Les zeugmes du dimanche matin et de Josée Marcotte

Josée Marcotte, Marge, 2010, couverture

«Marge prit son courage à deux mains et cette bouteille de Tequila…»

«À bout de patience, elle lui a lancé des remarques désobligeantes, un camembert et une brique de cheddar doux…»

Josée Marcotte, Marge. En numérique : Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Décentrements», 2010. En papier : Saint-Cyr-sur-Loire, publie.papier, 2013, 212 p.

(Merci à @ljodoin.)

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Les zeugmes du dimanche matin et de François Hébert

François Hébert, De Mumbai à Madurai, 2013, couverture

«Son alter ego fait du stop, prend des bus, des bières et son temps» (p. 64).

«Zeus aussi visitait les mortelles et celles-ci en perdaient des plumes, leur réputation et à coup sûr leur virginité» (p. 73).

François Hébert, De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. Récit, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Romanichels», 2013, 127 p. Ill.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Autopromotion 058 ou l’internationale de la gougoune

François Hébert, De Mumbai à Madurai, 2013, couverture

En 2009, l’Oreille tendue publiait un petit livre rassemblant des souvenirs de Thaïlande, Bangkok. Notes de voyage. Sous le titre «retirez-les», on pouvait y lire ceci :

Bouddha et les divinités hindoues ont des relations complexes avec les pieds. Dans un temple, il n’est pas permis que les pieds des pèlerins et des touristes pointent vers leurs statues, et qui enfreint la règle se le fait rappeler sèchement, parfois à coups de bâtons. De même, doit s’y déchausser qui y entre, y compris bébé sur le dos de papa; encore une fois, on ne badine pas avec la règle.

Elle est également laïque, encore que d’application plus douce. Pas de chaussures dans certains espaces des maisons, quelques commerces, les orphelinats, du moins dans les zones fréquentées par les enfants, dans des musées. (Où l’on voit que la tolérance est laïque plus que religieuse.)

Voilà pourquoi le lacet n’est pas de mise, et la gougoune en plastique si populaire (p. 32).

Un écrivain ami de l’Oreille, François Hébert, vient de faire paraître De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi, où il la cite (merci).

Selon Benoît Melançon dans Bangkok, le bouddhisme favoriserait l’usage de la gougoune, ou tong comme disent les Français de France, de préférence en plastique, plus facile à déchausser que nos baskets ou running shoes quand il faut entrer nu-pieds dans les temples, et meilleur marché bien entendu.

L’hindouisme aussi, ma foi.

Archéologues, la gougoune est l’artefact de demain ! (p. 32)

Suit un passage à propos des gougounes «fantômes» qui flottent «sur les eaux portuaires de Bombay» (p. 32-33).

Plus tard, à Madurai, Hébert se souviendra de ces «gougounes dépareillées» (p. 96) et il croisera des «stands à gougounes» (p. 80).

C’est dit : il existe bel et bien une internationale de la gougoune.

P.-S. — Le sous-titre de De Mumbai à Madurai provient, par V.S. Naipaul interposé, d’un tableau de Giorgio de Chirico, «L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi». Pour François Hébert, ce titre est une «anacoluthe qui laisse rêveur» (p. 166). Ne s’agirait-il pas plutôt d’un zeugme ? Ça se discute.

 

[Complément du 10 janvier 2014]

Un nouveau livre de François Hébert a paru, Où aller (2013). Dans le poème «Quelque part dans le Sud» (p. 30), on lit :

de Macao à Higüey
dans les fossés bouts de tuyaux
sacs aux branches des buissons
plastiques et chromes de véhicules
gougounes dépareillées canettes défoncées
tessons de Crush ou de Fanta

D’autres «gougounes dépareillées».

 

[Complément du 4 janvier 2019]

Soit la réplique suivante, tirée de la nouvelle «Socorro», du recueil le Nombril de la lune, de Françoise Major, qui se déroule au Mexique : «Tu vas t’ennuyer des chanclazos» (p. 132). Chanclazos ? «Coup de gougoune [chancla], LA punition classique des mères latinas» (p. 271). Oui, l’internationale de la gougoune.

