Agression de l’oreille de l’Oreille

Dans Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, Charles Péguy écrit : «Il n’y a qu’un aventurier au monde, et cela se voit très notamment dans le monde moderne : c’est le père de famille.» C’est donc armé de tout son instinct aventureux que l’Oreille tendue a accompagné hier son fils cadet à l’entraînement public que tiennent annuellement les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

Elle y a risqué sa santé auditive — elle aime bien se plaindre du niveau sonore dans les lieux sportifs —, mais elle n’a pas pu ne pas y tendre l’oreille. Exemples.

À une certaine époque, on se plaignait de l’absence de musique francophone au domicile des Canadiens. Depuis, la situation a été un peu corrigée. Ainsi, hier, on a pu entendre la chanson «Le but» de Loco Locass, le groupe hip-hop québécois engagé, au Centre Bell pendant l’entraînement Provigo.

Alors que le flambeau est le symbole qu’affectionne le plus l’équipe de marketing de l’équipe de Montréal, il était absent de cet entraînement. Commencerait-il, façon de parler, à s’émousser ?

À un moment, on a demandé à Michel Therrien, l’entraîneur de l’équipe, ce qu’il pensait du fait que près de 20 000 personnes s’étaient déplacées tôt un dimanche matin pour assister à un de ses entraînements. Il a répondu en soulignant que cet événement faisait vibrer les partisans. (L’Oreille ne sait pas si tout leur être vibrait, mais leurs tympans, eux, sans aucun doute.)

L’ex-gardien Marc Denis jouait le rôle de maître de cérémonie. À plusieurs reprises, il a associé «le monde» et l’adjectif démonstratif «leur». Il rappelait par là que le mot monde, au Québec, a valeur de pluriel (Le monde, on risque de leur faire perdre l’ouïe).

Ce sera tout, pour l’instant, en matière d’aventures dominicales de l’Oreille. Qu’on se rassure : elle n’est pas devenue complètement sourde.

Le zeugme du dimanche matin et de Véronique Côté

Véronique Côté, la Vie habitable, 2014, couverture

«Alors que tout nous indique qu’il faudra le plus tôt possible sortir de notre dépendance aux combustibles fossiles, nous continuons à construire de petits paquets de maisons toutes pareilles qui ne peuvent être occupées sans que leurs propriétaires brûlent de l’essence matin et soir pour les quitter puis les retrouver, au bout du jour, chargés d’une épicerie géante et de la fatigue ramassée sur les ponts, les boulevards et les viaducs.»

Véronique Côté, la Vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 06, 2014, 94 p., p. 58.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Bernard Maris (1946-2015)

«Je suis Charlie», Nasdaq, New York, janvier 2015

4 janvier 2015

Un collègue de l’Oreille tendue, Frédéric Bouchard, donne une entrevue à l’émission radiophonique les Années lumière de Radio-Canada (on peut l’entendre ici, à partir de la 59e minute). Il dit à Yannick Villedieu s’intéresser au statut des experts dans les sciences.

6 janvier 2015

Écoutant l’entrevue, l’Oreille signale à son collègue un texte qu’elle a publié en 2002 où elle aborde brièvement cette question. Elle y cite la Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles de Bernard Maris (1999). Pour celui-ci, les experts sont des «marchands de salades».

8 janvier 2015

Lisant la Vie habitable de Véronique Côté (2014), l’Oreille tombe sur cette citation de Capitalisme et pulsion de mort de Gilles Dostaler et Bernard Maris (2010) : «La technique appelle l’utilité, et l’utilité la laideur. […] La beauté ne fait pas partie du plan capitaliste. À l’inutile et à la beauté, il n’est pas nécessaire de donner d’explication, c’est pourquoi la technique et la loi rationnelle les ignorent» (cité p. 20).

7 janvier 2015

Bernard Maris fait partie des collaborateurs de Charlie hebdo assassinés en réunion de rédaction. Il reste la lecture de ses textes.

 

Références

Côté, Véronique, la Vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 06, 2014, 94 p. Ill.

Dostaler, Gilles et Bernard Maris, Capitalisme et pulsion de mort, Paris, Fayard, coll. «Pluriel», 2010 (édition révisée), 168 p.

Maris, Bernard, Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Paris, Albin Michel, coll. «Lettre ouverte», 1999, 190 p.

Melançon, Benoît, «Notice sur la précarité romanesque ou ANPE, ASSEDIC, CDD, CV, DDASS, HLM, IPSO, RATP, RMI, SDF, SMIC et autres TUC», dans Pascal Brissette, Paul Choinière, Guillaume Pinson et Maxime Prévost (édit.), Écritures hors-foyer. Actes du Ve Colloque des jeunes chercheurs en sociocritique et en analyse du discours et du colloque «Écritures hors-foyer : comment penser la littérature actuelle ?». 25 et 26 octobre 2001, Université de Montréal, Montréal, Université McGill, Chaire James McGill de langue et littérature françaises, coll. «Discours social / Social Discourse», nouvelle série / New Series, 7, 2002, p. 135-158. https://doi.org/1866/13815

Trois lectures pour 2014

Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif, 2014, couverture

L’Oreille tendue n’est pas friande des rétrospectives (euphémisme). Cela étant, il peut lui arriver de se demander ce qu’elle a fait de son temps au cours des douze derniers mois. Évidemment, elle a lu. Quoi ? Entre autres, ces trois livres. Et elle en parlé, ici ou ailleurs.

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Ici.

Klemperer, Victor, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot, présenté par Sonia Combe et Alain Brossat, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p.

Ailleurs.

Minaudier, Jean-Pierre, Poésie du gérondif. Vagabondages linguistiques d’un passionné de peuples et de mots, Le Rayol Canadel, Le Tripode, 2014, 157 p. Ill.

Ici.

P.-S. — Il existe une rétrospective de ce blogue, mais ce n’est pas l’Oreille qui l’a préparée.

Le zeugme du dimanche matin et de Paul Fournel

Paul Fournel, les Athlètes dans leur tête, couverture

«Il sait que le maillot jaune racontera ce que son directeur sportif lui a dit de raconter, ce que son employeur veut qu’il dise, ce que le peloton dit, ce que dit l’Équipe : le vélo fait mal aux cuisses, aux mollets, au moral, aux reins, à l’honneur; il faut pédaler malgré la pluie et la diarrhée, et tout cela est une torture à 12 000 francs par mois avec, en prime, le titre ronflant de “forçat de la route”…»

Paul Fournel, les Athlètes dans leur tête, Paris, Seuil, coll. «Points», 1994, 118 p., p. 88.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)