Curiosités voltairiennes (et numériques)

Marcello Vitali-Rosati, Éloge du bug, 2024, couverture

«“Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin” : c’est la réplique finale du roman de Voltaire et celle-ci s’adapte bien à notre raisonnement en proposant un pont entre un jardin ancien, celui d’Épicure, et des jardins modernes. Il faut cultiver notre jardin. Cultiver un jardin n’est pas toujours facile, ni satisfaisant, ni productif. Le jardin est un refuge nous permettant de nous retrouver dans un lieu qui n’est pas structuré par les grands pouvoirs étatiques et économiques de notre époque. C’est un lieu plus petit, ouvert, en plein air, mais protégé. Le jardin n’est pas un lieu d’exploitation extensive, on ne le cultive pas comme on cultive les grandes étendues. Le jardin est un lieu et non un espace. Mais il y a aussi un autre élément crucial — présent dans la réplique de Candide également : le jardin peut — et doit — être partagé. C’est notre jardin et pas mon jardin. Le jardin et sa culture nous renvoient finalement à la nécessité de faire nous-mêmes des choses que nous ne voulons pas déléguer aux grandes entreprises numériques et de les faire ensemble. “Perdre” donc du temps en se consacrant à des occupations matérielles qui sont autant méprisées par la rhétorique de l’immatérialité mais qui seules peuvent nous redonner notre autonomie perdue.»

Marcello Vitali-Rosati, Éloge du bug. Être libre à l’époque du numérique, Paris, Éditions Zones, 2024, 208 p. PapierHTMLPDF

Voltaire est toujours bien vivant.

 

P.-S.—Les derniers mots de Candide sont «Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.»

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 1er octobre 2024.

Curiosités voltairiennes (et économiques)

Portrait de Volodymyr Zelensky

C’était dans le Daily Telegraph du 22 février 2025 : «Stock markets, on the other hand, take an almost Panglossian view of the future. Rather than seeing the Carthaginian peace about to be imposed on Zelensky for what it is — as part of a deadly deterioration in world affairs — they seem inclined to regard it, like Trump, as a possible way out from an otherwise never-ending war of attrition.»

Candide, dans le conte éponyme (1759), a un précepteur : «Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possibles» (chapitre premier).

Voltaire est toujours bien vivant.

Curiosités voltairiennes (et éveillées)

Georges Simenon, Maigret et l’inspecteur Malgracieux, 1947, couverture

«On vous a sans doute dit que les vieillards ont besoin de fort peu de sommeil… Il y a aussi des gens qui, pendant toute leur vie, dorment très peu… Cela a été le cas d’Érasme, par exemple, et aussi d’un monsieur connu sous le nom de Voltaire» (p. 47).

Simenon, qui écrit ce qui précède dans sa nouvelle «Le témoignage de l’enfant de chœur», n’est pas le seul à s’intéresser au sommeil des créateurs.

Tableau des heures de veille et de sommeil de plusieurs créateurs, dont Voltaire

Voltaire est toujours bien vivant.

 

Référence

Simenon, «Le témoignage de l’enfant de chœur», dans Maigret et l’inspecteur Malgracieux, dans Tout Simenon 2, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1988, p. 7-122, p. 37-64. Édition originale : 1947.

Curiosités voltairiennes (et trudeauesques)

Photo de Justin Trudeau, mars 2025

À la fin de son mandat comme premier ministre du pays, Justin Trudeau a prononcé un discours sur la guerre commerciale lancée par les États-Unis contre le Canada. Extrait :

C’est le moment de redoubler d’efforts, de se tenir debout pour notre pays, de faire tout ce qu’on peut pour choisir le Canada, pour défendre le Canada. On va passer ensemble à travers les moments difficiles. Mais après vous avoir vus aller dans les dernières semaines, j’ai jamais été aussi optimiste quant au futur de notre beau pays, malgré tous les défis qu’on va être en train de vivre ensemble. Le Canada reste le meilleur pays sur Terre. On a tellement de raisons d’être fiers de notre chez nous, de ces quelques arpents de neige. Mais, surtout, je suis fier de notre capacité de nous serrer les coudes quand vient le temps. Les Canadiens ont de différentes origines, de différentes langues, différentes croyances, mais quand vient le temps de défendre notre pays, on le fait d’une seule voix, main dans la main. — À travers vents et marées, les Canadiens peuvent toujours compter les uns sur les autres.

Voltaire est toujours bien vivant.

P.-S.—Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»