 

[Complément du 18 septembre 2019]

Rebelote chez François Hébert, dans le poème «Quoi voir au musée» de Des conditions s’appliquent (2019) :

6

voyons voir le fond des choses

les baleines crèvent
le corail s’éteint
le plancton se raréfie

les océans sont graisseux
de pétrole et de crèmes
pour la beauté

s’emplissent de contenants
cannettes
gougounes

soie dentaire
pour les requins (p. 26)

 

[Complément du 29 mai 2023]

Le plus récent roman de François Hébert, Frank va parler (2023), vient de paraître. Que peut-on y lire au sujet de la crise climatique ? Que «le climat, pour aller vite, se détériore sur la planète à cause des goons ou gorgones actuels de l’économie et de leurs sales gougounes dans les océans» (p. 109-110).

 

[Complément du 3 janvier 2024]

Pas de gougounes dans Si affinités, le recueil posthume de François Hébert, mais ceci : «gongs tongs poteries loteries soieries lanternes» («Dans le Chinatown de San Francisco», p. 65).

 

Références

Hébert, François, De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. Récit, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Romanichels», 2013, 127 p. Ill.

Hébert, François, Où aller, Montréal, l’Hexagone, coll. «L’appel des mots», 2013, 89 p.

Hébert, François, Des conditions s’appliquent. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2019, 75 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.

Hébert, François, Si affinités. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2023, 104 p. Postface de Nathalie Watteyne.

Major, Françoise, le Nombril de la lune. Nouvelles, Montréal, Le Cheval d’août, 2018, 276 p.

Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyage, Montréal, Del Busso éditeur, coll. «Passeport», 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc. Édition numérique : Montréal, Numerik:)ivres et Del Busso éditeur, 2011.

Benoît Melançon, Bangkok, 2009, couverture

Saguenayisme (de bon aloi ?)

Soit le tweet suivant de @MadameChos : «My god qu’ils sont giguons. #parvenus http://fb.me/1XFHAx4Ou.»

Soit cet extrait d’une chanson d’Alecka :

Coudon
Ben voyons don
Heille creton
C’est don ben bon
Heille creton
Dans l’fond
Bougon gigon
Ou bedon

Deux choses rassemblent @MadameChos et Alecka : un mot («giguons», «gigon»); une filiation régionale, le Saguenay—Lac-Saint-Jean. Conclusion provisoire ? Voilà un régionalisme.

Que signifie-t-il ? Le mot est évidemment péjoratif : si @MadameChos l’emploie pour parler de Beyoncé et Jay-Z (et de leur bébé), ce n’est pas à leur avantage («#parvenus»).

Que disent de ce mot les dictionnaires que l’Oreille tendue a sous la main ? Rien, du moins, dans Franqus. Dictionnaire de la langue française. Le français vu du Québec, le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, la Base de données lexicographiques panfrancophones, le Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français […], le Dictionnaire de la langue québécoise.

En revanche, le Supplément 1981 du dictionnaire de Léandre Bergeron a ceci, à «jigon, onne» : «adj. ou n. — Malpropre. Mal habillé. Ex. : Est jigonne tous les jours excepté le dimanche, celle-là. Être jigon ou faire le jigon. — Jouer des coups de cochon» (p. 113).

Dernier élément d’information : dans une famille dont un des membres est d’origine du Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a déjà confié à l’Oreille que nono pouvait servir de synonyme à gigon.

Bref, avouons-le : l’Oreille a besoin d’aide, tant pour pour la graphie («giguon», «gigon», «jigon») que pour le sens («nono», «malpropre», «fourbe») de ce mot.

 

[Complément du 22 janvier 2013]

Définition d’une Jeannoise : «quelqu’un aux manières frustes, voire grossières», confirmée par une Saguenéenne.

Une autre confirmation, d’une autre Saguenéenne : «mal élevé, un peu “colon”».

