Autopromotion 268

Conférence sur Maurice Richard, affiche, novembre 2016

L’Oreille tendue s’en va voir ailleurs si elle y est. Elle en profitera pour causer à l’Université de Rouen.

«Le plus beau but de l’histoire du monde. Maurice Richard et la culture sportive au Québec», cours d’histoire, 15 novembre 2016, 14 h.

«Langue et littérature au Québec en 2016», cours sur les littératures des Amériques en français, 16 novembre 2016, 11 h.

«André Belleau et le cinéma», colloque Le créateur et son critique, 18 novembre 2016, 11 h 30.

Autopromotion 266

[L’ouvrage d’Alex Gagnon est désormais en librairie.]

L’Oreille tendue, à ses heures, est éditrice. Aux Presses de l’Université de Montréal, elle a lancé la collection «Socius» et, avec Florence Noyer, la collection «Profession».

Désormais, question de se tenir occupée, elle éditera également des livres chez Del Busso éditeur.

Le premier titre édité par ses soins est en production. Il s’agit de quinze textes initialement publiés par Alex Gagnon sur le blogue Littéraires après tout, revus et rassemblés sous le titre Nouvelles obscurités. Lectures du contemporain. L’ouvrage paraîtra au début de 2017.

P.-S. — Oui, il s’agit du même Alex Gagnon qu’ici.

 

[Complément du 12 décembre 2016]

En primeur, la couverture de l’ouvrage.

Alex Gagnon, Nouvelles obscurités, 2016, couverture

[Complément du 5 janvier 2017]

Le livre paraîtra au cours des prochains jours.

En attendant, trois choses…

Sa quatrième de couverture

«La fin du monde est annoncée, la liberté d’expression revient à l’ordre du jour et la jeunesse subit la fessée et l’arrogance de ses pères. Pendant ce temps, tout le monde devient un contribuable.»

La lecture du monde contemporain que propose Alex Gagnon est savante et rigoureuse mais sans hermétisme, libre et décontractée mais sans désinvolture. Elle emprunte à la critique littéraire, non pas ses objets habituels, mais sa démarche et son intérêt pour la manipulation des mots. Sa prose entre partout, dans la chambre à coucher d’Henriette Dessaulles comme dans celle de George Orwell. Elle croise des hommes féministes et descend dans la rue pour y entendre des manifestants. Elle visite aussi les urnes de notre système électoral pour se rendre jusqu’à l’Assemblée nationale, où elle se frotte aux discours de Philippe Couillard avant d’être happée par l’imagination romanesque de José Saramago.

Chercheur postdoctoral à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université Paris I, Alex Gagnon est l’auteur du livre La communauté du dehors. Imaginaire social et crimes célèbres au Québec (XIXe-XXe siècle), paru aux Presses de l’Université de Montréal en 2016.

Sa table des matières

Présentation

Première partie
Pathologies politiques de notre temps

1. Fictions et réalités de la politique. La lucidité de José Saramago

2. Quand définir, c’est faire. La politique comme acte de langage

3. La bijouterie ministérielle

4. Du citoyen au contribuable. L’image du dèmos dans le discours politique

5. Sens et non-sens du vote. Pour une sémiologie de l’acte électoral

6. Intermittences et disparitions du politique

7. Politique et imaginaire

Deuxième partie
Paysages du présent

8. Pour une éthique de la discussion. La liberté d’expression selon John Stuart Mill

9. La juvénophobie

10. Les nouveaux épicuriens

11. Nous sommes Santiago Nasar

12. La chambre d’Henriette Dessaulles

13. Alliés droits et alliés gauches. Hommes et féminisme

14. La disparition des «intellectuels»

15. Nous autres, cyniques

Remerciements

L’annonce de son lancement

Invitation au lancement du 25 janvier 2017

Accouplements 75

Normand Lalonde, Autoportrait aux yeux crevés, 2016, couverture

 

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue a déjà cité à plusieurs reprises cette phrase d’André Belleau datée de 1966 :

«J’aime la chanson actuelle de toute ma faiblesse» (éd. de 1986, p. 63).

Comment ne pas y penser en lisant le recueil Autoportrait aux yeux crevés (2016) de Normand Lalonde ?

«Parfois, lutter de toutes ses forces n’est pas suffisant. Il faut alors lutter aussi de toutes ses faiblesses» (p. 9).

P.-S. — Il a été question des aphorismes de Normand Lalonde .

 

[Complément du 10 mai 2022]

Saint-Just, dans son poème érotique Organt (1789), a la clé de cela : «Le cœur humain est né pour la faiblesse» (cité par Arnaud Maïsetti, p. 51).

 

Références

Belleau, André, «La rue s’allume», Liberté, 46 (8, 4), juillet-août 1966, p. 25-28; repris dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 17-19; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 59-63; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 59-64. https://id.erudit.org/iderudit/30058ac

Lalonde, Normand, Autoportrait aux yeux crevés. Petites méchancetés et autres gentillesses, Montréal, L’Oie de Cravan, 2016, 60 p. Suivi de «Normand Lalonde (1959-2012). Portrait aux yeux mouillés», par Manon Riopel et Jean-François Vallée.

Maïsetti, Arnaud, Saint-Just & des poussières, Bordeaux, L’arbre vengeur, 2021, 327 p.

Écrire pendant qu’il est temps

Normand Lalonde, Autoportrait aux yeux crevés, 2016, couverture

 

«Rassurez-vous. Pas plus qu’un autre,
je ne saurais tenir indéfiniment une note très grave.»

