«Installez-vous dans votre chambre, apaisez votre respiration et tendez l’oreille au silence.»
Éric-Emmanuel Schmitt, Madame Pylinska et le secret de Chopin, Paris, Albin Michel, 2018. Édition numérique.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Installez-vous dans votre chambre, apaisez votre respiration et tendez l’oreille au silence.»
Éric-Emmanuel Schmitt, Madame Pylinska et le secret de Chopin, Paris, Albin Michel, 2018. Édition numérique.
Dans son excellente série «Passé simple», @machinaecrire évoquait hier ces
petits malins [qui] s’inventent des versions édulcorées des sacres. Il s’agit de tordre une syllabe pour mettre un gros mot à la diète. Ainsi sont-ils persuadés de leurrer les adultes lorsqu’ils lancent : bateau, câline, câlique, caltore, crime, cibole, hostic, sacrifice, tabarnane, tabarouette, taboire et le classique christie, qui est à la fois la fusion de christ et hostie, mais aussi une marque de biscuits bien connue à l’époque.
«Christie» ? Patrick Lagacé, de la Presse+, n’est pas du même avis :
Mais tout pour désespérer de l’humanité : cristi, tu me suggères de me pendre, bonhomme, pour vrai, tu vires sur le top parce que j’ai écrit que mourir à 69 ans, subitement, est une belle mort ?
Cristi est aussi la graphie retenue par Léandre Bergeron en 1980, qui définit le mot ainsi : «Forme adoucie de CRISSE !» (p. 159; majuscules certifiées d’origine). Francis Desharnais et Pierre Bouchard ajoutent une lettre : cristie (2013, p. 102).
Albert Chartier, dans la bande dessinée Onésime en juin 1983 (éd. de 2011, p. 229), préfère «Christi».

L’origine de l’expression n’est pas plus claire. @revi_redac se posait la question en 2014 :
@benoitmelancon Selon vous, «christie» est un euphémisme de «Christ» ou la contraction de «Christ» et «ostie»? Merci.
— révision + rédaction (@revi_redac) August 26, 2014
L’Oreille tendue pencherait vers l’euphémisme plus que vers la fusion christ + hostie, mais elle n’en mettrait pas son oreille au feu.
Tout ça, il est vrai, se discute.
Références
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.
Chartier, Albert, Onésime. Les meilleures pages, Montréal, Les 400 coups, 2011, 262 p. Publié sous la direction de Michel Viau. Préface de Rosaire Fontaine.
Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 3. Comme dans le temps, Montréal, Éditions Pow Pow, 2013, 107 p.
«Dans la classe, la professeure entre. Elle porte une canne et son autorité fêlée, on rit d’elle dans son dos, la vieille sorcière, on est en deuxième année.»
Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué. Roman, Montréal, Héliotrope, 2017, 209 p., p. 11.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Pendant une grande partie de mon adolescence le cinéma Princess, aujourd’hui le Parisien, mettait à l’affiche chaque semaine deux films d’horreur ou de science-fiction à petit budget que je dégustais avec un plaisir sans bornes, un sac de chips Maple Leaf et un gros Coke.»
Michel Tremblay, les Vues animées. Récits, Montréal, Leméac, coll. «Nomades», 2016, 229 p., p. 153. Édition originale : 1990.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«À neuf heures nous nous disposions à monter nous coucher; ma mère avait déjà la lampe à la main, lorsque nous entendîmes très nettement deux grands coups lancés à toute volée dans le portail, à l’autre bout de la cour. Elle replaça la lampe sur la table et nous restâmes tous debout, aux aguets, l’oreille tendue» (p. 90).
«Il expliquait comment, immobilisés par le froid sur la place, ne songeant pas même à organiser des représentations nocturnes, où personne ne viendrait, ils avaient décidé que lui-même irait au cours pour se distraire pendant la journée, tandis que son compagnon soignerait les oiseaux des Iles et la chèvre savante. Puis il racontait leurs voyages dans le pays environnant, alors que l’averse tombe sur le mauvais toit de zinc de la voiture et qu’il faut descendre aux côtes pour pousser à la roue. Les élèves du fond quittaient leur table pour venir écouter de plus près. Les moins romanesques profitaient de cette occasion pour se chauffer autour du poêle. Mais bientôt la curiosité les gagnait et ils se rapprochaient du groupe bavard en tendant l’oreille, laissant une main posée sur le couvercle du poêle pour y garder leur place» (p. 103).
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 1000, 1964, 246 p.