Trois remarques encore de @clerc2000. Une première définition rejoint celles que l’on trouve ci-dessous : «s’apparente à l’expression colon (sans classe, malpoli, malpropre). lien avec la gigue peut-être…». Une deuxième s’accorde avec celle de Léandre Bergeron : «On peut aussi dire elle s’habille en gigon (comme la chienne de J)». En revanche, @clerc2000 ne voit pas de lien avec nono.

Merci Twitter.

 

[Complément du 23 mai 2014]

Plus fort que le gigon ? Le «power gigon» (la Déesse des mouches à feu, p. 84).

 

[Complément du 11 juin 2018]

Aux étymologies évoquées dans les commentaires ci-dessous, ajoutons celle-ci, lue aujourd’hui sur Twitter : «L’origine que j’ai entendue le plus souvent du mot gigon était que ce mot était utilisé pour ridiculiser les gens qui restaient à Rivière-du-Moulin (quartier de Chicoutimi qui était un village), qui étaient très pauvres et qui giguaient beaucoup comme activité sociale…»

 

[Complément du 7 octobre 2018]

Parmi les exemples d’expressions saguenéennes retenus par Jean-Sébastien Girard dans sa chronique «Voyager en Jeannorama» de l’émission La soirée est (encore) jeune du 6 octobre 2018, celui-ci est postélectoral : «As-tu vu la gigonne avec sa tuque qui vient d’être élue, Jean-Philippe ?»

 

[Complément du 27 septembre 2020]

Si l’on en croit la base de données Eureka, le mot est peu utilisé à l’écrit. Au cours des douze derniers mois, au Québec, ni jigon, ni jiguon, ni giguon n’y apparaissent. Gigon n’y est recensé que trois fois.

Le Wiktionnaire offre des exemples et une série de synonymes de gigon : cave, épais, imbécile, innocent, taouin / tawin, tarla, troufion, zezon.

Toujours sous la forme gigon, le mot apparaît dans un ouvrage récent, la Langue de Charlevoix et du Saguenay—Lac-Saint-Jean (2020).

 

[Complément du 28 septembre 2020]

Hier soir, à l’émission radiophonique La soirée est (encore) jeune, l’Oreille tendue est allée dire quelques mots au sujet des jigons / gigons. C’est ici, à compter de la neuvième minute.

 

Références

Alecka, «Choukran», Alecka, 2011, étiquette Spectra musique.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Pettersen, Geneviève, la Déesse des mouches à feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 2014, 203 p.

Verreault, Claude et Claude Simard, la Langue de Charlevoix et du Saguenay—Lac-Saint-Jean : un français qui a du caractère, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Langue française en Amérique du Nord», 2020, 168 p.

Ça, c’est une incise, pontifia-t-il

Jean Echenoz, Cherokee, 1983, couverture

«il a tenté des incidentes»
Jean Echenoz,
les Grandes Blondes

 

En matière d’apposition, on distingue l’incidente de l’incise.

La première s’insère dans la phrase par juxtaposition pour la commenter. Définition du Petit Robert (édition numérique de 2010) : «Se dit d’une proposition qui suspend une phrase pour y introduire un énoncé accessoire.»

Exemple : «Je soutiens que les idées sont des faits; il est plus difficile d’intéresser avec, je le sais, mais alors c’est la faute du style» (Gustave Flaubert, cité dans Grammaire Larousse du français contemporain, p. 10).

La seconde est également une proposition juxtaposée, mais elle a une fonction spécifique. Définition du Bon Usage : «Les incises sont des incidentes particulières indiquant qu’on rapporte les paroles ou les pensées de quelqu’un. Elles sont placées à l’intérieur de la citation ou à la fin de celle-ci. Le sujet est placé après le verbe» (éd. de 1986, p. 614).

La forme la plus banale de ce procédé est celle avec un verbe comme dire.

«Vous êtes gai, monsieur, me dit l’autodidacte» (Jean-Paul Sartre, cité dans Grammaire Larousse du français contemporain, p. 10).

«Siècle de vitesse ! qu’ils disent» (Louis-Ferdinand Céline).

«Faites donner la garde, cria-t-il» (Victor Hugo).

