Faire découvrir l’œuvre de Voltaire, dans un livre de tout petit format (8 centimètres par 12), en peu de pages, à l’aide de textes brefs et de nombreuses citations, sur un ton léger : pourquoi pas ?
Présenter la biographie de l’auteur, se demander «Pourquoi lire Voltaire ?», sélectionner quelques genres pratiqués par lui et recommander des textes : oui.
Ne pas cacher les travers de ce classique par excellence, notamment son «antijudaïsme» (p. 5), tout en insistant sur son actualité réelle, par exemple en matière de tolérance : bien sûr.
Mais…
En 1725, le duc de Bourbon ne peut pas être, au sens strict, le «Premier ministre de Louis XV» (p. 16-17), le règne personnel de ce dernier ne commençant qu’en 1743. Louis XV a 15 ans en 1725.
Zaïre triomphe en effet à la Comédie-Française en 1732, mais Voltaire n’y incarne pas «le rôle de Lusignan» (p. 23). Il ne l’incarnera que sur des théâtres de société. Voltaire n’a jamais joué à la Comédie-Française.
Parler des «cent vingt-cinq auteurs de l’Encyclopédie» (p. 38) témoigne d’une assurance statisticobiographique que ne partageraient pas les spécialistes du personnel de ce Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers codirigé par Diderot et D’Alembert.
Comparer les ventes de Candide (un opuscule) à celles de l’Encyclopédie (vingt-huit lourds volumes vendus par souscription sur une période de 21 ans) n’a guère de pertinence (p. 40).
Le Dictionnaire philosophique n’a pas été jugé «particulièrement dangereux à cause de sa forme alphabétique» (p. 41) — après tout, c’est un… dictionnaire —, mais à cause de son contenu.
Voltaire ne rentre pas à Paris en 1777, mais en 1778 (p. 50).
Pierre Bayle s’est beaucoup occupé de sujets théologiques; c’est indubitable. En faire un «théologien protestant» (p. 70), c’est aller bien vite en besogne.
Pour Voltaire, la Bible n’est pas contestable «sur le plan scientifique» (p. 70; voir aussi p. 90), mais sur le plan historique.
Le titre de l’article de Michel Mervaud sur la néologie voltairienne (p. 76 n. 2) n’est pas correctement donné.
Le Traité sur la tolérance est-il vraiment une des «œuvres les plus lues» de Voltaire (p. 84) ? C’est bien douteux.
Voltaire a parfois louangé Shakespeare ? Oui (p. 60, p. 109). L’a-t-il parfois critiqué sévèrement ? Aussi, et il aurait fallu le dire.
Il serait souhaitable de ne pas confondre Candide et l’article «Bien (Tout est)» du Dictionnaire philosophique (p. 116).
Les lectures de la formule finale de Candide — «Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin» — ne manquent pas. Ici, on serait «en droit de prendre la formule […] au pied de la lettre» et de retourner «à la terre» (p. 118). Ah bon… (Le reste de l’interprétation de ce passage [p. 117-124] est à l’avenant.)
Un ton léger, cela permet-il d’appeler Jean-Jacques Rousseau le «petit camarade» de Voltaire (p. 125) ?
«Souscrire» à l’article «Philosophe» de l’Encyclopédie (p. 134) ? C’est une façon de voir les choses. Selon une spécialiste comme Martine Groult, Voltaire en serait, en fait, l’auteur.
Dans Candide, deux chapitres, le dix-septième et le dix-huitième, sont consacrés au pays mythique d’Eldorado. Candide et Cacambo n’y entrent pas par la voie des airs (p. 141), mais en bateau. Ils en repartent, dans un carrosse volant, accompagnés de moutons rouges — mais ces moutons ne sont pas six (p. 141). Les six moutons, qui ne sont pas rouges, ce n’est pas pour quitter Eldorado, mais pour circuler à l’intérieur du pays.
Un bout de phrase est répété deux fois (p. 152-153).
Le 26 août 1853, Flaubert écrit à Louise Colet : «On s’extasie devant la correspondance de Voltaire. Mais il n’a jamais été capable que de cela, le grand homme ! c’est-à-dire d’exposer son opinion personnelle; et tout chez lui a été cela.» Il n’a donc pas dit seulement «On s’extasie devant la correspondance de Voltaire» (p. 155). Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Bref, peut (nettement) mieux faire.
Référence
Rodde, Virginie, Voltaire en un clin d’œil !, Paris, Éditions First, 2018, 158 p.