Le zeugme du dimanche matin et de Russell Banks

Russell Banks, Lost Memory of Skin, 2011, couverture

«He’s been replaying the instant out there on the Causeway in the hurricane-force wind and rain when the Rabbit stopped trying to stand on crutches and just gave it all up, when he ceased to fight gravity and pain and let his tired broken old body tumble down the hill into the rising floodwaters.»

Russell Banks, Lost Memory of Skin. A Novel, Toronto, Alfred A. Knopf Canada, 2011, 416 p., p. 362.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Choix éditoriaux du passé

 

Ernest Hemingway, To Have and Have Not, éd. 1976, couverture

Ernest Hemingway publie en 1937 To Have and Have Not, un court roman interminable.

Les choix éditoriaux de Penguin Books, dans l’édition de 1955, étonnent, vus de 2021.

Le mot en n-, dans ses deux versions, est partout, en toutes lettres, de même que le mot en ch- (pour désigner les Asiatiques).

En revanche, shit est ramené à «s—», et fuck à «f—».

Les éditeurs d’hier n’avaient pas la même sensibilité lexicale que ceux d’aujourd’hui.

 

Référence

Hemingway, Ernest, To Have and Have Not, Harmondsworth, Penguin Books, 1976, 205 p. Édition originale : 1955.

Les zeugmes du dimanche matin et de Barack Obama

Barack Obama, A Promised Land, 2020, couverture

«But when Teddy Roosevelt came into office, he determined that a single building couldn’t accommodate a modern staff, six boisterous children, and his sanity» (p. 3).

«But their influence over the Republican Party had by then been supplanted by billionaire ideologues like David and Charles Koch, who had spent decades and hundreds of millions of dollars systmetically building a network of think tanks, advocacy organizations, media operations, and political operatives, all with the express goal of rolling back every last vestige of the modern welfare state» (p. 261).

Barack Obama, A Promised Land, New York, Crown, 2020, 751 p. Ill.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 19 août 2021.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Obama épistolier

Barack Obama, A Promised Land, 2020, couverture

Certains disent que l’Oreille tendue se répète. D’autres, qu’elle radote. Tous ont raison.

Prenons un exemple : depuis plus de 25 ans, elle ne cesse de dire que le genre épistolaire, malgré ce que l’on entend partout, n’est pas en train de disparaître. Les gens écrivent encore des lettres aujourd’hui; ils en écrivent beaucoup moins, certes, et souvent dans des circonstances particulières, mais ils continuent de pratiquer cette forme d’écriture.

La preuve ? Barack Obama.

Dans ses Mémoires récents — oui, avec la majuscule initiale et au masculin —, A Promised Land (2020), le 44e président des États-Unis évoque à plusieurs reprises sa pratique épistolaire.

Ce qui concerne l’utilisation du courriel était prévisible. D’une part, on l’a assez dit, la campagne d’investiture, puis la campagne présidentielle, d’Obama ont eu très largement recours à l’univers numérique (p. 130). D’autre part, comme tout organisme contemporain, le gouvernement états-unien carbure au courrier électronique, de même que les militants, tous partis confondus.

Quand il devient sénateur à Washington en 2005, Obama confie à Pete Rouse une mission capitale («Most important»), celle de créer et de coordonner un bureau de la correspondance («the correspondence office») chargé de trier le courrier qu’il reçoit des citoyens et de leur répondre de la façon la plus adéquate possible : «“People may not like your votes,” Pete said, “but they’ll never accuse you of not answering your mail !”» (p. 56) Ne pas répondre à son courrier, même volumineux (p. 65) ? Cela ne se fait pas. Mieux encore : Obama signe lui-même les réponses préparées par son personnel (p. 66), de même que des mots de remerciements et des cartes d’anniversaire plus personnalisés (p. 90, p. 251).

Devenu président, en 2009, il demande à voir quotidiennement des lettres qui lui sont adressées à la Maison-Blanche (p. 267-269, p. 698-699). Il ne s’agit évidemment pas de toutes les lettres et de tous les courriels — il y en a environ dix mille par jour —, mais d’un échantillon de dix textes sélectionnés par son équipe, messages auxquels il répond à la main. Cette activité a une dimension quasi rituelle : «They were often the last thing I looked at before going to bed» (p. 268); «I couldn’t expect people to understand how much their voices actually meant to me — how they had sustained my spirit and beat back whispering doubts on those late, solitary nights» (p. 306). Dans la nuit («bed», «nights»), la lettre reste la possibilité d’un échange.

Plus sombres sont les lettres de condoléances qu’il adresse, une fois par semaine, aux proches des militaires tombés au combat (p. 429-430).

Barack Obama ne correspond pas, sur papier, qu’avec les citoyens des États-Unis; il a aussi des échanges avec ses collègues et vis-à-vis. Par exemple, le sénateur Ted Kennedy lui écrit au sujet de la réforme du système de santé, mais il demande que sa lettre ne soit transmise qu’après sa mort; le président la citera dans un discours au Capitole (p. 410-411). Il fait parvenir une lettre secrète à l’ayatollah Khomeini, qui lui répond sèchement (p. 454). La Chine se sert du courrier pour formuler ses plaintes commerciales (p. 474).

Il y a peut-être là un sujet à explorer : la communication des élus avec leurs électeurs, leurs collègues et leurs interlocuteurs étrangers n’est-elle pas une des manifestations les plus concrètes, au XXIe siècle, de la nécessité de la lettre ?

P.-S.—L’Oreille a déjà dit quelques mots de la pratique de la lettre de Barack Obama dans le cadre de l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit !, le 24 avril 2018.

 

Référence

Obama, Barack, A Promised Land, New York, Crown, 2020, 751 p. Ill.

Portrait de professeur en tombe

Russell Banks, Lost Memory of Skin, 2011, couverture

«It sounds like the Professor will do most of the talking anyhow. He’s a professor, after all. It’s possible the guy can help the Kid find a job at the university on the grounds crew or something and a more or less permanent place to live. You never know. The Kid has never met a real professor before but they’re supposed to be smart and people respect them and they don’t work for the cops or the state. Besides they’re like priests and shrinks, right ? Everything you tell them is strictly confidential.»

Russell Banks, Lost Memory of Skin. A Novel, Toronto, Alfred A. Knopf Canada, 2011, 416 p., p. 80.