Prendre la route 001

L’Oreille tendue, bien que partie se détendre pendant quelques jours, est restée à l’affût. Cela étant, il lui est arrivé ce qui devait arriver : ses réflexes se sont un brin émoussés.

Ainsi devant ce panneau :

Motel Bar O Bio, Labelle, 12 août 2009

Elle a cru y voir d’abord une invocation écologique : «Ô Bio».

Or ce n’est pas tout à fait cela :

Motel Bar O Bio, Labelle, 12 août 2009

Le bio n’était que billot.

 

[Complément du 18 juillet 2015]

À Sainte-Luce-sur-Mer, l’Oreille pourrait s’approvisionner / se faire guillotiner à La tête sur le bio (voir ici).

À tous nos fidèles bénéficiaires

L’Oreille tendue cesse ses activités quelques jours; elle a besoin de se détendre. Un peu plus, et elle dirait que «L’Oreille tendue quitte pour les vacances.» Elle se retient.

De retour bientôt.

P.-S. — Bénéficiaires ? Évidemment : «C’est l’un des mots-clés de la société québécoise», selon Jean-Claude Boulanger.

 

Référence

Boulanger, Jean-Claude, «Un épisode des contacts de langues : la néobienséance langagière et le néodiscours lexicographique», dans Marie-Rose Simoni-Aurembou (édit.), Français du Canada – Français de France. Actes du cinquième Colloque international de Bellême du 5 au 7 juin 1997, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, coll. «Canadiana Romanica», 13, 2000, p. 307-324, p. 315.

Citation indignée du jour

Georges Dor, Anna braillé ène shot, 1996, couverture

«Mais les temps ont bien changé et le Vous n’existe à peu près plus, depuis que les enfants sont à tu et à toi avec les adultes. Certains, toutefois, en garderaient, semble-t-il, la mémoire intuitive. Serait-ce à cause de cela que de nos jours on peut entendre, chez quelques-uns d’entre eux, l’inimaginable association du Tu et du Vous dans l’invraisemblable expression : Vous voulez-tu ? Oui, j’ai entendu cela à plusieurs reprises… et je ne vis pas sur une autre planète !»

Georges Dor, Anna braillé ène shot (Elle a beaucoup pleuré). Essai sur le langage parlé des Québécois, Montréal, Lanctôt éditeur, coll. «L’histoire au présent», 2, 1996, 191 p., p. 60.

À tu et à vous et à toi et à vous et à tu

Jeudi soir dernier, dans un centre commercial de l’île de Montréal :

Carrefour Angrignon, 23 juillet 2009

Pourquoi ce passage du tu au vous dans la publicité ?

Si l’on était dans un roman épistolaire classique, on y verrait un effet d’insistance amoureuse, comme dans l’incipit de la lettre CXLVIII des Liaisons dangereuses de Laclos, quand le chevalier Danceny écrit à la marquise de Merteuil : «Ô vous, que j’aime ! ô toi, que j’adore ! ô vous, qui avez commencé mon bonheur ! ô toi, qui l’as comblé» (éd. de 1964, p. 333).

Dans une chanson, ce pourrait être un exercice de style, comme dans «Rendez-vous courtois» de Jérémie Kisling, sur l’album le Ours en 2006. Tous les vers y mêlent tutoiement et vouvoiement. Cela donne lieu à des phrases déjantées : «Allez viens vous asseoir, il faut pas que vous te barre / Sous mon toit, vous serez à ton aise / Donne-moi votre main, couchez-moi contre ton sein / Je t’avoue que je vous aime bien.»

Les intentions des propriétaires de la boutique de jeux électroniques EBGames sont un peu moins claires.

(L’absence de s à «usagé» fait désordre.)

 

Référence

Laclos, Pierre Choderlos de, les Liaisons dangereuses, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «G-F», 13, 1964, 379 p. Chronologie et préface par René Pomeau. Édition originale : 1782.