«Qu’est-ce donc qu’il regarde ? demanda-t-il» (Mauriac).

Dans leur Grammaire Larousse du français contemporain, Jean-Claude Chevalier, Claire Blanche-Benveniste, Michel Arrivé et Jean Peytard hasardent la phrase suivante : «Cette construction est limitée à quelques verbes (dire, penser, répondre, affirmer…)» (p. 67). Il est facile de prouver que ce n’est pas le cas.

On peut créer des incises avec toutes sortes de verbes, ce qui permet d’ajouter du sens à ce qui pourrait simplement relever de l’attribution d’une parole.

Ton de l’interlocuteur

«Il y a quelqu’un, mi-vocalisa-t-il, il n’y a personne ?» (p. 49).

«Rhonf, produisit la voix» (p. 157).

«Ils veulent me lyncher, hennit-il» (p. 236).

Volonté de mettre un terme à un échange

«Bon, raccourcit brusquement Benedetti, alors vous me trouvez cet oiseau, hein» (p. 72).

Nécessité de passer le temps

«Ces trucs sans colorants, meubla Georges, il faut faire attention au goût pour savoir ce que c’est» (p. 91).

Atténuation d’un propos

«Rien, minimisa Crémieux, pas grand-chose» (p. 99).

Emportement

«Louée sois-tu, Belle-sœur, trépigna le masque en agitant vers elle une main de gauche impérative […]» (p. 140).

Flatterie

«Vous n’avez pas tort, flatta le commerçant» (p. 193).

Mouvement dans l’espace

«Monsieur Shapiro ? s’approcha Ripert» (p. 194).

Exaspération

«Qu’il s’incarne, s’exaspéra le chœur» (p. 221).

Indignation

«C’est lui, s’indigna l’un deux» (p. 240).

Voilà ce que l’on peut (notamment) tirer d’un seul roman, Cherokee (1983), de Jean Echenoz. On pourrait multiplier les exemples, tant chez cet auteur que chez d’autres, par exemple San-Antonio.

Bref, la liste des verbes qu’on peut placer en incise est quasi infinie, n’en déplaise aux auteurs de la Grammaire Larousse du français contemporain.

P.-S.—Qu’on se le rappelle : il y a jadis naguère, l’Oreille tendue a rencontré le verbe inciser dans une incise. C’était chez Christian Gailly.

P.-P.-S.—François Bon, sur tierslivre.net, a vu l’importance des incises chez Echenoz. Elles «sont un arrangement de positions verbales sur le thème (on se dit qu’il a dû beaucoup aimer Stendhal), elles ne portent que cet effort invisible d’un déménageur de piano pour seulement instaurer le faux détachement qui est la marque d’Echenoz, et par quoi le signe met en triangle le réel et la langue, et vous-même en flottement dans les rapports ordinaires du monde, sans quoi la poésie ne serait pas […]».

P.-P.-P.-S.—L’apposition ? «Ce mot ne dénote pas une fonction à proprement parler, mais un cas particulier de la construction que nous appelons mise en position détachée. / Un terme (ou un membre) apposé est toujours séparé par une pause (marquée dans l’écriture au moyen d’une virgule) du terme auquel il se rapporte. Il est ainsi mis en relief, qu’il soit antéposé ou postposé» (Grammaire du français classique et moderne, p. 25).

 

[Complément du 23 janvier 2016]

La démonstration vient d’être faite : Jean Echenoz a le sens de l’incise. Relevons encore celle-ci, tirée du récent Envoyée spéciale (2016) : «Entrez, monosyllabe sèchement le général […]» (p. 124). Voilà à la fois un néologisme de fort bon aloi et une indication sûre sur la prononciation du général, qui sait concentrer deux syllabes en une.

 

[Complément du 23 octobre 2017]

Dans un cégep apparaît un «ponctuateur», raconte Emmanuel Bouchard dans la nouvelle «Manipulations syntaxiques» de son recueil les Faux Mouvements (2017, p. 52). De quoi s’agit-il ?

