Agilité bienvenue

Pièce de dix cents du Canada

L’autre jour, l’Oreille tendue présentait une publicité du gouvernement du Québec pour la fête nationale. Elle notait alors qu’elle n’avait pas encore parlé de l’expression populaire sur un dix cents. Corrigeons cela.

Qui se retourne / se revire / arrête / freine sur un dix cents est particulièrement agile, prompt, réactif. Celle-là est la plus petite des pièces de monnaie canadienne : qui réussit à s’y mouvoir rapidement et efficacement est habile.

La prononciation dix cennes paraît plus usuelle que dix cents. C’est aussi ce que pense le romancier Christophe Bernard : «Les motoneigistes ont freiné sur des dix cennes» (p. 517).

À votre service.

 

[Complément du jour]

La pièce de dix cennes vaut dix sous, d’où, aussi, se retourner / se revirer / arrêter / freiner sur un dix sous.

 

Référence

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Le baptême qui ne saurait attendre

Marc-André Dufour-Labbé, La soif que j’ai, 2024, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman La soif que j’ai (2024) : «Accouche, qu’on le baptise» (p. 125).

Dans le français populaire du Québec, cette expression marque l’impatience : quelqu’un prend trop de temps pour arriver à l’essentiel; cette personne devrait se dépêcher.

À votre service.

P.-S.—À vue d’Oreille, la forme «Accouche, qu’on baptise» (sans «le») paraît plus courante, voire, plus sobrement encore, «Accouche».

 

Référence

Dufour-Labbé, Marc-André, La soif que j’ai. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2024, 139 p.

Huit sur dix pour l’Oreille tendue

Fête nationale oblige, le gouvernement du Québec a mis en ligne une vidéo de trente secondes à saveur linguistique. On y entend dix expressions du français populaire québécois.

«Sans s’péter les bretelles, au Québec, on sait lâcher notre fou. Qu’y fasse beau ou qu’y mouille à sciaux, on se r’vire sur un dix cents. On s’fait des soirées pas pire pantoute ou des plus broche à foin. Des fois on est sur notre trente-six ou habillé comme la chienne à Jacques. Et la cerise sur le sundae, c’est voir nos étoiles briller sur toutes les scènes du Québec. Bonne fête nationale !»

À part «lâcher notre fou» (s’éclater) et «se revirer sur un dix cents» (promptement), l’Oreille tendue a déjà abordé toutes ces expressions.

8 sur 10, bref.

Verbes filiaux

«Rouler tranquille, c’est chill», Belgique, 2019, panneau routier

Fête des Pères oblige, l’Oreille tendue recevait hier ses fils (n=2). La discussion a porté, entre autres sujets, sur la non-conjugaison de certains verbes anglais dans le français familier des jeunes du Québec, qui que soient «les jeunes». Exemples : «J’vais chill au parc» (j’vais glandouiller au parc) et «J’l’ai pas snitch» (j’l’ai pas dénoncé) — là où une personne âgée comme l’Oreille aurait dit «J’vais chiller au parc» ou «J’l’ai pas snitché».

Jérôme 50 abordait en 2023 la question dans sa balado Ainsi soit chill, balado consacrée au «néofrançais» parlé au Québec, au «français québécois chilleur», au «français québécois des jeunes», au «nouveau français québécois», au «sociolecte chilleur», au «français québécois chilleur», au «français parlé par les jeunes en contexte informel».

Dans l’épisode «La conjugaison des verbes», il donne l’impression que cette façon de (non) conjuguer serait généralisée au Québec, alors qu’elle ne serait pas utilisée en Acadie.

La linguiste Marie-Ève Bouchard arrive à des conclusions légèrement différentes. Dans son étude «J’va share mon étude sur les anglicismes avec vous autres ! : A Sociolinguistic Approach to the Use of Morphologically Unintegrated English-Origin Verbs in Quebec French», elle affirme que le phénomène serait d’abord montréalais. On le repérerait aussi un peu à Sherbrooke, mais guère à Québec.

Tendons l’oreille : ces choses-là peuvent changer rapidement, se répandre ou disparaître.

 

Référence

Bouchard, Marie-Ève, «J’va share mon étude sur les anglicismes avec vous autres ! : A Sociolinguistic Approach to the Use of Morphologically Unintegrated English-Origin Verbs in Quebec French», Journal of French Language Studies, 33, 2023, p. 168-196. https://doi.org/10.1017/S0959269523000054