L’oreille tendue de… Jean-François Nadeau

Lettres québécoises, 193, été 2024, couverture

«Dans l’éternité du temps contenu dans un instant de vie passé en forêt à tendre l’oreille, les êtres humains se nourrissent d’abord de mythe pour s’éviter de mourir du froid qui ronge leurs vies en toutes saisons.»

Jean-François Nadeau, «Le prisme de la chasse», Lettres québécoises, 193, été 2024, p. 100-101, p. 101.

L’oreille tendue de… Pierre Nepveu

Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde, 1998, couverture

«Les Amérindiens nourrissent de ce point de vue, même dans leur absence, le chant profond du continent : basse continue de l’anéantissement, présence fantomatique qui anime le moindre paysage et lui donne sa déchirante mélancolie. Parler des Amériques, c’est forcément, tôt ou tard, en venir à parler d’eux, mais aussi à eux, comme s’ils tendaient éternellement l’oreille à nos discours et nos chants, comme s’ils étaient le foyer auditif du Nouveau Monde.»

Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde. Essais sur les littératures du Québec et des Amériques, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1998, 378 p., p. 210-211.

Canidé dégarni

16 mai, «Journée mondiale des chiens pas de médaille»

Dans le français populaire du Québec, le chien pas de médaille peut désigner, péjorativement, une personne. La référence à l’animalité (chien) et à ce qui lui manquerait (la médaille) n’augure rien de bon.

C’est à cela que pense Léandre Bergeron en 1980 : «Être un chien-pas-d’médaille», «Être un tout-nu-dans-à-rue» (p. 315, sous «médaille»).

Il fallait Serge Bouchard pour réhabiliter ce canidé dégarni. C’est dans Un café avec Marie :

Pour le chien que l’on promène, la liberté n’est plus la liberté, c’est devenu un jeu, un loisir, un exercice pour garder la forme. Sa liberté est une distraction bien encadrée. Car le chien véritablement libre deviendrait vite un chien-loup, c’est-à-dire un chien perdu pour la société cultivée, un authentique chien “pas de médaille”. Il irait où il veut (p. 155-156).

La pauvreté n’empêche pas la liberté.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.

Vaut mieux en avoir

François Hébert, Montréal, 1989, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai que consacrait François Hébert à Montréal en 1989 :

Gaston Miron a fait ce qu’il a pu pour réveiller l’autre solitude. Torrent essayant de tenir dans une main sa source et dans l’autre son embouchure, un peuple sur la tête et une femme à sa hanche, il déboulait parfois dans la succursale de la Banque Royale, encore elle, où travaillait un ami à qui il déclamait son dernier poème, devant des bovins estomaqués qui attendaient à la caisse voisine pour déposer ou retirer quelque foin (p. 69).

«Quelque foin» ? Dans la langue populaire du Québec, le mot foin désigne l’argent, pas seulement la nourriture des «bovins».

À votre service.

P.-S.—On ne peut rien vous cacher : nous avons déjà causé pognon ensemble.

 

Référence

Hébert, François, Montréal, Seyssel, Champ vallon, coll. «Des villes», 24, 1989, 103 p.

Accouplements 234

Claude Roy, Temps variable avec éclaircies, 1984, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Belleau, André, «Teilhard de Chardin (1881-1955)», émission pour la radio de Radio-Canada, série «Philosophes et penseurs», 39, 19 juillet 1964.

«une pensée, tout comme la plus belle fille du monde, ne peut donner que ce qu’elle a» (p. 2).

Roy, Claude, Temps variable avec éclaircies, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 1984, 109 p.

«La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’on a» (p. 59).