«Le 6 janvier 1953, conscient de l’importance du hockey dans le cœur des Québécois, Dimitri Kasan [des Éditions Marabout-Kasan limitée] fait une demande auprès d’Émery Boucher, directeur de la Commission de l’Exposition provinciale, pour exhiber sur la glace un personnage costumé en oiseau marabout à chaque joute des As [de Québec], et cela pendant la période de surfaçage de la glace. La résolution de la Commission, en date du 8 janvier, autorise “les Éditions Marabout-Kasan enr. à faire promener un marabout sur la glace entre les périodes de hockey à l’occasion d’un joute, moyennant privilège de $ 50.00”. Ce contrat de promotion est signé avec la ville [de Québec], propriétaire du Colisée, qui l’autorise à faire parader un marabout entre les périodes des parties de hockey. C’est ainsi que l’oiseau marabout se fait connaître avec des pirouettes comiques et distribue jusqu’à 500 catalogues des dernières parutions Marabout entre deux périodes.»
Le frère mariste Jean-Ferdinand voulait du bien à ses lecteurs. En 1945, il publiait Instruisons-nous; en 1949, Cultivons-nous; en 1952, Connaissons-nous le Québec ? En 1951 paraissait Refrancisons-nous : on ne confondra évidemment pas la première et la seconde édition.
Instruisons-nous, ce «modeste ouvrage», est une «encyclopédie en raccourci» destinée à acquérir la «science universelle» et il s’adresse au «savant», au «professeur», à l’«industriel», à l’«homme d’affaires», à l’«ouvrier», au «jeune homme» comme à la «jeune fille», à l’«enfant» : «Prenez et lisez simplement ce livre;.. il vous instruira;.. il vous récréera;.. il vous reposera» (p. 3, ponctuation certifiée d’origine).
Dix-huitiémiste de son état, l’Oreille a d’abord été un peu tendue en parcourant l’ouvrage. À la rubrique «Qui a été surnommé», il y a «Le barde d’Avon» (Shakespeare), mais pas «Le patriarche de Ferney» (p. 13). Parmi les «Pseudonymes», il y a celui de Jean-Baptiste Poquelin (Molière), mais pas celui de François-Marie Arouet (p. 24). «À quels ouvrages sont associés les caractères» comporte Homais (Madame Bovary), mais pas Candide (p. 31). Sous «Qui a dit», on trouve «J’avais pourtant quelque chose là !» (André Chénier), mais pas «il faut cultiver notre jardin» ni «le meilleur des mondes possibles» (p. 32).
Le frère Ferdinand en aurait-il contre Voltaire, qu’il ne cite pas alors que tant d’occasions se présentent à lui ?
«Le patriarche de Ferney», celui qui se fait appeler Voltaire à partir de 1718, l’auteur de Candide apparaît enfin — ouf — à la rubrique «De qui sont ces mots historiques» : «Quand cessera-t-on de se battre pour quelques arpents de neige ?» Réponse : «Voltaire» (p. 91).
(Voltaire n’a pas dit ça. Au début du vingt-troisième chapitre de Candide, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», au moment où Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais, on lit : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.» Pour une vidéo explicative sur l’expression «arpents de neige», c’est ici. Pour un florilège, là.)
À la question «Nommez deux écrivains philosophes du XVIIIe siècle ?» («Littérature française»), Instruisons-nous retient deux noms : «Jean-Jacques Rousseau et Voltaire» (p. 127).
Quand on pense que l’année où paraît cet ouvrage, Marcel Trudel lance les deux volumes de l’Influence de Voltaire au Canada, on se dit que ces deux apparitions du nom de Voltaire, c’est bien peu.
P.-S.—Le frère Ferdinand n’est pas indifférent aux sports. «Nommez trois bons joueurs du “Canadien” en 1945» («Les sports») : «Richard, Blake, Lach» (p. 82). On aura reconnu les trois joueurs de la Punch Line : Maurice Richard, Toe Blake, Elmer Lach.
[Complément du 25 janvier 2023]
Références
Frère Jean-Ferdinand, f.m., Instruisons-nous, Lévis, Des ateliers de Le Quotidien, Ltée, 1945, 139 p. Quatrième édition.
Trudel, Marcel, l’Influence de Voltaire au Canada, Montréal, Fides, les Publications de l’Université Laval, 1945, 2 t. Tome I : de 1760 à 1850, 221 p.; tome II : de 1850 à 1900, 315 p.
Comme tout un chacun, l’Oreille tendue consomme de l’information. Ces derniers jours, dans des médias locaux, elle est tombée sur trois phrases qui l’ont poussée à se poser des questions.
Dans «Aujourd’hui, une nouvelle gauche, passée du social au sociétal, met en procès la civilisation occidentale pour cause de racisme, de sexisme et de nationalisme», quelle est la différence entre «social» et «sociétal» ?
Dans «Il a beau être le plus grand stade d’Europe avec ses presque 100 000 sièges, le Camp Nou de Barcelone s’affiche avant tout en catalan», quel est le lien logique entre les deux éléments de la phrase ?
Dans «Le Canada privé de l’or par la Finlande», faut-il comprendre que le Canada était assuré de gagner au Championnat du monde de hockey et qu’il a été «privé» de ce qui lui était dû ? «La Finlande bat le Canada et gagne la médaille l’or», ce n’aurait pas été plus juste ?