Glanes de campagne

Le Québec, donc, «ira aux urnes», le 1er octobre.

Premier tweet électoral de l’Oreille tendue :

Quelques jours plus tard, elle tweete ceci, à titre de «Citation du jour» : «Je n’écoute jamais les circonlocutions, dit Mlle Bürstner» (Kafka, le Procès). @ljodoin retweete, avec les mots clics #elections2018 et #polqc. Bien vu.

Un texte d’opinion de la Presse+, signé Mathieu Bélisle, rappelle à l’Oreille que les choses n’ont pas changé depuis les élections de 2012.

Sur Twitter, le 6 septembre, le Devoir publie ceci : «Legault plaide pour un État de “gros bon sens”.» Jadis, l’Oreille s’est penchée sur ce GBS.

En 2017, l’Oreille a publié un texte sur les pogos, Manon Massé oblige. Ce texte est redevenu populaire depuis quelques semaines.

Parlons éducation

Dans la Presse+ du jour, le professeur et essayiste Mathieu Bélisle publie un texte d’opinion intitulé «Des élections résolument provinciales». On y lit cette remarque particulièrement juste et révélatrice de la place de l’éducation dans les programmes politiques québécois :

On se prend à rêver du jour où un chef de parti éprouvera le même empressement, la même fierté à présenter aux Québécois la personne choisie pour diriger le ministère de l’Éducation que celle qu’il éprouve en présentant les éventuels responsables de la Santé et du Trésor, du jour où il fera de l’éducation la grande priorité de son gouvernement en lui donnant l’ampleur d’une véritable vision pensée sur le long terme, où il reconnaîtra, quoi que disent les sondages et les groupes d’intérêt, qu’une société vieillissante n’a pas seulement besoin de soins de santé de qualité et d’une fin de vie vécue dignement, mais aussi, et peut-être surtout, d’un système d’éducation fort, soucieux du commencement de la vie et de son épanouissement.

Lors des élections de 2012, pour le Journal de Montréal, dans «Autoportrait électoral d’un privilégié insatisfait», l’Oreille tendue exprimait des positions bien proches de celles-là.

Moins ça change…

Citation électorale du jour

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1966, couverture

«Mais les paysans étaient plus nombreux et les jours de marché, M. de Faverges, se promenant sur la place, s’informait de leurs besoins, tâchait de les convertir à ses idées. Ils écoutaient sans répondre, comme le père Gouy, prêt à accepter tout gouvernement pourvu qu’on diminuât les impôts.

À force de bavarder, Gorju se fit un nom. Peut-être qu’on le porterait à l’Assemblée.

M. de Faverges y pensait comme lui, tout en cherchant à ne pas se compromettre. Les conservateurs balançaient entre Foureau et Marescot. Mais le notaire tenant à son étude, Foureau fut choisi; un rustre, un crétin. Le docteur s’en indigna.

Fruit sec des concours, il regrettait Paris, et c’était la conscience de sa vie manquée qui lui donnait un air morose. Une carrière plus vaste allait se développer; quelle revanche ! Il rédigea une profession de foi et vint la lire à MM. Bouvard et Pécuchet.

Ils l’en félicitèrent; leurs doctrines étaient les mêmes. Cependant, ils écrivaient mieux, connaissaient l’histoire, pouvaient aussi bien que lui figurer à la Chambre. Pourquoi pas ? Mais lequel devait se présenter ? Et une lutte de délicatesse s’engagea. Pécuchet préférait à lui-même son ami. “Non, ça te revient ! tu as plus de prestance !

— Peut-être, répondait Bouvard, mais toi plus de toupet !” Et, sans résoudre la difficulté, ils dressèrent des plans de conduite.

Ce vertige de la députation en avait gagné d’autres.»

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 103, 1966, 378 p., p. 179-180. Chronologie et préface par Jacques Suffel. Édition originale : 1881 (posthume).

Langue politique (québécoise ?)

Jacques-Émile Ruhlmann, argentier, 1921

Il est beaucoup question de Marc Bibeau dans les médias québécois ces jours-ci. On rappelle à l’envi qu’il a longtemps été «l’argentier», voire le «grand argentier» du Parti libéral du Québec.

Argentier ? Le Petit Robert (édition numérique de 2014) connaît deux sens à ce mot : «1. HIST. Le grand argentier : le surintendant des finances. AUJ., PAR PLAIS. Le ministre des Finances. 2. Meuble où l’on range l’argenterie.» Le dictionnaire numérique Usito a des définitions semblables. Le Multidictionnaire de Marie-Éva de Villers ne donne que le premier sens. À l’Office québécois de la langue française, on évoque aussi un argentier parmi les métiers de l’hôtellerie. Qu’en pense l’Académie française ? «Officier qui était préposé à la cour pour distribuer certains fonds d’argent. Il se disait particulièrement du Surintendant ou ministre des Finances. Le grand argentier. Il se disait aussi de Celui qui faisait le commerce d’argent» (huitième édition).

Marc Bibeau n’ayant pas été ministre des Finances — et n’étant pas un meuble, même s’il en a longtemps fait partie —, on peut se demander si argentier, utilisé pour désigner le collecteur de fonds en chef d’un parti politique, est un québécisme. (Collecteur de fonds est probablement aussi un québécisme.)

Amis francophones, qu’en dites-vous ?

P.-S. — Le mot est rarement pris en bonne part. Argentier vient souvent avec un parfum de scandale (potentiel). L’argent a une odeur.

 

[Complément du jour]

Dans les années 1970-1980, un jeu télévisé de Radio-Canada, le Travail à la chaîne, avait son «Grand argentier». (Merci à @machinaecrire pour le souvenir.)

 

[Complément du jour]

Réponse, venue de Belgique : le mot y existe, dans le même sens qu’au Québec. Exemples : «L’ancien argentier du PS avait 62 ans. François Pirot, l’éminence déchue» (le Soir, 7 février 2004); «L’ancien argentier des Tories avait pourtant investi huit millions de livres pour le parti conservateur» (le Soir, 21 septembre 2015). Là comme ici, l’argentier peut être grand : «Le grand argentier de Suez est appelé à occuper une place de choix dans le futur groupe formé avec Gaz de France» (le Soir, 3 octobre 2006).

 

Illustration : Jacques-Émile Ruhlmann, argentier, 1921, collections du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, photo par Sailko déposée sur Wikimedia Commons

Autopromotion 291

Mediapart, 8 avril 2017, manchetteMediapart a récemment envoyé à Montréal le journaliste Antoine Perraud pour essayer de comprendre l’«ontologie du “justintrudeauïsme”». Son article vient de paraître. On peut y lire quelques propos de l’Oreille tendue sur la langue du premier ministre du Canada. (Ce n’est pas la première fois qu’elle se livre à l’exercice.)

Pas de «gentleman trappeur» ici, ni de confusions comme celles de la journaliste française (fictive) Sandrine Rambalde-Cochet de l’émission À la semaine prochaine : Antoine Perraud a bien fait ses devoirs.

P.-S. — On a longtemps pu entendre Antoine Perraud à France Culture. L’Oreille pleure encore la disparition de son émission Tire ta langue.