L’installation occupait l’espace de deux postes informatiques, que David avait relocalisés dans la salle réservée aux tuteurs. Ça sera certainement aussi utile. R’garde. Et il avait pris au hasard une plaquette de cèdre : «répond-il», par exemple. Une incise. Essaie de l’accrocher à celle-ci, «Ce n’est pas de tes affaires». Impossible. Puis le cube de bois est sorti de sa poche comme un lapin du chapeau. Le morceau qu’il faut pour joindre les deux plaques, c’est le bloc virgule. Essaie les autres blocs — point-virgule, point, deux-points : aucun ne fonctionne (p. 51).

La ponctuation est affaire bien concrète.

 

[Complément du 2 mai 2021]

Inclinons-nous devant cet extrait d’Adultère, le roman d’Yves Ravey (2021) : «Quand j’ai pris ma retraite, a-t-il tendu son verre dans l’attente que je le resserve, mon entreprise est restée florissante, malgré mon départ» (p. 33).

 

[Complément du 5 novembre 2022]

Yves Ravey paraît avoir un faible pour la formule a-t-il tendu. Ouvrons son récent Taormine (2022) : «Tenez ! a-t-il tendu ma carte de transport, donnez ça à votre collègue du rez-de-chaussée« (p. 123).

 

[Complément du 25 avril 2023]

L’incise préférée des animateurs et chroniqueurs de QUB radio ? «Pester», dixit Olivier Niquet dans son infolettre du jour.

Collage de citations avec le verbe «pester», QUB radio, avril 2023

 

[Complément du 27 janvier 2025]

Pas de trace de «tendu» dans le plus récent roman d’Yves Ravey, Que du vent (2024), mais néanmoins deux jolies incises.

La première est sibylline : «Pire que cela, a-t-elle mentionné mon prénom, elle ne supportait pas sa solitude» (p. 16). Ce prénom, on ne le découvrira que dix pages plus loin.

La seconde est ennuyée : «Je voulais justement, Barnett, a-t-elle tiqué, te parler de lui, je voulais te proposer un petit arrangement» (p. 49).

Oui, il s’agit du même personnage dans les deux citations.

 

[Complément du 11 février 2025]

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du jour : «Ce ne sera sans doute pas plus facile avec MacKinnon, n’avons-nous pas ajouté.» Belle incise paradoxale : on dit qu’on n’a pas dit quelque chose en laissant entendre qu’on aurait pu le dire.

 

[Complément du 16 février 2025]

On en avait croisé un spécimen ci-haut, en 2016 : «Entrez, monosyllabe sèchement le général […]» (Jean Echenoz, Envoyée spéciale, p. 124).

Double rebelote dans le récent Bristol du même Echenoz : «Cependant l’envoyé spécial émet à présent, d’une voix sourde, trois idéogrammes monosyllabiques» (p. 47). La conversation est, bien sûr, en coréen.

 

Références

Bouchard, Emmanuel, «Manipulations syntaxiques», dans les Faux Mouvements. Nouvelles, Québec, Hamac, 2017, 111 p., p. 49-55.

Chevalier, Jean-Claude, Claire Blanche-Benveniste, Michel Arrivé et Jean Peytard, Grammaire Larousse du français contemporain, Paris, Larousse, 1964, 494 p.

Echenoz, Jean, Cherokee. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1983, 247 p.

Echenoz, Jean, les Grandes Blondes. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1995, 250 p.

Echenoz, Jean, Envoyée spéciale. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2016, 312 p.

Echenoz, Jean, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

Grevisse, Maurice, le Bon Usage. Grammaire française, Paris-Gembloux, Duculot, 1986, xxxvi/1768 p. Douzième édition refondue par André Goose.

Ravey, Yves, Adultère. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2021, 140 p.

Ravey, Yves, Taormine. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2022, 138 p.

Ravey, Yves, Que du vent. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2024, 122 p.

Wagner, Robert Léon et Jacqueline Pinchon, Grammaire du français classique et moderne, Paris, Hachette, coll. «Langue, linguistique, communication», 1962, 648 p. Édition revue et augmentée.