Les zeugmes du dimanche matin et de Naomi Fontaine

Naomi Fontaine, Kuessipan, couverture

«Les traitements se donnaient dans la grande ville. Tu as quitté ton village, ta misère, ta destruction, tes amis, ta famille. Recommencer ailleurs, essayer, tenter le coup. Se soigner, pour survivre. Être survivant, de son propre corps. Il le fallait. Au bout de cette sale voie, il te restait encore de l’espoir. Partir» (p. 31).

«Une table de chevet salie par la cire des chandelles, la cendre de cigarette, les marques de crayon-feutre, la poussière des absences, le temps» (p. 91).

Naomi Fontaine, Kuessipan, Montréal, Mémoire d’encrier, coll. «Legba», 2017, 109 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Dany Laferrière

Dany Laferrière, le Charme des après-midi sans fin, 1997, couverture

«Le corps de Prophète

Dix heures du soir. Je vois Da tendre l’oreille.

— On dirait des bruits de pas, dit Da. Tout près d’ici…

Fatal regarde par le trou de la serrure.

— Venez par ici, Da. Venez voir… On dirait qu’ils transportent quelqu’un.

— Mais oui, Fatal, tu as raison. C’est un corps qu’il y a dans le sac.

— Mais qu’est-ce qu’ils sont en train de lui faire ? Ils sont complètement soûls.

Soudain la porte s’ouvre. Da sort sur la galerie. Les deux mains sur les hanches.

— Bande d’assassins ! Vous n’avez pas le droit de traiter un être humain ainsi. Vous ne respectez rien. Charognards !

Da crache par terre. La lune blafarde. Les visages étonnés du petit groupe de tueurs.

— Si ce n’était pas vous, Da, lance quelqu’un dont le visage est caché sous une cagoule.

— Vous ne me faites pas peur, bande de lâches. Qu’est-ce que vous voulez encore à ce malheureux ?

— Vous le voulez, Da ? dit un grand type en lançant le sac sur notre galerie.

Et ils continuent leur chemin en gueulant des chants obscènes» (p. 138-139).

 

«Le départ

Je suis prêt depuis quatre heures du matin. Ma valise, appuyée contre la porte d’entrée. Gros Simon avait dit à Da qu’il passerait me prendre vers six heures. Da ne s’est pas couchée de la nuit. J’ai fait semblant de dormir. De temps en temps, je soulève la pointe du drap pour regarder Da en train de marcher dans toute la maison. Elle marmonne quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. Est-ce un chant, une prière ou un monologue ? Je tends l’oreille, mais je ne parviens à saisir aucun mot. Elle essuie sans cesse tout (les meubles, les verres sur la panetière, les images saintes, les statuettes) comme si on était en plein jour. Finalement l’aube. Et Marquis qui se met à aboyer sans raison. Se doute-t-il de quelque chose ? (p. 195-196)

 

Dany Laferrière, le Charme des après-midi sans fin, Outremont, Lanctôt éditeur, 1997, 208 p.

Jean-Pierre Girerd (1931-2018)

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, 1975, couverture

Caricaturiste au quotidien la Presse de 1968 à 1996, (Jean-Pierre) Girerd vient de mourir. Yves Boisvert lui rend hommage dans la Presse+ du jour.

Outre ses dessins d’humour liés à l’actualité, Girerd a signé les dessins d’une bande dessinée sur le hockey, On a volé la coupe Stanley, parue en 1975.

On y évoque, entre autres célébrités (péri)hockeyistiques, les joueurs Maurice Richard, Guy Lafleur et Guy Lapointe, de même que les commentateurs Lionel Duval, Gilles Tremblay et René Lecavalier.

P.-S.—L’impératif du verbe envoyer, au Québec, a droit à de nombreuses graphies. En 1981, Girerd proposait «enouaille».

P.-P.-S.—L’Oreille tendue aborde brièvement cet album dans un texte de 2016, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec».

 

Références

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Bande dessinée. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Texte : Arsène. Dessin : Girerd.

Girerd, Son honneur, Montréal, La Presse, 1981, [s.p.].

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749