En 1995 — l’Oreille tendue y était —, Normand Lalonde, qui lui avait déjà consacré son mémoire de maîtrise, soutenait à l’Université de Montréal sa thèse de doctorat sur Flaubert : «Flaubert et la faute du temps. Éternité, évolution et origine dans Bouvard et Pécuchet

C’est ce Flaubert, celui de Bouvard et Pécuchet, qui est en épigraphe à son recueil Autoportrait aux yeux crevés. Petites méchancetés et autres gentillesses : «Pécuchet jusqu’à deux heures du matin se promena dans sa chambre. Il ne reviendrait plus là; tant mieux ! Et cependant, pour laisser quelque chose de lui, il grava son nom sur le plâtre de la cheminée.»

Ces phrases ont une résonance particulièrement forte aujourd’hui. «Ne plus revenir là» ? En effet : diagnostiqué d’une tumeur au cerveau en 2007, Normand Lalonde est mort en 2012. «Laisser quelque chose de lui» ? Dans l’ordre littéraire, ce sera ce livre, «sélection» (p. 60) des aphorismes qu’il a écrits durant les cinq dernières années de sa vie.

Professeur de littérature et de cinéma au collège Maisonneuve à Montréal, Normand Lalonde était un homme de livres et de mots. Deux des trois lignes de force du recueil l’attestent.

L’homme de livres évoque quelques auteurs, assez peu nombreux (outre Flaubert, une quinzaine), mais il est sensible à la vie de la littérature et, surtout, il ne cesse de s’interroger sur sa propre pratique. Plusieurs aphorismes portent sur les pouvoirs du langage, notamment une série ayant pour centre la formule «Tout a été dit» (p. 55-57). D’autres prennent la forme même de l’aphorisme comme objet. Pourtant, Lalonde écrit : «Quand on montre aux autres ses origamis, on ne les déplie pas» (p. 33). C’est un de ces paradoxes que l’auteur affectionne : il fait voir de quoi les aphorismes sont faits, tout en disant ne pas le faire.

L’homme de mots aime reprendre et déplacer les phrases toutes faites et cela dès l’ouverture du livre : «Ô Poésie ! Que de rimes en ton nom l’on commet !» (p. 8) La tâche semble passionner Lalonde, qui la sait ardue : «Il n’est pas si facile de s’approprier un lieu commun» (p. 44). Les exemples sont partout : «Les paroles s’envolent, les écrits s’écrasent» (p. 10); «Une fois qu’on a jeté le bébé, rien ne sert de garder l’eau du bain» (p. 24); etc.

La dernière ligne de force du recueil rassemble les textes concernant la maladie et la mort. Le ton n’est pas celui de la lamentation. L’humour (noir) est partout présent. Normand Lalonde savait qu’il allait mourir, mais cela ne l’empêchait pas de noter des choses comme celles-ci : «J’ai vu mon neurochirurgien, mon radiothérapeute et mes deux oncologues ce matin. Ils avaient l’air en forme» (p. 28); «Rien ne sert de pourrir. Il faut partir à point» (p. 42); «Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là» (p. 55); «L’ironie lasse vite. Et la vie est extrêmement longue» (p. 53). Pour Normand Lalonde, elle ne l’aura pas été. Il le sait et le dit, sans s’appesantir, avec l’élégance de celui qui refuse d’exhiber sa condition.

Ces lignes de force regroupent beaucoup de textes, mais pas tous.

On appréciera encore :

les synthèses historiques : «Adam et Ève n’avaient peut-être pas de nombril, mais leurs descendants se sont amplement rattrapés» (p. 39);

les choses vues : «Dans les quartiers huppés et dans les bidonvilles, il n’y a pas de trottoirs» (p. 25);

les raisonnements imparables : «Un rôti de veau n’est pas un jeune rôti de bœuf» (p. 49);

les conseils : «Commence par te demander sérieusement ce que tu ferais si tu étais à ta place» (p. 46).

Ce ne sont pas les plus nombreux, mais quelques aphorismes abordent la politique, parfois de façon indirecte : «J’aimerais mieux appartenir à une grappe de raisins qu’à un régime de bananes» (p. 50). Dans ces Petites méchancetés et autres gentillesses, il est notamment question de l’indépendance du Québec, sur laquelle Lalonde ne se faisait pas d’illusion : «N’ayez aucune crainte. Dans un Québec libre, tout serait possible. Exactement comme aujourd’hui» (p. 20).

Normand Lalonde aura laissé les signes d’une forte individualité, sensible au monde autour de lui, et une voix d’auteur.

P.-S. — Lalonde est de ces écrivains qui aiment Tintin : «Ce n’est tout de même pas ma faute si Les bijoux de la Castafiore sont un des sommets de l’art du vingtième siècle» (p. 28); «Si je n’étais Tintin, je voudrais être Diogène» (p. 30). On ne saurait le lui reprocher.

 

Références

Lalonde, Normand, «Bibliothèques de Bouvard et Pécuchet», Montréal, Université de Montréal, mémoire de maîtrise, 1988, 84 p.

Lalonde, Normand, «Flaubert et la faute du temps. Éternité, évolution et origine dans Bouvard et Pécuchet», Montréal, Université de Montréal, thèse de doctorat, 1995, viii/300 p.

Lalonde, Normand, Autoportrait aux yeux crevés. Petites méchancetés et autres gentillesses, Montréal, L’Oie de Cravan, 2016, 60 p. Suivi de «Normand Lalonde (1959-2012). Portrait aux yeux mouillés», par Manon Riopel et Jean-François Vallée.