Méfiez-vous de vos propres stratagèmes

Carlo Fruttero, Des femmes bien informées, 2007, couverture

«Turin n’est pas précisément le Paris
de Diderot et de Mme du Deffand.»
Carlo Fruttero
Des femmes bien informées

Une amoureuse déçue décide de se venger d’un amant qui s’est détournée d’elle en lui faisant épouser, sans qu’il le sache, une ex-prostituée. Cela donne l’épisode de Mme de la Pommeraye dans Jacques le fataliste, de Diderot, le roman Des femmes bien informées, de Carlo Fruttero, et le film Mademoiselle de Jonquières, d’Emmanuel Mouret.

À chacun sa conclusion et sa morale.

 

Référence

Fruttero, Carlo, Des femmes bien informées. Roman, Paris, Robert Laffont, 2007, 231 p. Édition originale : 2006. Traduction de François Rosso.

De la Bretagne (et du Québec)

Jean Lecoulant et Ronan Calvez, En Bretagne ça se dit comme ça !, 2024, couverture

Plus tôt cette année, les éditions Le Robert lançaient, sous la direction de Médéric Gasquet-Cyrus, la collection «Ça se dit comme ça !» À ce jour, trois variétés du français hexagonal ont été abordées : à Marseille, dans le Nord et en Picardie, en Bretagne.

Allons voir du côté des Bretons.

Le livre est joli, sur du papier épais, avec de très nombreuses illustrations (dessins, cartes, photos). Les expressions propres à la Bretagne sont présentées de deux façons : par ordre alphabétique (de «ac’hi-ac’ha» [en bisbille] à «yec’hed mad» [bonne santé]») et par regroupements thématiques (oui, il y a deux pages sur les crêpes). S’ajoutent à cela un «Avant-propos» («Prêtons l’oreille à ce qui se dit et on aura du goût»), un index et une bibliographie. Les lecteurs sont interpelés à l’occasion.

Les auteurs, Jean Lecoulant et Ronan Calvez, sont constamment sensibles aux liens entre le «français standard», le breton et le gallo; c’est cela qui explique plusieurs particularités du «français régional» ou «local» de Bretagne. Ils donnent de nombreuses indications de prononciation et proposent des étymologies. Leur Bretagne n’est pas uniforme, mais plutôt faite de sous-régions.

Lu du Québec, l’ouvrage dépaysera souvent, mais pas toujours. Pour une oreille québécoise, en effet, quelques expressions ne posent aucun problème de compréhension : avoir de la misère (souffrir, avoir des difficultés, p. 14), chez nous (notre, p. 38), ramasser et serrer ses affaires (les ranger, p. 53), ce serait péché (ce serait dommage, p. 104), poquer (heurter, emboutir, p. 114), toujours (en tout cas, p. 128), trouver dur (avoir du mal, de la peine, p. 131), etc.

L’Oreille tendue a trouvé une expression qui la ravit en matière d’imbibition : «casser la soif» (p. 126). C’est adopté.

P.-S.—Déplorons une absence : l’entrée «menhir, dolmen» (p. 94-95) ne fait pas du tout allusion à Obélix.

 

[Complément du jour]

Au moment de mettre ceci en ligne, l’Oreille apprend la parution du quatrième volume de la collection… aujourd’hui : En Alsace ça se dit comme ça !

 

Références

Dawson, Alain et Liudmila Smirnova, Dans le Nord et la Picardie ça se dit comme ça !, Paris, Le Robert, coll. «Ça se dit comme ça !», 2024, 144 p. Ill.

Erhart, Pascale, En Alsace ça se dit comme ça !, Paris, Le Robert, coll. «Ça se dit comme ça !», », 2024, 144 p. Ill.

Gasquet-Cyrus, Médéric, À Marseille ça se dit comme ça !, Paris, Le Robert, coll. «Ça se dit comme ça !», », 2024, 144 p. Ill.

Lecoulant, Jean et Ronan Calvez, En Bretagne ça se dit comme ça !, Paris, Le Robert, coll. «Ça se dit comme ça !», », 2024, 143 p. Ill.

Tropes orphelins

Raymond Queneau, les Œuvres complètes de Sally Mara, éd. de 1979, couverture

L’Oreille tendue, depuis 2011, propose un «Dictionnaire personnel de rhétorique».

Il lui arrive de se retrouver avec des phrases dont elle ne sait que faire. Deux exemples.

«Elle avait une maison à tenir et très peu de temps pour la douceur et jamais le matin» (Arvida, p. 130).

«Il continuait à pleuvoir et le gardien à m’interroger» (Journal intime de Sally Mara).

Ce sera tout pour l’instant.

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Queneau, Raymond, «Journal intime», dans les Œuvres complètes de Sally Mara, Paris, Gallimard, coll. «L’imaginaire», 48, 1979, 360 p., p. 11-190. Édition originale : 1962.