Se le protéger

Université de Montréal, site COCO, logo, 2024

Soit la phrase suivante, tirée du roman l’Angle mort (2002) :

Je vieillis, mon rétroviseur me le répète encore. Salaud de rétroviseur. Yeux délavés. Cheveux filasse. S’effilochent, dégarnissent le coco. De plus en plus difficile à masquer, le coco. Problème d’alopécie. Me fait une belle jambe de connaître le mot (p. 32).

Ce personnage cale. Son coco — sa tête, dans le français populaire du Québec — se dépouille.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), coco est aussi un «terme d’affection» : «Mon petit coco.»

C’est à ce double emploi qu’ont pensé les concepteurs d’un site web qui «propose une trousse à outils aux parents, éducateurs et enseignants pour détecter et prendre en charge les commotions cérébrales chez les enfants de six ans et moins».

Pour les cocos qui se cognent le coco, il y a dorénavant COCO (Communication • Commotion).

Joli.

 

[Complément du jour]

Comme le fait remarquer, dans les commentaires ci-dessous, une lectrice plus attentive que l’Oreille tendue, l’image retenue par COCO évoque aussi un œuf : un coco, donc.

 

Référence

Chassay, Jean-François, l’Angle mort. Roman, Montréal, Boréal, 2002, 326 p.

Découverte bien tardive

Claude Steben, dans le rôle du Capitaine Cosmos, les Satellipopettes, 1978-1987

L’Oreille tendue savait déjà que l’expression «Deux morceaux de robot», au Québec, récompensait une bonne réponse.

Exemple :

«— Tu veux dire que le projet de troisième lien destiné aux automobiles à Québec n’a jamais eu de sens ?
— Deux morceaux de robot pour toi !»

L’Oreille ne s’était jamais toutefois demandé d’où venait cette expression.

L’exposition De Pépinot à la Pat’ patrouille. Notre enfance télévisuelle du Musée canadien de l’histoire lui a fourni l’explication.

Dans l’émission pour enfant les Satellipopettes (1978-1987, soit bien après l’enfance de l’Oreille), le Capitaine Cosmos, joué par Claude Steben, «est l’animateur d’un populaire jeu de questions et d’adresse opposant des élèves de deux écoles primaires. / Lorsqu’une équipe gagne, elle remporte un ou des morceaux en vue de construire son robot.»

À votre service.

De la garderie au stade

Cactus du Collège Notre-Dame, logo

Quiconque a fréquenté les garderies québécoises connaît le pronom de la deuxième personne du singulier du pluriel : Là, les enfants, tu mets ton manteau.

Avant aujourd’hui, l’Oreille tendue n’avait pas noté son emploi sur les terrains de football.

L’entraîneur de son fils cadet : «La diffense, fais un jeu.»

Celui de l’autre équipe, celle qui a perdu : «Fuck ! Place-toi, la défense.»

Il est vrai que les petits finissent par grandir.

P.-S. — En prévision de ce match, le premier de la carrière de Fils cadet, l’Oreille a mis à jour son introduction au vocabulaire du football.

Accouplements 64

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

C’était en 2010. L’Oreille tendue s’inquiétait du fait qu’on puisse acheter des enfants dans une grande chaîne de librairies.

Publicité des librairies Indigo, 2010

L’autre jour, l’ami François Bon tombe sur ceci au supermarché :

«Enfant / Allégé à / tartiner», photographie de François Bon, juillet 2016

(Commentaire : «prometteur mais non vegan.»)

Qu’il est dangereux d’être petit aujourd’hui !

 

[Complément du 7 novembre 2017]

Vu sur Twitter :

Le Führer à Montréal ?

Johanne Ménard, Connais-tu Maurice Richard ?, 2010, couverture

Parmi les collections documentaires des Éditions Michel Quintin, l’une s’intitule «Connais-tu ?». Il s’agit d’une «collection pour rire et pour s’instruire»; on veut y être «humoristique», «fantaisiste», «instructif». On y vise un public âgé «de 8 ans et plus». Après Barbe Noire, Cléopâtre, Marco Polo et Érik le Rouge, c’est autour du hockeyeur québécois Maurice Richard (1921-2000) d’y entrer.

On trouve dans Connais-tu Maurice Richard ? les principaux faits d’armes du célèbre numéro 9 des Canadiens de Montréal : les succès précoces, les cinq buts et les trois étoiles contre les Maple Leafs de Toronto, les cinq buts et les trois passes contre les Red Wings de Detroit au terme d’une journée de déménagement, l’émeute du 17 mars 1955, la longévité et les records, etc.

La lecture est clairement ethnique : Richard est le héros des Canadiens français; il est bafoué par les méchants Canadiens anglais, qu’il s’agisse des joueurs des autres équipes ou des autorités de la Ligue nationale de hockey, au premier chef son président, Clarence Campbell. Tout cela est banal, parfaitement convenu : c’est la vulgate richardienne, que peu de personnes (l’Oreille tendue en est) essaient de nuancer. Dès la Deuxième Guerre mondiale ou tout de suite après, du moins tel qu’on (se) représente cette époque aujourd’hui, la dichotomie francophones / anglophones se serait imposée :

Maurice Richard devient vite l’idole des Canadiens français, celui qui réussit à en imposer.

À cette époque-là, les francophones ont souvent les emplois les moins bien payés et se sentent opprimés. Maurice représente pour eux le succès et la force (p. 32-33).

Ce qui est moins banal est la représentation visuelle du méchant Canadien anglais en patron colérique.

Un patron canadien-anglais qui ressemble à… Hitler

Le visage de ce patron qui s’en prend aux «Pea Soup» — c’est l’injure utilisée par certains Canadiens anglais pour décrire les Canadiens français — évoque celui — combien honni — d’un des plus grands bourreaux du XXe siècle. Même type de costume, même coupe de cheveux, même moustache, même colère, même recours à l’invective raciale.

Portrait d’Adolf Hitler

Cet amalgame est un bien troublant message à transmettre à nos chères têtes blondes.

 

Référence

Ménard, Johanne, Connais-tu Maurice Richard ?, Waterloo (Québec), Éditions Michel Quintin, coll. «Connais-tu ?», 5, 2010, 63 p. Illustrations et bulles de Pierre Berthiaume.