«Elle passe son permis dans le secret, dompte la transmission manuelle et les rues de la ville en pente.»
Rebecca Makonnen, Dans mon sang, Montréal, Libre expression 2024, 227 p., p. 58.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Elle passe son permis dans le secret, dompte la transmission manuelle et les rues de la ville en pente.»
Rebecca Makonnen, Dans mon sang, Montréal, Libre expression 2024, 227 p., p. 58.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«On ne dit pas un mot, on sait que l’heure est grave. On écoute les pas de la police nationale se diriger vers nous. Silence. On tend l’oreille vers le ciel pour entendre les hélicoptères qui nous ont repérés. Silence. On commence à se détendre le tendu.»
Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, Montréal, Boréal, 2023, 312 p., p. 29.
P.-S.—Notons, si vous le voulez bien, l’expression «se détendre le tendu». Foi d’Oreille, elle est assez bien tournée.
L’écrivain québécois François Hébert (1946-2023) s’intéressait au cinéaste David Lynch. Déjà, en 1985, celui-ci apparaissait, sous sa plume, dans Monsieur Itzago Plouffe (pour l’Homme-éléphant, p. 63). On le croisera ensuite dans Pour orienter les flèches (Blue Velvet, p. 93) et dans Des conditions s’appliquent (Mulholland Drive, p. 39). Il sera plusieurs fois questions de lui dans Frank va parler : pour ses films (Blue Velvet, p. 29, p. 35; Mulholland Drive, p. 135), pour sa série télévisée (Twin Peaks, p. 30, p. 72, p. 83), pour un film de son fils, John, dans lequel il joue (Lucky, p. 30-32). Hébert fait, pour l’occasion, le portrait de Lynch, sous forme d’autoportrait :
C’est mon semblable, ce Lynch aux cheveux en brosse irrégulière dressés sur la tête comme un vieux pinceau, on a le même âge, sinon la même tronche, car j’ai plutôt une tête d’œuf. Le cinéaste est peintre, ça vous change le mal de place. Et je suis poète aux heures perdues, et presque toutes le sont ces temps-ci (p. 29).
François Hébert pratiquait aussi l’art du collage : «J’en ai fait un assemblage artistique avec des objets divers, presque digne d’un altruiste» (p. 30). Oui, c’est l’illustration ci-dessus.
David Lynch vient de mourir.
Références
Hébert, François, Monsieur Itzago Plouffe, Québec, Éditions du Beffroi, 1985, 96.
Hébert, François, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p.
Hébert, François, Des conditions s’appliquent. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2019, 75 p.
Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.
Soit la phrase suivante, tirée du premier roman de Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué : «Toutes les bâtisses de Chicoutimi sont construites sur une faille patchée par du béton et de l’asphalte» (p. 191).
Cela peut être appliqué à la pompe sanguine : «mon cœur / Y est patché plein de trous», chantait Gerry Boulet, du groupe Offenbach, dans «Faut que j’me pousse» (1969).
Patché(e) ? Rapiécé(e), dans le français populaire du Québec. Le mot y est féminin : une patch.
Ce n’est pas tout. Le patch, en informatique, c’est la rustine. En médecine, un médicament. Le mot est alors masculin, du moins en français de référence. Pas au Québec, où on a surtout recours au féminin. (Oui, c’est une divergence transatlantique.)
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Qui, dans la hiérarchie des motards criminels, qu’on dit parfois parfois et bizarrement criminalisés, grimpe les échelons gagne ses patchs. Le mot est dangereux.
À votre service.
Référence
Lambert, Kevin, Tu aimeras ce que tu as tué. Roman, Montréal, Héliotrope, «série P», 2021, 209 p. Édition originale : 2017.
«À vingt et un ans, Olivia a des cheveux roux incroyables et une passion pour la lecture» (p. 33).
«La classe revient aux anges, les professeures épuisées par le chaperonnage impossible de douze jeunes filles enivrées d’hormones et d’Italie» (p. 72).
«Ici, tout le monde a un travail, de beaux vêtements, des cappuccinos à volonté et des vieux dans des hôpitaux qui s’effondrent» (p. 88).
«Leur complicité se développe à l’écart de Betty, qui est moins drôle avec tous ses drames et ses médicaments» (p. 103).
«Ann se laisse porter par les événements, les sourires extatiques et les nuits trop courtes» (p. 134).
Julia Deck, Ann d’Angleterre. Roman, Paris, Seuil, 2024, 250 p.
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 30 décembre 2024.
(Une définition du zeugme ? Par là.)