monde dit ça, ça me gosse» (p. 77).

 

Référence

Côté, Véronique, la Paix des femmes, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 28, 2021, 129 p. Ill. «Contrepoint» par Francine Pelletier, «Le corps d’une femme».

Accouplements 161

André Brochu et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste, 1980, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Brochu, André et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste. Livre de lettres, Montréal, Quinze, coll. «Prose exacte», 1980, 185 p.

Au terme de la deuxième lettre, Gilles Marcotte envoie André Brochu «au monticule» : «Je n’ai pas frappé toutes les balles que vous m’avez expédiées durant cette première manche : vos courbes, vos glissantes, vos balles-papillons, vos “spit-balls”. Je me suis contenté, comme disent les experts, de “garder le marbre”. Mais la partie n’est pas finie…» (p. 29) Réponse de Brochu : «J’ai, pour le baseball, un mépris égal à celui de votre Maurice Parenteau. […] Dites-moi, le monticule, est-ce le lieu d’où on lance ou celui où l’on frappe ? Il serait bon que je sache, histoire d’ajuster mes métaphores» (p. 30). Diagnostic final : «Quel jeu compliqué, le baseball !» (p. 39)

Bélanger, David et Michel Biron, Sortir du bocal. Dialogue sur le roman québécois, Montréal, Boréal, coll. «Liberté grande», 2021, 227 p.

Première lettre de Michel Biron, à David Bélanger, le 1er mai 2020 : «Il me semble t’avoir déjà cité l’exemple de l’échange épistolaire entre les critiques Gilles Marcotte et André Brochu, paru en livre sous le titre La Littérature et le Reste. C’était une autre époque, bien sûr : le courrier électronique n’existait pas, les Canadiens gagnaient Coupe Stanley après Coupe Stanley, les Expos de Montréal n’étaient pas très bons, mais ils étaient beaux à voir» (p. 9-10).

P.-S.—Les Expos, c’était l’équipe de baseball de Montréal. Ce ne l’est plus.

Accouplements 136

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le plus récent numéro du magazine Lettres québécoises (174, été 2019, p. 67), Samuel Mercier rend compte, sous le titre «Un vieux con sympathique», d’un recueil d’entretiens de l’historien Denis Vaugeois avec le professeur Stéphane Savard. À certains moments, le critique marque son exaspération : «tous ces éléments nous donneraient parfois envie de mettre un coup de mailloche au vieux siffleux, ou du moins de lui dire de dégager enfin qu’on respire dans cette triste province dont le récit historique ressemble trop souvent à une tablée de la Société Saint-Jean-Baptiste».

Le jour où l’Oreille tendue lisait ce compte rendu, elle voyait tomber ceci dans son fil Twitter :

 

 

La mailloche des uns est le maillet des autres.