Une fois n’est pas coutume

Les occasions ne manquent pas de râler contre les publicitaires. Faisons une exception pour ceci, tiré de la Presse du 18 décembre 2010 (p. A20) :

«La télé ne sera plus jamais plate», publicité, 2010

Premier niveau de lecture : un écran plat ne l’est plus tout à fait quand on y projette un film en trois dimensions.

Second niveau : au Québec est dit plate ce qui ennuie; cette télé-là ne le sera «plus jamais».

Bien vu.

N.B. Il est d’autres sens de plate au Québec. C’est plate à dire, mais ce sera pour un autre jour.

 

[Complément du 28 mars 2017]

Voici une multinationale qui s’y met, Apple.

Apple, publicité pour iPad, mars 2017

Croisements sélectifs

L’«alternance codique» (le code-switching), une fois encore, dans un album de bande dessinée portant, en partie, sur le hockey (p. 40).

Duchateau et Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, p. 40, case

De l’inopportunité de la rencontre entre, d’une part, «tabarnak» et «étriver» (agacer, embêter) et, d’autre part, «mettre une de ces culottes» (pas employé au Québec) et «nabot» (là où on attendrait «nain»).

 

Référence

Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.

Miscellanées de fin d’année

Beau cas (volontaire) d’«alternance codique» (code-switching) sous la plume de l’ami Sylvain Cormier dans le Devoir du 22 décembre 2010, s’agissant d’Emmanuelle Seigner : «Comment un disque aussi bath a pu donner lieu à un spectacle aussi poche, je me le demande encore» (p. B8). Le passage du bath au poche ravit l’Oreille tendue.

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C’est la saison qui veut ça : le médecin est de plus en plus fréquemment appelé à faire un «acte vaccinal». L’invité qui utilisait cette expression sur les ondes de la radio de Radio-Canada le 20 décembre croyait peut-être que le mot vaccin n’était pas assez noble pour être utilisé en ondes.

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Le titre suivant peut bien sûr s’expliquer : «La croissance démographique américaine est en baisse» (le Devoir, 22 décembre 2010, p. B5). Il n’en reste pas moins qu’une «croissance […] en baisse», ça étonne.

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S’agissant d’un nouveau restaurant montréalais : «La déco rétro-saxonne, elle, rappelle le Sparrow ou encore le Liverpool House, dans le quartier Saint-Henri» (la Presse, 9 décembre 2010, cahier Affaires, p. 10). «Rétro-saxonne» ?

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On connaissait déjà écoresponsable. Voici maintenant francoresponsable. Cela se trouve dans le quotidien le Soleil du 19 décembre : «L’Hôtel Château Laurier mise désormais sur le français pour se distinguer auprès de la clientèle touristique, même celle anglophone.» Dans la Vieille Capitale, parler français est désormais un signe de distinction.

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Le site FailQc comporte une rubrique «Traduction boboche», où l’on récolte des aberrations de traduction, souvent involontairement comiques. On y fait des découvertes stupéfiantes, ici par exemple.

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Le sous-marin québecquois de l’Oreille tendue attire son attention sur un aspect d’une campagne publicitaire déjà abordée au début décembre, mais qu’elle n’avait pas commenté alors. Elle avait indiqué combien lui paraissait typographiquement dangereuse l’adresse 0droguepourmoi.ca. Pour comprendre la syntaxe de la phrase qui se trouve sous cette adresse — «Renseigne-toi sur les effets de la drogue et comment tu peux dire non» —, il faut connaître la version anglaise — «Find out the effects of drugs and how you can say no». Ce zeugme syntaxique est peut-être moins spectaculaire que ce que l’on trouve chez FailQc, mais il est nettement plus pernicieux. Voilà un beau cas de ce que Gaston Miron appelait, notamment dans le Voyage en Mironie de Jean Royer, le «traduitdu» :

On naît dans cet état linguistique et l’on s’imagine que c’est ça, la langue, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que sa langue est faussée par la traduction, que sa langue est dominée par une autre qu’elle traduit. Ce que j’ai appelé «le traduitdu», le charabia ou «le traduitdu» (p. 112).

 

Référence

Royer, Jean, Voyage en Mironie. Une vie littéraire avec Gaston Miron, Montréal, Fides, 2004, 282 p.

Tutoiement d’outre-tombe

Quand on leur parle de tables tournantes, les sceptiques soulèvent nombre de questions.

Ils s’interrogent sur le matériel utilisé. Telle table est-elle inhabituellement inclinée ? Peut-on découvrir quelque chose qui n’est pas à sa place autour de telle autre, ce qui expliquerait qu’elle bouge ?

Ces sceptiques ne manquent pas non plus de signaler que l’attitude psychologique des participants aux séances de spiritisme joue un rôle dans ce qu’ils croient voir ou entendre.

S’agissant d’une nouvelle série à la télévision québécoise, le quotidien le Devoir, dans son édition du 4 décembre (p. E4), indique une autre question à se poser : comment s’adresse-t-on aux fantômes qui parlent par l’intermédiaire des tables ? Il semble en effet que, dans la série Rencontres paranormales de Chantal Lacroix, on s’adresse aux esprits à la deuxième personne du singulier.

Voilà une typtologie bien de chez nous.

P.-S. — Titre de l’article ? «Esotérisme expérimental. TVA glorifie l’infâme avec Rencontres paranormales. Au secours, Voltaire !»