Aide à la prononciation demandée

Chez M éditeur, Robert Cadotte vient de publier un livre intitulé Lettre aux enseignantEs. Le E majuscule serait là, féminisation mécanique oblige, pour indiquer que le livre s’adresse «aux enseignants et aux enseignantes», mais qu’il y a plus d’enseignantes que d’enseignants.

Question un peu bête (l’Oreille en convient) : comment demande-t-on ce titre à son libraire ? Doit-on tenir compte de la majuscule ? Faut-il y faire sentir l’accent tonique ?

Ça ne va pas de soi. La preuve ? Entendu à la radio hier soir, l’auteur lui-même ne sait pas quoi faire avec son propre titre.

 

Référence

Cadotte, Robert, Lettre aux enseignantEs. L’école publique va mal ! Les solutions dont on ne veut pas parler, M éditeur, coll. «Mobilisations», 2012.

Sexisme ordinaire ?

«Ta race est d’une stupidité rare
et d’un sexisme affligeant,
Nikopol.»
Enki Bilal, la Foire aux immortels

Hélène Desmarais a récemment été nommée à l’Académie des grands Montréalais. Comment le Devoir la présente-t-elle ? «“Une grande dame de Montréal.” Hélène Desmarais fréquente les conseils» (17 novembre 2010, p. C3).

Faut-il comprendre que l’«épouse de Paul Desmarais» fréquente «les conseils» — entendre : «les conseils d’administration» — comme d’autres «fréquentent» les salons de thé ou les ventes de garage ? Non : elle préside, par exemple, les conseils d’administration de HEC Montréal, de la Société de développement économique Ville-Marie, de la Société d’investissement Jeunesse et de l’Institut économique de Montréal. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

De Liège à Ajaccio

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de citer ce souvenir de Christian Vandendorpe :

L’orateur s’éclaircit la gorge et commença : «Les Québécois et les Québécoises, les Français et les Françaises, les Suisses et les Suissesses ainsi que les Belges ont en commun une langue…». Ma voisine gloussa : «Qu’est-ce que c’est que ce peuple qui n’est même pas fichu d’avoir les deux genres ?» (1995, p. 143)

Découvrant les exquises Notules dominicales de culture domestique de Philippe Didion, elle tombe sur ceci, où l’auteur parle d’une soirée électorale hexagonale à la radio et à la télévision :

j’aime les camemberts et les fourchettes, les estimations, les projections et les simulations, j’aime l’application politiquement correcte, c’est le cas de le dire, avec laquelle les candidats adressent leurs remerciements aux électrices et aux électeurs, aux Françaises et aux Français, aux Lorraines et aux Lorrains, aux Rhône-alpines et aux Rhône-alpins, aux Corses et aux Corses (2008, p. 106).

Belges et Belges, Corses et Corses, unissez-vous !

 

[Complément du 16 mai 2015]

C’est maintenant au tour des élèves et des élèves, chez Patrick Nicol, dans son Album qui vient de paraître, la Nageuse au milieu du lac :

L’objet de la réunion m’est enfin révélé : les personnes réunies ici, qui forment des techniciens et des techniciennes en inhalothérapie, tiennent à appuyer leurs étudiantes et leurs étudiants dans l’apprentissage ardu des matières de la formation générale dont elles reconnaissent par ailleurs la valeur et la nécessité, mais qui les laissent parfois, avouons-le, démunies devant leurs élèves et élèves […] (2015, p. 102).

 

Références

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.

Nicol, Patrick, la Nageuse au milieu du lac. Album, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 85, 2015, 154 p.

Vandendorpe, Christian, «Du fondamentalisme linguistique ou de la tentation de rectifier la pensée par le langage», Discours social / Social Discourse, vol. 7, no 1-2, hiver-printemps 1995, p. 135-152.

Patrick Nicol, la Nageuse au milieu du lac. Album, 2015, couverture

FRONTispice

Vu ceci hier, rue Drolet, à Montréal, qui a laissé l’Oreille tendue perplexe :

Le FRONT, rue Drolet, à Montréal, 30 juin 2009

Que sont ces «options non traditionnelles» ? Sont-elles éducatives ? Familiales ? Sexuelles ? Non : «Femmes Regroupées en Options dites Non Traditionnelles est un regroupement national de femmes qui travaillent ou étudient dans des secteurs d’emploi traditionnellement masculins.»

Heureusement qu’il y a Internet pour faire taire son imagination.

Citation ultra-outaouaise du jour

«L’orateur s’éclaircit la gorge et commença : “Les Québécois et les Québécoises, les Français et les Françaises, les Suisses et les Suissesses ainsi que les Belges ont en commun une langue…”. Ma voisine gloussa : “Qu’est-ce que c’est que ce peuple qui n’est même pas fichu d’avoir les deux genres ?”.»

Christian Vandendorpe, «Du fondamentalisme linguistique ou de la tentation de rectifier la pensée par le langage», Discours social / Social Discourse, vol. 7, no 1-2, hiver-printemps 1995, p. 135-152, p. 143.